Avec NPC – Essai sur la fabrique du conformisme, François Fournier, coanimateur du populaire podcast Ian et Frank, signe son troisième ouvrage et deuxième essai après L’arnaque décroissante. Fidèle à sa réputation d’esprit libre, il livre ici une réflexion percutante sur la mécanique du conformisme moderne — un sujet à la fois universel, dérangeant et terriblement actuel.
Un miroir plutôt qu’un pamphlet
En reprenant le terme « NPC » (Non-Playable Character), souvent utilisé dans les milieux de droite pour désigner les individus qui répètent sans réfléchir les discours dominants, Fournier aurait pu sombrer dans le pamphlet politique. Or, il choisit tout l’inverse : un essai sur l’être humain avant tout.
Le conformisme, explique-t-il, n’est pas qu’une question d’idéologie ; c’est un réflexe profondément ancré dans notre nature. Il nous simplifie la vie, nous aide à gagner du temps et à nous sentir en sécurité dans le groupe. Mais il devient dangereux lorsqu’il remplace la pensée critique par la répétition mécanique.
Et c’est là que le livre frappe fort : au fil des pages, on se surprend à reconnaître les comportements de « NPC » chez les autres… avant de réaliser qu’on les adopte aussi nous-mêmes, dans certaines sphères de notre vie. Cette lucidité fait tout le mérite de l’essai : il nous force à regarder le conformisme non pas comme un mal extérieur, mais comme un réflexe intérieur à apprivoiser.
Un regard équilibré, sans partisanerie
Fournier se distingue par sa capacité à éviter le piège du manichéisme politique. Il souligne les dérives conformistes aussi bien à gauche qu’à droite, y compris dans les milieux dits « dissidents ». Il consacre d’ailleurs un passage éclairant à la période pandémique : plusieurs contestataires, convaincus d’être anti-système, reproduisaient à leur tour les schémas mentaux du troupeau — simplement inversés.
Cette observation, à la fois fine et courageuse, rappelle que le conformisme n’a pas de couleur politique. Même ceux qui prétendent s’en affranchir tombent souvent dans une nouvelle forme d’uniformité. L’auteur illustre ce phénomène avec quelques exemples marquants, dont celui de Catherine Dorion, qu’il décrit comme une figure d’« anti-conformisme de façade », incarnant malgré elle ce qu’elle voulait dénoncer.
Une synthèse interdisciplinaire solide
NPC se démarque aussi par son approche transversale. Fournier emprunte autant à la psychologie qu’à la sociologie, à l’économie et à la philosophie, pour offrir une vision globale du phénomène. Il ne prétend pas réinventer la roue : il fait œuvre de vulgarisateur rigoureux, rassemblant des idées et lectures clés qu’il rend accessibles à un large public.
Ce travail de synthèse est précieux : peu d’auteurs avaient jusqu’ici tenté de relier ces disciplines autour du thème du conformisme. Fournier y parvient avec clarté, sans jamais alourdir son propos. Le lecteur y trouve à la fois un survol intelligible et des références sérieuses pour approfondir la réflexion.
Penser, puis agir
L’essai culmine avec un dernier chapitre d’une grande justesse, tourné vers l’action.
Plutôt que de proposer des solutions institutionnelles ou scolaires, Fournier mise sur la responsabilité individuelle et parentale. Il appelle chacun à se regarder dans le miroir : reconnaître ses propres réflexes conformistes, développer sa pensée abstraite et, surtout, transmettre l’esprit critique aux générations futures.
Cette dimension concrète donne à l’ouvrage une portée civique : renforcer l’esprit critique au sein des familles et des communautés est, selon lui, la clé d’une société plus libre et plus tolérante. Cela passe aussi par l’acceptation de la différence et la tolérance des idées marginales, conditions essentielles à la vitalité de la liberté d’expression.
Un essai lucide et salutaire
À une époque saturée d’opinions rapides et de débats prévisibles, NPC – Essai sur la fabrique du conformisme tombe à point nommé. Fournier parvient à aborder un sujet complexe sans tomber dans la lourdeur universitaire ni la simplification idéologique.
Son écriture est fluide, directe, et conserve le ton accessible qu’on reconnaît à l’univers du podcast Ian et Frank.
Le résultat : un texte qui interpelle autant qu’il éduque. On referme le livre avec la désagréable mais salutaire impression d’avoir été démasqué — celle de réaliser que le conformisme est partout, même dans nos propres raisonnements.
Conclusion
François Fournier signe ici un essai d’une rare honnêteté intellectuelle. À mi-chemin entre la réflexion philosophique et l’autocritique sociale, NPC agit comme un miroir collectif. Il invite à sortir de la posture du jugement pour entrer dans celle de la conscience.
En combinant rigueur, clarté et sens du concret, Fournier offre un outil précieux pour qui veut comprendre comment le conformisme s’installe — et surtout, comment lui résister.
Un livre lucide, accessible et profondément humain : une lecture essentielle pour quiconque souhaite réfléchir avant de répéter.