Vendredi, juin 6, 2025

Les Plus Populaires

À lire aussi

La Banque du Canada navigue à vue

Face aux tarifs américains imprévisibles, la banque centrale maintient son taux à 2,75 %, mais avoue son incapacité à prévoir l’avenir économique du pays.

La Banque du Canada a maintenu son taux directeur à 2,75 % mercredi, mais derrière cette décision apparemment routinière se cache un aveu troublant : l’institution monétaire du pays navigue désormais à vue, incapable de fournir des prévisions fiables dans un contexte d’incertitude sans précédent.

Un gouverneur qui avoue son impuissance

« L’incertitude reste élevée », a déclaré d’emblée le gouverneur Tiff Macklem lors de la conférence de presse. Cette phrase, répétée comme un mantra tout au long de l’annonce, résume parfaitement la situation dans laquelle se trouve la banque centrale. Pour la première fois depuis longtemps, l’institution avoue être « moins tournée vers l’avenir que d’habitude » — moins capable de prévoir l’avenir.

La raison? Les politiques commerciales erratiques de l’administration américaine qui changent chaque semaine. « Regardez l’annonce d’aujourd’hui, ou l’entrée en vigueur de l’annonce d’aujourd’hui, visant à doubler les tarifs sur l’acier et l’aluminium », a souligné Macklem, illustrant parfaitement cette imprévisibilité qui paralyse les décideurs économiques.

L’inflation qui fait des siennes

Pendant que les économistes tentent de déchiffrer les tweets présidentiels américains, l’inflation canadienne joue ses propres tours. Les mesures d’inflation sous-jacente ont toutes augmenté en avril, « Cela a retenu notre attention », a admis le gouverneur.

Paradoxalement, l’inflation globale est tombée à 1,7 % en avril, mais uniquement grâce à l’élimination de la taxe carbone fédérale qui a fait chuter les prix de l’essence. « Cela a fait baisser l’inflation de 0,6 point de pourcentage en avril », a précisé Macklem. Un artifice comptable qui masque une réalité moins reluisante : l’inflation sous-jacente grimpe à 2,3 %.

Pour la Banque du Canada, cette inflation est « légèrement plus élevé que ce que la banque avait prévu, et en hausse par rapport à 2,1 % en mars ».

Un marché du travail qui se dégrade

Le taux de chômage a grimpé à 6,9 % en avril, avec des pertes d’emplois concentrées dans les secteurs exposés au commerce international. « Le marché du travail s’est affaibli, les pertes d’emplois étant concentrées dans les secteurs à forte intensité commerciale », a confirmé le gouverneur.

Cette dégradation touche concrètement les travailleurs canadiens. Dans les aciéries, les usines de transformation et les entreprises exportatrices, l’incertitude commerciale se traduit par des mises à pied et des plans d’embauche gelés. « Les entreprises nous disent généralement qu’elles prévoient de réduire leurs embauches », a indiqué le gouverneur.

Des entreprises qui improvisent

Les entreprises canadiennes tentent tant bien que mal de s’adapter à ce chaos commercial. Elles cherchent de nouveaux fournisseurs, développent de nouveaux marchés, mais tout cela a un coût. « De nombreuses entreprises nous disent qu’elles font déjà face à des coûts plus élevés liés à la recherche de fournisseurs de rechange et au développement de nouveaux marchés », a expliqué Macklem.

Cette réorganisation forcée illustre parfaitement l’inefficacité économique générée par l’incertitude commerciale. Comme l’a fait remarquer le gouverneur : « Si le nouveau fournisseur avait été moins cher, [les entreprises] auraient déjà acheté auprès de lui. Le fait qu’elles se tournent maintenant vers un nouveau fournisseur suggère qu’il est plus coûteux. Cela a un coût. »

Une banque centrale dépassée par les événements

L’aveu le plus troublant de cette conférence de presse est peut-être celui-ci : la Banque du Canada ne peut plus offrir de prévisions économiques fiables. « Nous espérons et nous nous attendons à retrouver ce niveau d’ici juillet, mais il faudra voir ce qu’il en est », a déclaré la sous-gouverneure senior Carolyn Rogers lorsqu’on lui a demandé « Que faudra-t-il à la Banque du Canada pour fournir de nouveau des prévisions économiques efficaces? ».

En attendant, les Canadiens devront se contenter de cette maigre assurance : « Nous continuerons de soutenir la croissance économique tout en veillant à ce que l’inflation reste bien maîtrisée. » Une promesse qui sonne creux quand on sait que l’institution qui la formule avoue ne plus pouvoir prévoir l’avenir.

L’attente de juillet

Deux rapports sur l’IPC seront publiés avant la prochaine décision de juillet, et ils pourraient bien déterminer la suite des choses. Si l’inflation continue de montrer des signes de fermeté, la Banque du Canada pourrait se retrouver coincée entre la nécessité de soutenir une économie affaiblie et celle de contrôler une inflation qui reprend des couleurs.

« Nous observons à la fois les pressions à la baisse sur l’inflation provenant du ralentissement de l’économie et les pressions à la hausse sur l’inflation causées par les coûts », a résumé Macklem.

L’institution monétaire canadienne se trouve dans une position inédite : contrainte d’avouer publiquement ses limites face à un environnement économique devenu imprévisible. Cette transparence, louable sur le plan démocratique, soulève néanmoins des questions sur la capacité de la banque centrale à remplir efficacement son mandat de stabilité monétaire dans un contexte géopolitique aussi volatil.

YouTube
Rejoignez notre communauté !

Ne manquez aucune de nos vidéos et plongez dans nos podcasts captivants ! Abonnez-vous dès maintenant à notre chaîne YouTube et activez la cloche pour rester informé des dernières sorties.

Patreon
Contenu exclusif pour vous !

Accédez à des épisodes inédits, des coulisses et des bonus exclusifs en rejoignant notre communauté sur Patreon. Votre soutien nous aide à créer encore plus de contenu de qualité !

PayPal
Soutenez-nous avec un don !

Aidez-nous à continuer à produire du contenu de qualité en faisant un don via PayPal. Chaque contribution, grande ou petite, fait une énorme différence pour notre projet !

Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

Du Même Auteur