UPAC : 17 milliards ignorés, citoyens ciblés

IAN SÉNÉCHAL | Deux poids, deux mesures : quand les citoyens sont ciblés, mais pas les contrats douteux de la pandémie

Dans un contexte où la confiance envers les institutions publiques est en déclin, la réponse du Commissaire à la lutte contre la corruption (CLCC) à une demande d’accès à l’information soulève de sérieuses questions sur les priorités en matière d’intégrité publique. En effet, alors que l’organisme a ouvert des dizaines de dossiers d’enquêtes criminelles et pénales visant des citoyens ayant contourné des règles sanitaires controversées, aucune enquête similaire ne semble avoir été menée sur les contrats de gré à gré accordés durant la pandémie, malgré leur potentiel élevé de corruption.

Des enquêtes ciblant des citoyens dans un contexte de lois controversées

Entre 2021 et 2023, le CLCC a ouvert 34 dossiers en matière pénale portant sur des infractions liées aux passeports vaccinaux et à d’autres règles sanitaires instaurées sous l’état d’urgence. C’est 62 autre dossiers en matière criminelle qui ont été ouverts pour un total de 96. Ces enquêtes visaient des citoyens accusés d’avoir contourné des mesures perçues par une partie importante de la population comme étant abusives et injustifiées. Notons également que 1007 rapports d’infraction généraux ont été émis découlant de ces enquêtes pénales.

Or, ces règles sanitaires, décrétées dans l’urgence, ont souvent fait l’objet de critiques virulentes. Le consentement social était fragile, et des contestations ont pointé du doigt leur caractère arbitraire. S’attaquer à des individus tentant de naviguer dans ce cadre oppressif peut être perçu comme une utilisation disproportionnée des ressources de l’État, surtout lorsque ces efforts s’accompagnent d’un silence assourdissant sur des enjeux nettement plus graves.

Des contrats de gré à gré, un terrain fertile pour la corruption

Rappelons qu’au plus fort de la pandémie, plus de 17.4 milliards de dollars ont été octroyés par des contrats de gré à gré au Québec, un processus où les appels d’offres habituels ont été suspendus. Ces contrats, conclus dans un contexte de crise, sont par nature plus vulnérables à la corruption. En l’absence de surveillance rigoureuse, les risques d’abus sont exponentiels.

Certaines allégations d’irrégularités frappent l’imaginaire : des contrats qui auraient été réglés en argent comptant, dans des mallettes, dans des ruelles, selon une remarque ironique du premier ministre lui-même. Si l’on ajoute à cela l’absence de transparence dans plusieurs de ces transactions, le scandale potentiel devient évident.

Et pourtant, la réponse du CLCC confirme qu’aucune enquête ciblée n’a été menée sur ces contrats durant les exercices financiers de 2021 à 2024. Le contraste est frappant : les citoyens, déjà soumis à des lois controversées, ont été scrutés de près, tandis que les possibles abus financiers impliquant des sommes faramineuses ont été négligés.

Un risque de corruption multiplié par dix

En suspendant les processus normaux d’appels d’offres, le gouvernement a non seulement écarté les mécanismes de contrôle habituels, mais il a aussi ouvert la porte à une gestion opaque des fonds publics. Les milliards dépensés dans l’urgence auraient mérité une vigilance accrue, non un laissez-faire.

Une question de priorités

Pourquoi, dans un contexte où les ressources sont limitées, a-t-on choisi de cibler des citoyens pour des infractions mineures plutôt que d’enquêter sur des contrats qui impliquent des milliards de dollars et un risque de fraude systémique ? Cette absence de priorité soulève des questions troublantes sur les véritables objectifs des organismes d’enquête et sur leur indépendance face au pouvoir en place.

Conclusion : une confiance érodée

Les révélations sur ces enquêtes, ou plutôt sur l’absence d’enquêtes pertinentes, risquent d’éroder encore davantage la confiance envers les institutions publiques. Dans une société démocratique, la lutte contre la corruption et les abus de pouvoir ne devrait jamais être une question de choix arbitraire. Si les citoyens peuvent être tenus responsables de leurs actes, il est impératif que le gouvernement et ses partenaires le soient tout autant, surtout lorsque des sommes aussi colossales sont en jeu.

Laisser des soupçons de fraude planant sur des contrats de gré à gré tout en traquant des citoyens pour avoir défié des lois contestées n’est pas seulement injuste : c’est scandaleux.

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