Mercredi, juin 4, 2025

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Comité de sages : un rapport explosif sur le tabou trans au Québec

Le rapport du Comité de sages sur l’identité de genre révèle un phénomène qu’on peine encore à comprendre : la hausse fulgurante des transitions chez les jeunes. Pourtant, malgré les zones d’ombre, l’État continue de cautionner des pratiques médicales irréversibles.

Trois experts mandatés par Québec pour faire le tour de la question de l’identité de genre viennent de remettre un pavé de 200 pages qui, paradoxalement, en dit autant par ce qu’il révèle que par ce qu’il évite de conclure. Le rapport du Comité de sages, présidé par Diane Lavallée, dresse un portrait troublant d’une société en pleine mutation, où les certitudes vacillent et où même les spécialistes naviguent à vue.

Une explosion inexpliquée qui dérange

Premier constat qui saute aux yeux : les chiffres grimpent en flèche. « Entre 2017 et 2021 aux États-Unis, le nombre d’enfants, d’adolescentes et d’adolescents ayant reçu un diagnostic de dysphorie de genre aurait, selon des données, presque triplé », note le rapport. Au Québec, les demandes de changement de sexe à l’état civil sont passées de 659 en 2021 à 1 242 en 2023.

Plus troublant encore : ce sont maintenant les filles qui représentent les deux tiers des consultations à la Clinique de diversité de genre du CHU Sainte-Justine, alors qu’historiquement, les garçons dominaient. Cette inversion des tendances coïncide avec l’apparition de cas de dysphorie « à apparition rapide », un phénomène qui ne se manifeste qu’à l’adolescence.

Mais voilà où le bât blesse : le comité multiplie les hypothèses sans jamais pointer du doigt les éléphants dans la pièce. Réseaux sociaux ? « Contagion sociale » ? Influence des pairs ? Tout y passe, mais en mode exploratoire seulement. « Nous n’avons évidemment pas la compétence ni le savoir permettant de trancher parmi toutes ces hypothèses », avouent candidement les auteurs.

Cette prudence empêche toute remise en question frontale de certains facteurs culturels récents. Pourtant, plusieurs intervenants rencontrés évoquent l’influence des réseaux sociaux, des modèles transgenres populaires en ligne, ou encore des dynamiques de groupe en milieu scolaire.

Des médecins qui marchent sur des œufs

Dans le milieu médical, l’ambiance est lourde. Le rapport révèle que plusieurs professionnels de la santé n’osent plus questionner les protocoles de soins par peur d’être étiquetés transphobes. Un médecin témoigne : « J’en viens à sentir que je fais quelque chose de mal quand je prescris des bloqueurs [de puberté] ».

Pourtant, les données scientifiques manquent cruellement. Le rapport cite le rapport Cass du Royaume-Uni, qui a révélé « le manque de données » sur les standards de soins actuels. Mais cette révélation majeure n’empêche pas le comité de reconnaître que l’approche transaffirmative demeure la norme dans les services publics québécois, malgré les lacunes documentées.

Le rapport reconnaît toutefois plusieurs limites importantes à cette approche dominante. Il souligne que les soins d’affirmation de genre, bien qu’en expansion rapide, ne s’appuient pas sur un consensus scientifique robuste, notamment en ce qui concerne les adolescents. Il est question d’une application inégale des standards de soins, d’un manque de formation chez les professionnels, et d’un flou entourant les critères d’éligibilité. L’évaluation clinique est parfois vécue comme une « barrière » ou même comme un soupçon de transphobie, ce qui contribue à délégitimer la prudence médicale dans certains milieux.

Le rapport note également la tension entre autodétermination et jugement clinique : si les jeunes peuvent s’auto-identifier sans preuve médicale, plusieurs intervenants s’inquiètent de valider trop vite des parcours irréversibles, sans distinguer les cas durables des inconforts passagers. Une ligne floue que le comité se contente d’observer, sans oser y mettre de garde-fous.

