Une opération aérienne israélienne sans précédent a visé des dirigeants du Hamas dans la capitale qatarie ce mardi, bouleversant l’équilibre géopolitique régional et soulevant un tollé international.
Une première historique qui fait trembler le Golfe
Ce mardi 9 septembre 2025, vers 15h00 heure locale, des explosions ont retenti dans Doha, marquant la première attaque militaire israélienne jamais menée sur le territoire qatari. L’opération « Pisgat HaEsh » (Sommet du feu), qualifiée de « frappe de précision » par les Forces de défense israéliennes (FDI), a ciblé ce que le Qatar décrit comme un « quartier général résidentiel du Hamas ».
Selon les sources israéliennes, l’attaque aurait mobilisé 15 chasseurs qui auraient largué 10 munitions sur une seule cible, visant spécifiquement quatre dirigeants clés du Hamas réunis pour évaluer la dernière proposition de cessez-le-feu américaine.
Les images diffusées montrent de la fumée s’élevant d’un complexe endommagé près d’une station-service qui serait sur Wadi Rawdan Street à Leqtaifiya, dans le secteur de West Bay Lagoon au nord du centre de Doha. Le bilan humain s’élève à six morts : cinq membres du Hamas et un agent de sécurité qatari.
Les cibles de choix d’Israël : qui visait-on exactement?
L’opération visait quatre figures majeures du Hamas :
Khalil al-Hayya, 65 ans, le négociateur en chef du Hamas en exil et membre du conseil de direction temporaire de cinq membres établi fin 2024. Affilié au Hamas depuis sa création en 1987, al-Hayya dirige les délégations dans les négociations avec Israël. Sa famille avait déjà payé un lourd tribut en 2014 quand une frappe israélienne avait tué son fils aîné Osama, sa belle-fille et des petits-enfants.
Zaher Jabarin, l’administrateur financier en chef responsable du vaste réseau d’investissement de l’organisation. Ancien détenu israélien (1993-2011), il dirige maintenant les opérations du Hamas en Cisjordanie occupée.
Khalid Mashaal, ancien chef politique, figure politique proéminente de 69 ans basée au Qatar, qui avait déjà survécu à une tentative d’assassinat israélienne ratée en Jordanie.
Muhammad Ismail Darwish, chef du Conseil de la Choura du Hamas.
Nizar Awadallah, cadre historique du mouvement.
Six vies fauchées dans l’opération
L’ironie tragique de cette frappe réside dans ses victimes. Du côté du Hamas, cinq personnes ont péri : Humam al-Hayya (fils de Khalil al-Hayya), Jihad Labad (directeur du bureau d’al-Hayya), et trois gardes du corps – Abdullah Abdul Wahid, Moamen Hassouna et Ahmed al-Mamluk.
La sixième victime, le caporal Bader Saad Mohammed al-Humaidi al-Dosari, membre des forces de sécurité intérieure qatariennes, symbolise l’extension du conflit au-delà des acteurs directs.
Selon Suhail al-Hindi, membre du bureau politique du Hamas, les dirigeants du Hamas étaient optimistes concernant la dernière proposition de cessez-le-feu américaine » au moment précis de l’attaque. Le Hamas confirme que ses négociateurs ont survécu et que le conseil de direction reste intact.
Le Qatar crie à la violation de souveraineté
La réaction qatarie n’a pas tardé. Le ministère des Affaires étrangères a condamné « dans les termes les plus forts » ce qu’il qualifie d' »attaque israélienne lâche visant des bâtiments résidentiels abritant plusieurs membres du bureau politique du Hamas dans la capitale qatarie, Doha ».
« Cette attaque criminelle constitue une violation flagrante de toutes les lois et normes internationales et une menace sérieuse à la sécurité et à la sûreté des Qataris et des résidents du Qatar », a déclaré le porte-parole du ministère, Majed al-Ansari.
Le Qatar, qui abrite la plus grande base militaire américaine de la région avec Al Udeid Air Base, jouait un rôle crucial de médiateur dans les négociations de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas depuis octobre 2023.
Trump dans la confidence, condamnations en cascade
L’affaire prend une tournure diplomatique complexe quand il apparaît que Donald Trump avait été informé à l’avance de l’opération. Les médias israéliens rapportent même qu’il aurait donné son feu vert à la frappe. La porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, a confirmé que l’administration avait été alertée par l’armée américaine concernant l’opération israélienne.
