Le ministre des Finances, Eric Girard, a déposé le 8 avril 2025 à l’Assemblée nationale le projet de loi n° 92 visant à modifier diverses dispositions principalement dans le secteur financier. Cette réforme d’envergure, qui touche une douzaine de lois, propose plusieurs changements majeurs dont la fusion de la Chambre de la sécurité financière et de la Chambre de l’assurance de dommages en une seule entité appelée « Chambre de l’assurance ».
Une centralisation controversée
La mesure phare du projet de loi est sans conteste la fusion des deux chambres d’autoréglementation qui encadrent actuellement les représentants en assurance. Cette fusion soulève des questions sur l’indépendance de la nouvelle entité face à l’Autorité des marchés financiers (AMF).
« Nous sommes engagés à actualiser régulièrement les lois qui encadrent les secteurs de la finance et du courtage immobilier. Nous travaillons en étroite collaboration avec les acteurs de ces milieux pour offrir aux entreprises l’agilité qui leur permettra de continuer à évoluer », a déclaré le ministre Girard lors du dépôt du projet de loi.
Cependant, cette fusion rappelle étrangement une tentative similaire proposée dans le projet de loi 141 en 2017, qui visait à abolir complètement ces chambres pour transférer leurs pouvoirs à l’AMF. Cette proposition avait alors suscité une vive opposition de l’industrie.
Élargissement du Fonds d’indemnisation
Le projet de loi 92 prévoit également l’élargissement de la portée du Fonds d’indemnisation des services financiers pour inclure les courtiers en placement. Ce fonds, qui indemnise les victimes de fraude ou de détournement de fonds dans le secteur financier, sera désormais transféré sous la Loi sur l’encadrement du secteur financier.
Cette mesure pourrait offrir une meilleure protection aux consommateurs, mais soulève des questions sur les coûts supplémentaires qui pourraient être imposés aux professionnels du secteur.
Nouvelles pénalités administratives
Le projet introduit un nouveau régime de pénalités administratives pouvant atteindre 2 millions de dollars pour les contrevenants à diverses lois du secteur financier. Le Tribunal administratif des marchés financiers pourra imposer ces pénalités aux personnes qui contreviennent aux lois sur les assureurs, les coopératives de services financiers, les institutions de dépôts et les sociétés de fiducie.
Ces amendes substantiellement augmentées représentent un durcissement significatif des sanctions potentielles contre les institutions financières fautives.
Renforcement de l’encadrement du courtage immobilier
Le projet de loi renforce également l’encadrement des pratiques de courtage immobilier. L’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) pourra désormais refuser de délivrer un permis ou le révoquer si les personnes concernées n’ont pas « la probité nécessaire » pour exercer leurs activités.
De plus, les sanctions pour non-divulgation de conflits d’intérêts sont renforcées, avec l’imposition minimale d’une amende en cas de manquement.
Flexibilité accrue pour l’expertise en sinistre
Une mesure plus technique mais potentiellement importante permettra à l’AMF d’autoriser certaines personnes à agir comme experts en sinistre sans détenir le certificat normalement requis, et ce pour des sinistres dépassant le seuil habituel de 5 000 $.
Cette disposition vise à offrir plus de flexibilité lors de situations exceptionnelles, comme des catastrophes naturelles, mais pourrait soulever des préoccupations quant à la qualification des personnes autorisées.
Un projet qui suscite des questions
Bien que présenté comme une modernisation nécessaire, ce projet de loi soulève plusieurs interrogations. La centralisation des pouvoirs réglementaires et la fusion des chambres d’autoréglementation pourraient réduire la diversité des perspectives dans la supervision du secteur financier.
Pour les professionnels du secteur, les impacts seront mitigés. D’un côté, certaines mesures comme la flexibilité accrue pour l’expertise en sinistre pourraient faciliter les opérations. De l’autre, l’augmentation potentielle des cotisations au Fonds d’indemnisation et le durcissement des sanctions représentent des risques accrus.
Pour les consommateurs, l’élargissement du Fonds d’indemnisation et le renforcement des sanctions pourraient offrir une meilleure protection. Toutefois, ces coûts supplémentaires risquent d’être ultimement répercutés sur les frais de service.
Le projet de loi 92 s’inscrit dans une tendance de centralisation réglementaire observée depuis plusieurs années au Québec. Reste à voir si cette approche permettra réellement d’atteindre l’équilibre délicat entre protection des consommateurs, efficacité réglementaire et dynamisme du secteur financier.