L’école, nouveau terrain miné

C’est peut-être dans le milieu scolaire que les tensions sont les plus vives. Le rapport révèle que les écoles peuvent accompagner la transition sociale d’un élève mineur sans en informer les parents, créant ce que certains appellent des « transitions secrètes ».

Cette pratique divise profondément. D’un côté, on invoque la protection des jeunes face à des familles potentiellement hostiles. De l’autre, on dénonce une intrusion inadmissible de l’État dans l’autorité parentale. Le rapport évite soigneusement de trancher, préférant parler d’« équilibre à trouver ».

Le rapport ne précise pas les balises minimales que les écoles devraient respecter, ni les limites de ce type d’accompagnement. Il reconnaît que les milieux scolaires manquent de formation, de repères juridiques et d’évaluations indépendantes sur les effets de ces transitions sociales précoces.

La confusion ne s’arrête pas aux pratiques : elle s’infiltre aussi dans le langage lui-même.

Quand les mots deviennent des armes

L’un des aspects les plus frappants du rapport concerne la bataille du langage. Les auteurs constatent une « confusion entre sexe et genre dans la langue » qui crée des tensions jusque dans les groupes féministes.

« Si la catégorie « femme » constitue une construction sociale, tout comme la binarité de sexe (H/F), les « femmes » devraient-elles accepter d’être englobées dans le terme « personne » ou « parent » ? », s’interroge une professeure d’université citée dans le rapport.

La bataille fait rage même dans les organismes de défense des droits des femmes, où l’inclusion des femmes trans divise les militantes. « On est arrivé à un stade où les membres ne veulent même plus s’exprimer sur la question », confie un membre d’un groupe de femmes.

Un climat de peur généralisé

Peut-être l’aspect le plus troublant du rapport concerne le climat d’intimidation qui règne dans plusieurs milieux. Les universités, supposées être des lieux de débat libre, sont particulièrement touchées.

« En ce qui concerne la liberté académique, la liberté d’expression est restreinte depuis l’émergence des médias sociaux. Les universitaires marchent sur des œufs dans tous les cours qu’ils donnent », témoigne une professeure.

Le rapport révèle même qu’une chercheuse « a été soumise à des pressions pour supprimer des résultats dans une recherche de façon à occulter les besoins particuliers des femmes de sexe biologique ». Sa réaction ? « J’ai vécu un clash de valeurs, parce que je viens […] d’un univers scientifique. »

Des conclusions qui esquivent l’essentiel

Malgré tous ces constats troublants, la conclusion du rapport adopte un ton résolument consensuel. Les auteurs appellent au « dialogue » et à la « non-polarisation », évitant soigneusement de formuler des recommandations fermes.

Cette prudence tranche avec l’ampleur des enjeux soulevés. Comment concilier la protection des jeunes avec l’accès aux soins ? Comment préserver les droits des femmes tout en incluant les personnes trans ? Comment maintenir la liberté d’expression face à la pression militante ?

Le comité semble avoir choisi la voie de la diplomatie plutôt que celle du courage politique. Résultat : un rapport qui documente admirablement les problèmes sans jamais oser proposer de vraies solutions.

Quelques pistes plus concrètes — observatoire, formations, encadrement clinique — sont bien évoquées, mais sans priorisation ni échéance. Des propositions désincarnées, qui sonnent comme des échappatoires plus que comme un plan d’action.

Le comité appelle à plus d’études, plus de dialogue, et plus de nuance — des appels louables, mais qui sonnent creux face à l’urgence de baliser des pratiques irréversibles touchant des enfants et adolescents vulnérables.

Dans un contexte où d’autres pays comme le Royaume-Uni, la Suède ou la Finlande réévaluent leurs approches face aux mêmes constats, le Québec choisit de maintenir le statu quo. Une position qui risque de paraître bien timorée dans quelques années, quand les conséquences de cette inaction se feront sentir.

