FRANK | Lors de l’élection américaine qui opposait Kamala Harris et Tampon Tim Walz du côté démocrate à Donald Trump et J.D. Vance pour les républicains, une chose nous a particulièrement marquée à Ian & Frank : l’omniprésence du storytelling. Les récits ont été utilisés par les deux camps pour captiver les électeurs, mobiliser les bases et influencer l’opinion publique. Que ce soit la « lutte pour l’âme de l’Amérique » mise en avant par les démocrates ou le récit « anti-élites » porté par les républicains, chaque camp avait une histoire a raconter, une histoire destinée à donner un sens aux enjeux et à inciter à l’action.
Dans ce contexte, The Science of Storytelling de Will Storr offre des clés précieuses pour comprendre pourquoi ces récits fonctionnent si bien et comment ils peuvent influencer les décisions et croyances des citoyens. Storr y explique que les humains sont naturellement des créateurs et consommateurs d’histoires, et que nos cerveaux traitent le monde à travers une lentille narrative. Voici les grandes idées de cet ouvrage et leur pertinence dans la communication politique de l’époque.
Pourquoi les récits ont un tel impact
Will Storr a montré que notre cerveau ne recherchait pas seulement la vérité, mais avant tout une cohérence narrative. Nous construisions des histoires pour expliquer les événements, donner du sens à notre vie et justifier nos choix. Ces récits captivants reposaient sur plusieurs éléments fondamentaux :
- Un protagoniste central : Chaque histoire comporte un héros, et dans nos récits personnels, ce héros était toujours « nous ». En politique, les leaders efficaces s’assurent de présenter leurs électeurs comme les protagonistes d’une lutte pour un avenir meilleur.
- Des conflits et des défis : Les histoires réussies reposent sur des obstacles à surmonter. Qu’il s’agisse de « sauver la démocratie » (narratif démocrate) ou de « reprendre le pouvoir aux élites corrompues » (narratif républicain), les récits politiques exploitent des tensions qui résonnent profondément chez leur public.
- Une quête et une transformation : Les récits les plus marquants suivent souvent une structure universelle, où un héros ou une communauté était transformé par une quête ou un combat. Cette structure était omniprésente dans les discours des candidats, qu’ils parlent de justice sociale, de croissance économique ou de souveraineté nationale.
- Le rôle de l’émotion et des valeurs : Les récits politiques touchent les électeurs en s’adressant à leurs émotions et en reflétant leurs valeurs fondamentales. Cela expliquait pourquoi des histoires personnelles ou des exemples concrets de souffrance et de réussite marquent les esprits bien plus que de simples données statistiques.
Le storytelling dans la communication politique : Les leçons de Will Storr
Le storytelling est une arme puissante pour mobiliser, convaincre et inspirer. Voici comment les principes décrits dans The Science of Storytelling ont été mis en pratique par les politiques :
- Créer une quête collective :
Les candidats avaient proposé des récits collectifs où les électeurs étaient les héros. Kamala Harris, par exemple, avait insisté sur la nécessité de défendre les droits fondamentaux et la démocratie, tandis que Donald Trump avait présenté une lutte épique pour « sauver l’Amérique » des forces du déclin. - Exploiter les conflits :
Les récits politiques avaient simplifié des problèmes complexes en opposant un « nous » (les électeurs) à un « eux » (les élites, les ennemis étrangers ou des idéologies opposées). Cette opposition claire donne une structure narrative mobilisatrice, que les deux camps ont largement exploitée. - S’appuyer sur des symboles forts :
Les campagnes avaient utilisé des symboles et des métaphores pour incarner leurs idées. Trump, par exemple, avait popularisé en 2016 l’image du mur pour représenter ses positions sur l’immigration, tandis que Harris a utilisé des images d’unité et de «diversité» pour illustrer son message. - Tirer parti des crises :
Les moments de crise, comme la pandémie ou les tensions économiques, ont été intégrés dans des récits politiques. Les démocrates avaient mis en avant leur capacité à gérer ces défis, tandis que les républicains avaient dénoncé des échecs de gestion comme l’inflation ou encore l’instabilité au niveau internationale, rappelant ainsi la force de contraste avec leur propre bilan. - Utiliser les émotions pour convaincre :
Les faits seuls ne peuvent suffir. Les récits émotionnels, appuyés par des témoignages ou des exemples concrets, avaient eu un impact bien plus grand. Qu’il s’agisse de familles touchées par l’inflation ou de parcours inspirants d’immigrants, ces histoires avaient marqué les esprits et renforcé les arguments des candidats. La tentative d’assasinat contre Donald Trump ou encore le rappel d’une tuerie dans l’école de son fils par Tim Walz sont de bon exemple.
Conclusion : Raconter pour gouverner
Lors de cette élection, le storytelling a été bien plus qu’un simple outil de communication : il a été une arme politique essentielle. The Science of Storytelling de Will Storr nous rappelait que, bien racontées, les histoires peuvent transformer les perceptions, unir ou diviser des groupes, et inspirer des actions.
Les récits de Harris et de Trump ont marqué cette campagne, et l’élection a illustré à quel point maîtriser l’art du récit était crucial, non seulement pour remporter une victoire électorale, mais aussi pour gouverner et écrire le roman national d’un pays.