À la Maison-Blanche, la diplomatie a pris une tournure étrange ces derniers mois, suscitant un malaise généralisé dans les cercles internationaux. Comme le souligne mon ami Frank, dit « le Dédomiseur » avec une ironie grinçante, « les visites des chefs d’État à la Maison-Blanche sont désormais rendues des séances de torture diplomatique ». Il n’est plus question ici des cérémonies soigneusement orchestrées d’autrefois, mais plutôt d’un théâtre imprévisible où chaque dirigeant étranger peut potentiellement se voir publiquement humilié ou brusquement remis en question. Ce phénomène s’est cristallisé autour de la visite, en février 2025, du président ukrainien Volodymyr Zelensky, désormais considérée comme le modèle redouté d’un nouveau verbe diplomatique : se faire « zelenskier ». Les médias américains parlent « d’embuscades ».
La rencontre de Zelensky avec Donald Trump en février 2025 est entrée dans l’histoire diplomatique contemporaine comme un sommet chaotique. Zelensky, confronté à des demandes imprévues et des propos provocateurs, notamment sur l’aide militaire américaine conditionnée à des réformes jugées humiliantes, a vu sa position fragilisée publiquement par un président américain visiblement déterminé à imposer son rythme. L’effet de surprise, bien qu’humiliant, a paradoxalement renforcé la position américaine à court terme, permettant à la Maison-Blanche d’obtenir rapidement des concessions stratégiques sur l’engagement ukrainien et les questions économiques connexes.
Plus récemment, en mai 2025, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a vécu une expérience similaire lors de sa visite à Washington. Confronté à des questions abruptes sur les relations économiques de l’Afrique du Sud avec la Chine et sur sa position concernant le conflit en Ukraine, Ramaphosa a été placé dans une situation inconfortable face aux caméras du monde entier. Cette visite reflète une volonté affichée par Trump d’utiliser ces rencontres pour affirmer la prédominance américaine sur la scène internationale tout en exerçant une pression visible sur ses interlocuteurs.
Certains analystes voient dans cette imprévisibilité un avantage tactique notable. Cette approche déstabilise les chefs d’État étrangers, offrant à Washington une capacité accrue à obtenir des concessions rapides sous la pression médiatique. De plus, l’attention médiatique accrue donne à la Maison-Blanche une occasion précieuse de contrôler l’agenda international, redirigeant l’attention vers les priorités américaines tout en mettant en garde ses partenaires contre toute hésitation à aligner leurs politiques avec les intérêts américains.
Cependant, les inconvénients de ce comportement diplomatique inhabituel sont significatifs. Sur le long terme, il s’agit d’une stratégie risquée qui menace la crédibilité américaine. En effet, la confiance étant essentielle aux relations internationales, la volatilité manifestée par l’administration américaine risque d’isoler progressivement Washington sur la scène mondiale. Des alliés traditionnels pourraient percevoir ce traitement comme un manque de respect flagrant, réduisant leur volonté de coopérer dans des crises futures.
Cette approche imprévisible et humiliante amplifie également l’instabilité internationale. Dans un contexte où les tensions en Europe de l’Est, particulièrement avec la Russie, et les défis économiques en Afrique, demeurent vifs, le fait de transformer les rencontres diplomatiques en événements médiatiques sensationnalistes risque d’aggraver ces tensions. Les visites de Zelensky et de Ramaphosa, par exemple, ont laissé une impression négative durable sur la capacité des États-Unis à servir de médiateur fiable dans les conflits internationaux.
À ce titre, se faire « zelenskier » fait désormais frémir de nombreux dirigeants qui anticipent leur propre passage à Washington. Ils craignent non seulement la perte de prestige, mais aussi la possibilité que leur politique nationale soit subitement et publiquement mise en question, les obligeant à gérer des conséquences difficiles sur le plan intérieur.
En somme, bien que cette stratégie diplomatique particulière puisse donner des résultats immédiats et spectaculaires, son efficacité à long terme reste fortement questionnable. Les risques d’isolement diplomatique et de perte de confiance internationale sont trop élevés pour ignorer les effets néfastes potentiels. À l’heure actuelle, les chefs d’État hésitent désormais avant d’accepter une invitation à la Maison-Blanche, redoutant d’être les prochains à subir l’épreuve du « zelenskier ». Cette situation pose un défi majeur aux relations internationales contemporaines, marquées par l’incertitude et l’instabilité croissante, dans lesquelles les États-Unis semblent aujourd’hui jouer un rôle paradoxal : à la fois arbitre et perturbateur.