Le rapport en bref

Observations problématiques du rapport

  • Hausse rapide, inexpliquée et préoccupante des cas de dysphorie de genre chez les jeunes, particulièrement chez les filles.
  • Absence de consensus scientifique sur les soins d’affirmation, en particulier pour les mineurs.
  • Manque de données longitudinales et d’études rigoureuses sur les effets des traitements médicaux et sociaux.
  • Formation inadéquate des professionnels de la santé, de l’éducation et des services sociaux sur les enjeux liés à l’identité de genre.
  • Climat de peur et d’autocensure dans les milieux médicaux, universitaires et militants.
  • Risque que toute expression de prudence clinique soit perçue comme de la transphobie, ce qui décourage les évaluations sérieuses.
  • Flou autour des critères d’éligibilité aux traitements médicaux, notamment chez les adolescents.
  • Accompagnement de transitions sociales en milieu scolaire sans informer les parents, parfois sans cadre formel.
  • Confusion persistante entre les notions de sexe et de genre, y compris dans les politiques publiques et le discours éducatif.
  • Fractures au sein du mouvement féministe concernant l’inclusion des femmes trans dans les espaces non mixtes.
  • Témoignages de pressions exercées sur des chercheurs pour qu’ils censurent ou modifient des résultats liés aux femmes de sexe biologique.

Les angles morts du rapport

Malgré ses constats parfois percutants, le rapport du Comité de sages laisse dans l’ombre plusieurs angles essentiels :

  • Pas de recommandations contraignantes : Le comité refuse de tracer des lignes rouges ou de proposer des balises claires, préférant des appels au dialogue, même sur des sujets hautement sensibles.
  • Silence sur les cas de détransition : Alors que plusieurs pays enquêtent sur les parcours de jeunes ayant regretté leur transition, le rapport n’en tire aucune analyse approfondie ni réflexion systématique.
  • Peu de distinction entre enfants et adultes : En amalgamant les parcours de personnes trans adultes et ceux des mineurs, le rapport dilue les enjeux spécifiques liés au consentement et à la maturité psychologique.
  • Absence de remise en question du militantisme trans : Les groupes militants sont abondamment cités, mais jamais critiqués ni interrogés sur leur influence sur les politiques publiques et les standards cliniques.
  • Peu de place pour les parents en désaccord : Le point de vue des familles qui s’opposent aux transitions de leurs enfants est pratiquement absent, alors qu’ils sont au cœur de nombreux conflits dans les écoles et les services de santé.
  • Langage idéologiquement orienté : L’usage généralisé d’une écriture inclusive et épicène — jamais questionnée — renforce implicitement l’idéologie du genre fluide, même si cette dernière fait l’objet de tensions dans le reste du texte.

Principales recommandations et pistes proposées

  • Améliorer la formation des professionnels de la santé, de l’éducation et des milieux sociaux.
  • Renforcer la collecte de données précises, notamment sur le sexe à la naissance et les parcours de transition.
  • Financer des études longitudinales et des recherches québécoises sur les effets des transitions à long terme.
  • Mettre sur pied un observatoire indépendant sur les enjeux de genre et les réalités trans.
  • Revoir les mécanismes d’évaluation clinique pour garantir un meilleur encadrement des soins destinés aux jeunes.
  • Clarifier les responsabilités et les balises juridiques entourant les transitions sociales dans les écoles.
  • Encourager un dialogue apaisé et respectueux entre groupes aux perspectives divergentes.
  • Distinguer clairement le sexe biologique et le genre ressenti dans les politiques publiques.
  • Adopter une approche nuancée, non dogmatique et tenant compte du contexte dans les interventions.
  • Défendre la liberté académique et le pluralisme d’opinions dans les milieux universitaires.

Un sujet déjà abordé dans le podcast jeudi dernier

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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