Vendredi, octobre 24, 2025

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Crise de l’eau au Québec : 50 ans de mauvaise gestion municipale révélés

Des décennies d’asphalte et d’égouts ont asséché les nappes phréatiques. Pendant que les élus blâment le climat, les données scientifiques révèlent une vérité dérangeante : les réserves d’eau souterraine baissent depuis 20 ans malgré une augmentation des précipitations. Des milliers de puits s’assèchent cet automne, et les décisions d’aménagement urbain sont directement en cause.

Les demandes pour creuser de nouveaux puits explosent partout au Québec cet automne. Des villes comme Québec et Rimouski ont imposé des restrictions d’eau. Le fleuve Saint-Laurent est à des niveaux historiquement bas. Partout dans la province, des propriétaires de puits rapportent des assèchements, selon les reportages du Journal de Montréal et du Journal de Québec.

L’analyse des études scientifiques et des pratiques des villes révèle un fait troublant : pendant des décennies, les décisions municipales ont empêché l’eau de pluie de remplir les réserves souterraines.

Les réserves d’eau baissent même s’il pleut plus

Dans les basses-terres du Saint-Laurent, où vivent les trois quarts de la population québécoise, les réserves d’eau souterraine perdent en moyenne 1,8 centimètre par année depuis 2000, selon les données de la Chaire Eau de l’UQAM.

Le détail qui change tout : cette baisse se produit même si les précipitations ont légèrement augmenté entre 2000 et 2022. Si le problème était vraiment climatique dans le sens où il pleuvrait moins, les réserves ne baisseraient pas alors qu’il pleut plus qu’avant.

Des dizaines d’études scientifiques à travers le monde confirment ce constat. Une recherche publiée en 2022 sur Los Angeles a montré que recouvrir les sols d’asphalte et de béton a réduit de moitié la capacité d’absorption de l’eau. D’autres études calculent des réductions de 30 à 52% selon l’étendue des surfaces recouvertes d’asphalte et de béton.

Le Guide de gestion durable des eaux de pluie du ministère des Affaires municipales du Québec reconnaît que « recouvrir les sols d’asphalte et de béton affecte la qualité des eaux » et que « les réserves d’eau souterraine manquent d’eau ».

Tout envoyer dans les égouts : une méthode problématique

Depuis les années 1970 au Québec, les villes gèrent l’eau de pluie avec une méthode simple : l’envoyer le plus vite possible vers les égouts, puis vers les cours d’eau.

Les recherches montrent qu’environ la moitié de l’eau de pluie est rejetée directement dans les égouts et transportée vers les usines d’épuration. Dans certains réseaux, plus des deux tiers de l’eau qui passe par l’usine était au départ de l’eau de pluie non polluée.

Le Guide du CERIU (Centre d’expertise et de recherche en infrastructures urbaines, édition 2023) identifie clairement « la persistance de la culture du tout-à-l’égout » et des règlements « souvent mal adaptés » comme obstacles majeurs à une meilleure gestion de l’eau de pluie au Québec.

L’asphalte et le béton : le cœur du problème

Les études mesurent précisément l’impact de recouvrir les sols d’asphalte et de béton. Selon les données de l’agence américaine de protection de l’environnement, quand les surfaces imperméables passent de 10 à 20%, l’eau qui coule sur le sol (plutôt que de s’infiltrer) double. Avec 35 à 50% de surfaces imperméables, elle triple. Avec 75 à 100%, l’eau qui coule augmente de plus de cinq fois comparé aux terrains boisés.

L’asphalte et le béton génèrent entre 8 et 10 fois plus d’eau qui coule sur le sol que les paysages naturels. Les zones naturelles peuvent absorber jusqu’à 50% de l’eau de pluie, mais cette capacité tombe à seulement 35% pour les zones développées.

Dans les basses-terres du Saint-Laurent, près de 45% des marais et tourbières ont été détruits pour faire place au développement. Ces zones naturelles retiennent l’eau de pluie et la filtrent lentement dans le sol, alimentant les réserves souterraines. Parmi celles qui restent, 65% sont perturbées par les activités humaines, selon Canards Illimités Canada. Résultat: il y a beaucoup moins de zones naturelles capables de retenir l’eau et de remplir les nappes.

Le problème n’est pas les routes, les stationnements ou les infrastructures en soi. C’est le choix systématique, pendant 50 ans, d’utiliser des matériaux imperméables partout où des alternatives existaient, et surtout d’aménager ces infrastructures pour évacuer toute l’eau vers les égouts plutôt que de la capter et la laisser s’infiltrer sur place. Les solutions existent depuis des décennies, mais les municipalités ont refusé de les adopter.

Des solutions simples ignorées depuis 50 ans

Les études montrent l’efficacité de solutions étonnamment simples : des terre-pleins en creux plutôt que surélevés, des ouvertures dans les bordures de trottoir, des jardins de pluie (des aménagements en dépression pour capter l’eau qui coule des toits et des entrées), des espaces verts situés plus bas que le pavage pour capter l’eau.