« Mener des bombardements unilatéraux au Qatar, un allié souverain des États-Unis engagé dans des efforts de paix, ne fait pas avancer les objectifs d’Israël ou de l’Amérique« , a toutefois nuancé Leavitt, ajoutant que le président Trump avait immédiatement ordonné à l’envoyé spécial Steve Witkoff de communiquer avec le Qatar au sujet de l’attaque.
Les condamnations internationales pleuvent : Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, dénonce une « violation flagrante de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Qatar ». L’Arabie saoudite condamne « l’agression israélienne brutale », tandis que le Royaume-Uni et la France expriment également leur réprobation. L’Iran a qualifié l’attaque de « dangereuse » et de « violation du droit international ».
Netanyahu revendique et justifie
Benjamin Netanyahu n’a pas tardé à assumer la responsabilité de l’opération. Dans un communiqué publié sur X, son bureau affirme : « Israël l’a initié, Israël l’a exécuté et Israël en assume l’entière responsabilité ». Le Premier ministre israélien justifie la frappe présentée comme une riposte à la fusillade de lundi à un arrêt de bus à Jérusalem, qui a fait six morts, ainsi qu’aux attaques du 7 octobre 2023.
L’ambassadeur israélien à l’ONU, Danny Danon, défend l’opération : « La frappe précise à Doha visait les hauts dirigeants du Hamas qui avaient planifié le massacre du 7 octobre et célébré l’enlèvement de nos citoyens », ajoutant qu' »il n’y a pas de cachette pour les terroristes ».
Un timing qui interroge sur l’intention réelle
L’ironie de la situation confine à l’absurde : l’attaque survient précisément au moment où les dirigeants du Hamas discutaient d’une nouvelle proposition de cessez-le-feu américaine. Hamas dénonce dans un communiqué que « cet incident souligne une fois de plus l’essence criminelle de l’occupation et son intention de faire échouer toute possibilité de parvenir à un accord ».
Cependant, avant d’accuser Israël de « faire échouer toute possibilité d’accord », il faut rappeler que le Hamas a déjà instrumentalisé ou rompu des trêves : durant la hudna de 2003, un attentat-suicide à Jérusalem revendiqué par le Hamas a tué 23 civils en pleine trêve (19 août 2003); en 2008, après six mois de tahdiya négociée par l’Égypte, le Hamas a déclaré la fin de la trêve les 18-19 décembre et les tirs ont repris; en 2014, l’ONU a condamné la violation par des éléments du Hamas d’un cessez-le-feu humanitaire de 72 h à Rafah (1ᵉʳ août); et en 2023, au terme de la pause d’une semaine, Washington a affirmé que le Hamas avait tiré des roquettes avant l’expiration de la trêve (1ᵉʳ déc.). De plus, des analyses militaires indiquent que le mouvement a profité d’accalmies pour reconstituer ses capacités et étendre son réseau de tunnels, d’où l’exigence récurrente d’un encadrement strict de toute trêve durable.
Implications géostratégiques majeures
Cette attaque marque un tournant dans la stratégie israélienne, étendant désormais ses opérations militaires au-delà de Gaza, du Liban, du Yémen et de la Syrie pour inclure un État du Golfe. Le bureau politique du Hamas est hébergé à Doha (Qatar) depuis 2012 ; selon des responsables qatariens et plusieurs médias, cela s’est fait à la demande/avec l’aval de Washington..
Le conflit, qui a débuté avec l’offensive du Hamas du 7 octobre 2023 ayant tué 1 200 personnes et fait 251 otages, a désormais causé plus de 64 000 morts palestiniens selon les autorités sanitaires de Gaza; l’OCHA (Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires) faisait état de 63 746 décès au 3 septembre 2025.
Cette escalade pose des questions fondamentales sur l’avenir des négociations de paix et l’équilibre géopolitique dans une région déjà sous haute tension. Le Qatar, pris entre son rôle de médiateur et sa souveraineté bafouée, se retrouve au centre d’une crise diplomatique majeure dont les répercussions pourraient redéfinir les alliances régionales.