Le dernier sondage Léger publié cette semaine a provoqué une petite secousse dans le paysage politique québécois : le Parti libéral du Québec, moribond il n’y a pas si longtemps, se retrouve propulsé à 28 % des intentions de vote, tout juste derrière le Parti québécois à 30 %. La CAQ, elle, continue sa descente à 17 %, le Parti conservateur se maintient à 14 %, tandis que Québec solidaire ferme la marche à 9 %.
Ce qui saute aux yeux? L’électorat est de plus en plus volatil. On dirait même amnésique. Loin d’être guidé par des convictions idéologiques, une bonne partie des électeurs semble plutôt réagir à l’effet de nouveauté, à l’image projetée, au ton rassurant ou à la fraîcheur du moment. Dans certains cercles, on appelle ça le vote NPC — pour « Non-Playing Character » — en référence aux personnages de jeux vidéo qui répètent mécaniquement les lignes de dialogue qu’on leur a programmées. Ces électeurs ne votent pas en fonction des idées, mais en fonction du « feeling », du look du politicien, ou simplement parce qu’ils sont « tannés de l’autre d’avant ».
C’est exactement ce qui est en train d’arriver à Paul St-Pierre Plamondon (PSPP). Il a bénéficié pendant un an de cette vague de sympathie automatique. Un chef jeune, posé, cultivé, peu usé. Les médias s’en sont emparés, lui ont déroulé le tapis rouge et plusieurs électeurs s’y sont identifiés. Mais voilà que, comme toute saveur du mois, ça commence à tourner. Il devient un peu plus arrogant, certains journalistes commencent à le critiquer, et l’électorat NPC cherche déjà une nouvelle vedette. C’est ici que débarque Pablo Rodriguez, fraîchement parachuté au PLQ, et qui récolte soudainement les fruits d’un capital de sympathie non pas pour ses idées, mais pour son image.
Pas un mot sur le fédéralisme. Pas un mot sur la langue. Pas un mot sur l’économie. Mais il sourit, il parle bien, il a l’air nouveau. C’est assez pour prendre d’assaut le cœur de ceux qui garent leur vote comme on choisit un détergent à l’épicerie : « Celui-là me fait un peu moins chier cette semaine ».
Mais la partie est loin d’être jouée.
Une carte cachée : le successeur de Legault
À un peu plus d’un an des élections de 2026, la CAQ est au plus bas, mais détient encore une arme puissante : la possibilité de changer de chef. Près de 50 % des Québécois souhaitent le départ de François Legault, ce qui ouvre grand la porte à une course à la chefferie. Et si celle-ci est bien orchestrée, elle pourrait recréer l’effet Mark Carney vécu récemment au Parti libéral du Canada — un sauveur externe, à la feuille de route crédible, qui incarne un renouveau total du parti.
Deux noms circulent pour jouer ce rôle :
- Guy Cormier, l’actuel PDG de Desjardins : un gestionnaire respecté, crédible, mais dont le profil reste encore flou politiquement. Son mandat chez Desjardins tire à sa fin justement.
- Sophie Brochu, ancienne PDG d’Hydro-Québec, qui coche toutes les cases : femme, forte personnalité, gestionnaire de haut calibre, et, surtout, indépendante de la machine actuelle. Elle s’était d’ailleurs frottée à Pierre Fitzgibbon, ce qui pourrait justement jouer en sa faveur comme symbole de changement réel.
Si la CAQ devait déclencher une course rapide, puis précipiter une élection dès 2026 avec une nouvelle cheffe à sa tête, tout le jeu pourrait être chamboulé. Et le vote NPC, fidèle à lui-même, pourrait glisser encore une fois vers la nouvelle figure brillante de l’heure.
Le vrai drame pour PSPP
Le chef péquiste devrait se méfier. Être en tête 18 mois avant le scrutin n’a jamais garanti une victoire. Surtout pas quand une bonne portion de son électorat flotte au gré du vent médiatique. Le problème de PSPP, c’est qu’il parle de souveraineté dans un Québec où le vote NPC n’en a rien à cirer. Il s’adresse à une génération d’électeurs dont le sens civique s’est transformé en réflexe de consommateur : on clique sur le politicien qui « a l’air sympa », puis on passe à autre chose la semaine suivante.
D’ici là, Pablo sourit, les médias tombent sous le charme, et le PLQ remonte. Le PQ s’inquiète. Et la CAQ attend son moment.