À Green Bay au Wisconsin, la ville a transformé une rue ordinaire avec une solution simple. Au lieu d’avoir un terre-plein surélevé au centre avec des bordures fermées, ils ont creusé le terre-plein de quelques centimètres plus bas que la route. Quand il pleut, l’eau de la rue coule naturellement vers ce creux gazonné par des ouvertures dans les bordures de trottoir, comme de petites rampes. L’eau s’accumule temporairement dans ce gazon en dépression, puis s’infiltre dans le sol au lieu d’aller directement dans les égouts. Résultat mesurable : moins d’eau polluée qui se rend aux cours d’eau, et les réserves souterraines se remplissent. Le projet a remporté le prix du Projet de l’année 2020 de l’Association américaine des travaux publics du Wisconsin.

Une étude publiée en 2024 a révélé que les fossés gazonnés placés le long des rues avec des ouvertures dans les bordures fonctionnent à près de 100% de leur capacité et réduisent de plus de moitié les zones inondées.

Les bassins végétalisés qui laissent l’eau s’infiltrer naturellement peuvent absorber de 85 à 100% de l’eau de pluie.

Pourquoi les villes n’ont-elles rien fait?

Une étude de 2016 sur Cleveland identifie des blocages entre les différents départements des villes (ingénierie, planification, transport, opérations). Certains départements résistent parce que ça demande du « travail supplémentaire » et qu’il faut apprendre de nouvelles méthodes.

Les villes n’ont pas mis en place de processus pour approuver et inspecter ces nouveaux types d’aménagements.

Des études identifient « le manque de normes », « le manque de planification à long terme » et « la résistance au changement » comme les obstacles les plus importants.

Pendant des décennies, les villes québécoises ont maintenu l’approche du tout-à-l’égout sans adopter volontairement de solutions d’infiltration, malgré la disponibilité des connaissances et des technologies depuis les années 1970.

Les solutions réduisent les coûts à long terme

Les municipalités citent souvent le manque de budget pour expliquer leur inaction. Pourtant, continuer avec le système actuel génère des coûts importants : dégâts causés par les inondations, agrandissement constant des égouts et stations d’épuration, traitement d’énormes volumes d’eau, entretien d’infrastructures surdimensionnées.

Le Guide de gestion durable des eaux de pluie du ministère des Affaires municipales du Québec indique que les solutions d’infiltration permettent de réduire les coûts en diminuant le besoin de tuyaux souterrains et d’infrastructures d’épuration de grande capacité. En gérant l’eau là où elle tombe plutôt que de l’évacuer, les municipalités évitent des dépenses beaucoup plus importantes.

Ces solutions réduisent les coûts à long terme de plusieurs façons : moins de dégâts causés par les inondations, moins besoin d’agrandir les égouts et les stations d’épuration, et moins de pression sur les infrastructures existantes. Les coûts évités dépassent souvent l’investissement initial.

Le gouvernement admet le problème

En avril 2025, le gouvernement du Québec a lancé un programme de 20 millions de dollars pour aider les municipalités. Dans le communiqué officiel, Québec reconnaît que « plusieurs municipalités ont des problèmes parce que l’eau de pluie ne peut pas pénétrer dans le sol », particulièrement sur l’asphalte et le béton, et que cela « affecte la vitesse à laquelle les réserves souterraines se remplissent ».

La sécheresse révèle le problème, elle ne l’a pas créé

Les réserves d’eau souterraine des basses-terres du Saint-Laurent perdent 1,8 cm par année depuis 2000 même si les précipitations ont augmenté. Le problème n’est pas le manque de pluie : c’est que cette pluie ne peut plus entrer dans le sol couvert d’asphalte et de béton.

Dans un reportage du Journal de Montréal du 11 octobre 2025, l’hydrogéologue Yves Leblanc affirme : « Ce n’est pas juste un problème de manque d’eau, mais aussi de comment elle est gérée ». Il ajoute qu’il manque une vue d’ensemble au Québec et que « les pluies torrentielles n’aident pas les eaux souterraines, puisqu’elle va ruisseler » (couler sur le sol plutôt que de s’infiltrer).

La sécheresse de l’automne 2025 révèle un problème qui existe depuis des décennies. Si les réserves souterraines avaient été correctement remplies grâce à une bonne gestion de l’eau de pluie, elles auraient plus de capacité pour passer à travers les périodes sèches.

Les systèmes qui envoient toute l’eau vers les égouts réduisent la capacité naturelle du sol à absorber l’eau, ce qui augmente les risques d’inondation quand il pleut beaucoup et aggrave les problèmes de sécheresse quand il ne pleut pas assez.

Les données scientifiques montrent clairement que le fait de recouvrir les sols d’asphalte et de béton est le facteur principal de l’épuisement des réserves d’eau souterraine.

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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