Lundi, août 11, 2025

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Bourse carbone : une taxe qui refuse de dire son nom

Le débat qui ne finit pas

Au Québec, on nous répète que nous n’avons pas de taxe carbone. Non, non, voyons : c’est une bourse carbone. Un mécanisme sophistiqué, inspiré des marchés financiers, où les grands émetteurs de gaz à effet de serre achètent et vendent des droits d’émettre du CO₂. On se veut pédagogues : ce n’est pas une taxe, c’est un outil de marché. Mais sur le terrain, pour celui qui remplit son réservoir ou paie sa facture de chauffage, le résultat est identique.

« La taxe carbone coûte cher aux Québécois »

Éric Duhaime, chef du Parti Conservateur du Québec

Un monopole sur le droit d’émettre

Le fonctionnement de la bourse carbone est simple :

  1. Le gouvernement fixe un plafond global d’émissions.
  2. Il délivre un nombre limité de « permis » (crédits carbone).
  3. Les entreprises doivent acheter ces crédits aux enchères ou sur le marché secondaire.
  4. Chaque année, le plafond baisse, rendant les crédits plus rares — donc plus chers.

 C’est, en essence, un permis payant pour polluer. Comme un permis de pêche, une vignette de stationnement ou une licence d’alcool : pas d’achat, pas d’activité.

Ce que dit la loi, ce que dit le portefeuille

Juridiquement, le système de plafonnement et d’échange (SPEDE) n’est pas une taxe au sens strict :

  • Pas de taux fixe imposé par le gouvernement.
  • Un prix déterminé aux enchères, influencé par l’offre et la demande.
  • L’obligation s’adresse aux entreprises, pas directement aux particuliers.

Mais économiquement, c’est bel et bien un prélèvement obligatoire qui augmente le prix de produits essentiels. En 2024, le gouvernement québécois a encaissé près de 1,5 milliard $ grâce aux enchères de droits d’émission (ICAP Carbon Action). Cet argent va dans le Fonds d’électrification et de changements climatiques (FECC) — un objectif noble, peut-être, mais financé par un coût répercuté jusqu’au dernier consommateur.

Définition de « taxe » : l’éléphant dans la pièce

Selon le Petit Robert (édition 2025), une taxe est un « Prélèvement pécuniaire perçu par l’État ou une collectivité publique, sur les usagers d’un service public ou sur une activité, pour couvrir des dépenses. »

Larousse (édition en ligne, consultée en août 2025) donne une définition quasi identique : « Prélèvement obligatoire perçu par une collectivité publique, à l’occasion de l’utilisation d’un service ou de l’exercice d’une activité. »

Dans les faits, la bourse carbone coche toutes ces cases :

  • Prélèvement obligatoire : les entreprises visées doivent acheter des droits d’émettre.
  • Par une collectivité publique : c’est le gouvernement du Québec qui fixe les règles, gère les enchères et encaisse les revenus.
  • Sur une activité : émettre des GES dans le cadre de la production, du transport ou du chauffage.
  • Pour couvrir des dépenses : les sommes alimentent un fonds public destiné à financer la transition énergétique.

La réalité à la pompe et ailleurs

Depuis l’abandon de la taxe carbone fédérale le 1er avril, les automobilistes canadiens ont vu le prix de l’essence chuter d’environ 18 cents le litre, selon Desjardins — ce qui représente une économie de 9 $ pour remplir un réservoir de 50 litres. Pour un automobiliste moyen, cela représente plus de 200 $ par an simplement pour la composante carbone du prix à la pompe.

Au Québec, où le système SPEDE demeure actif, la baisse ne s’est tout simplement pas produite. Résultat : les Québécois paient encore 20 cents de plus le litre, comparativement aux autres provinces. Un reportage du Journal de Montréal du 20 mai 2025 confirme que « l’écart peut aller jusqu’à plus de 40 sous entre le Québec et l’Alberta ou le Manitoba ».

Cette surtaxe n’affecte pas que les automobilistes. Les agriculteurs, les transporteurs et même les municipalités subissent ces coûts qui se répercutent en cascade sur le prix des biens et services essentiels. Ce coût supplémentaire se reflète dans le prix des aliments, des matériaux, des biens de consommation — bref, tout ce qui se transporte.

FECC : le nouveau nom d’un vieux problème

Le FECC n’est pas né d’hier. Il a remplacé en 2020 le très critiqué Fonds vert, dont l’historique est entaché d’inefficacité et de gaspillage.

Officiellement, cet argent sert à financer des projets réduisant les gaz à effet de serre et à soutenir la transition énergétique. Dans les faits, le prédécesseur du FECC a été épinglé à plusieurs reprises par le Vérificateur général pour sa mauvaise gestion et ses dépenses discutables.

En 2016, le Commissaire au développement durable révélait que seulement 3 des 44 mesures financées avaient atteint leurs cibles de réduction de GES. L’année suivante, un autre rapport pointait l’absence d’indicateurs clairs, le financement de projets sans lien direct avec l’environnement et même des subventions à des entreprises déjà rentables.

Cette débâcle a forcé le gouvernement à rebaptiser le Fonds vert en 2020, en promettant une meilleure gouvernance. Or, plusieurs critiques, dont celles de l’Institut économique de Montréal, soutiennent que la réforme n’a pas corrigé le fond du problème : des dépenses qui peinent à produire des résultats mesurables sur les émissions de GES.

En clair, le consommateur paie à la pompe une taxe qui finance un programme dont l’historique est entaché d’inefficacité.

La proposition Duhaime : couper le robinet du FECC

Pour le chef du PCQ, la solution est simple : cesser de financer un fonds inefficace.

« On ne peut pas continuer de prendre 1,5 milliard $ par année dans les poches des Québécois pour l’envoyer dans un programme qui ne livre pas »

Éric Duhaime, chef du Parti Conservateur du Québec

En abolissant la bourse carbone, le FECC se retrouverait privé de sa principale source de revenus — ce qui, selon Duhaime, libérerait immédiatement une marge de manœuvre pour réduire la facture énergétique des particuliers et des entreprises, tout en mettant fin à une iniquité compétitive avec les provinces voisines.

Un mot qui change tout… pour la perception

Pourquoi éviter le mot « taxe »? Parce que le terme est politiquement explosif. Dans un sondage Léger–Le Journal–TVA, 56 % des Québécois se disent favorables à l’abolition de cette tarification.

Les opposants à Eric Duhaime y voient un euphémisme commode.

« On ne peut pas mettre nos entreprises et nos travailleurs à un désavantage alors que le reste du continent ne fait pas d’efforts. »

Éric Duhaime, chef du Parti Conservateur du Québec

Conclusion : appelons un chat un chat

Alors oui, qu’on l’appelle « bourse carbone », « tarification du carbone » ou « SPEDE », la mécanique est claire : c’est une taxe dans les faits. Elle est obligatoire, elle augmente le prix des biens et services, et elle alimente les coffres de l’État. Quant aux dépenses… le fonds révèle un volet ambigu : des montants importants sont prévus, orientés vers la transition, mais sans redditions de comptes claires. Le contribuable mérite de savoir si ce qu’il paie est bien investi — pas juste collecté.

En d’autres mots : Rebaptiser une taxe n’a jamais allégé un portefeuille.

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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