Le groupe féministe accuse le Comité de sages d’effacer les droits des femmes au profit d’une « novlangue genrée »
Le Réseau Féministe Québécois (R.F.Q.) ne mâche pas ses mots dans sa réaction au rapport du Comité de sages sur l’identité de genre, déposé le 30 mai dernier. L’organisation dénonce ce qu’elle qualifie de rapport « ni neutre, ni courageux » qui aurait choisi « une voie de conciliation au prix d’un effacement des droits des femmes ».
Une critique méthodologique sévère
Le R.F.Q. s’attaque d’emblée à la démarche même du comité, estimant que « le mandat du comité est basé sur la reconnaissance explicite de l’identité de genre comme une réalité légitime, sans jamais interroger ce concept sur le fond ». Cette approche aurait pour effet « d’exclure d’office toute analyse critique, en particulier féministe, car le concept serait sacralisé d’entrée de jeu ».
L’organisation reproche également au rapport d’avoir adopté une « neutralité feinte » : « Sous prétexte d’objectivité, le comité donne l’illusion d’un équilibre, mais ne cite sérieusement aucune organisation féministe critique de l’identité de genre, si ce n’est pour en démolir les arguments. »
Des droits des femmes négligés
Au cœur de la critique se trouve l’absence de reconnaissance d’un « conflit de droits » entre les revendications trans et les droits des femmes. Le R.F.Q. déplore que le rapport « évite de se prononcer clairement sur les impacts des changements de sexe légal sans transition physique dans des espaces traditionnellement réservés aux femmes (prisons, refuges, vestiaires, compétitions sportives) ».
Cette critique trouve écho dans des secteurs spécifiques analysés par le comité. En sport, le R.F.Q. souligne que le rapport « encourage une certaine mixité en sport non professionnel et on laisse les organisations internationales gérer les sports professionnels », une approche jugée insuffisante pour protéger l’intégrité du sport féminin.
Concernant les prisons, l’organisation s’inquiète : « Malgré les précautions mentionnées quant à l’évaluation de la dangerosité des détenus avant de leur accorder le droit d’être incarcéré en fonction de leur identité de genre, l’expérience nous apprend que plusieurs détenus passent à travers les mailles de ce filet. »
L’effacement du vocabulaire
Le R.F.Q. dénonce particulièrement « l’adoption systématique d’une novlangue genrée dans le rapport, où les femmes deviennent des femmes cis ». Cette transformation linguistique serait symptomatique d’un problème plus large : « le fait de reconnaître à la fois le sexe et l’identité de genre affaiblit considérablement la portée du premier terme ».
Un traitement « mou et complaisant »
L’organisation critique le fait que le comité ait pris connaissance de « scandales liés au WPATH et aux problèmes méthodologiques et déontologiques qui y sont liés », ainsi que des « revirements de pays comme la Suède, la Finlande ou le Royaume-Uni sur la question de la transition des mineurs », mais que « ces éléments critiques ne sont mentionnés que pour être déboutés par des experts qui les remettent en question ».
Cette approche est résumée par une formule lapidaire : « on entend les critiques, mais on ne les prend pas au sérieux ».
Une vision alternative du débat social
Le R.F.Q. propose une lecture différente des tensions sociales autour de l’identité de genre. Contrairement au rapport qui mise sur l’éducation et la sensibilisation, l’organisation « fait l’hypothèse que l’intolérance vient précisément d’un militantisme qui veut bousculer les normes sociales et les mentalités, et qui se plaint ensuite des effets que ce bousculement produit ».
L’organisation estime que « beaucoup des demandes des militants transactivistes sont déraisonnables et il nous apparaît normal qu’un débat puisse avoir lieu sur la question ».
Un appel à une véritable consultation
En conclusion, le R.F.Q. plaide pour « une véritable consultation [qui] devrait inclure un débat ouvert sur les fondements idéologiques du genre et reconnaître que les droits des femmes ne sont pas négociables ».
Cette réaction illustre les tensions qui persistent au sein du mouvement féministe québécois, où la question de l’identité de genre continue de diviser. Le rapport du Comité de sages, qui se voulait rassembleur, semble avoir échoué à convaincre cette frange du mouvement féministe de la justesse de son approche conciliatrice.