Après le pire résultat de son histoire en avril dernier, le Nouveau Parti démocratique se retrouve au tapis. Les données de l’Institut Angus Reid révèlent une formation politique en lambeaux, avec un héritage de Jagmeet Singh qui divise même ses propres partisans.
L’heure est grave pour le NPD. Très grave. Avec seulement 6 % des voix lors de la dernière élection fédérale, le parti de Tommy Douglas vient de signer son pire résultat de l’histoire. Pire encore, selon un sondage de l’Institut Angus Reid publié cette semaine, seulement 13 % des Canadiens affirment qu’ils envisageraient « définitivement » de voter pour le parti à l’avenir.
La débâcle Singh : un bilan qui divise
L’héritage de Jagmeet Singh, défait dans sa propre circonscription de Burnaby-Sud, ne fait pas l’unanimité, même parmi les fidèles du parti. Les chiffres sont éloquents : 31 % des anciens électeurs néo-démocrates le jugent « exceptionnel » ou « au-dessus de la moyenne », tandis que 29 % le considèrent « sous la moyenne » ou « médiocre ». Un tiers (36 %) se contente de le qualifier d’« ordinaire ».
Cette division révèle l’ampleur du malaise. Comment un leader peut-il laisser ses propres partisans aussi partagés sur son bilan ? Singh n’a jamais atteint les sommets de ses prédécesseurs : ni les 20 % de Tom Mulcair en 2015, encore moins les 31 % de feu Jack Layton lors de la vague orange de 2011.
L’hémorragie vers les libéraux : quand l’ABC devient un poison
Le phénomène le plus troublant pour l’avenir du NPD reste cette fuite massive vers les libéraux. Parmi les électeurs qui avaient voté NPD en 2019 et 2021, un quart a finalement opté pour les libéraux de Mark Carney en 2025.
Cette migration s’explique largement par le fameux vote « ABC » (Anyone But Conservative). Durant la campagne, 51 % des anciens électeurs néo-démocrates qui envisageaient de voter libéral justifiaient leur choix par le fait que le parti de Carney représentait « la meilleure chance d’empêcher les conservateurs de gagner ».
Voilà bien l’ironie cruelle : le NPD, qui se voulait l’alternative progressiste, s’est retrouvé sacrifié sur l’autel d’un calcul électoral défensif. Les progressistes ont préféré voter « stratégique » plutôt que par conviction.
La perte de l’électorat syndical : trahison ou abandon ?
Plus dramatique encore, le NPD a perdu des circonscriptions historiques dans le sud-ouest de l’Ontario, bastions syndicaux de longue date. Les données de l’Institut Angus Reid de 2023 révélaient déjà cette fracture : les membres de syndicats du secteur privé étaient aussi susceptibles de croire que le Parti conservateur défendrait mieux les intérêts des travailleurs que le NPD.
Cette rupture avec sa base traditionnelle illustre l’échec stratégique de Singh. Comment le parti de la classe ouvrière a-t-il pu perdre la confiance de ceux qu’il prétendait représenter ?
Un potentiel de remontée hypothétique
Malgré ce tableau sombre, 45 % des Canadiens affirment qu’ils « pourraient ou ne pourraient pas » considérer le NPD, selon le nouveau leader et l’orientation du parti. Cette ouverture conditionnelle offre une mince lueur d’espoir, mais à quel prix ?
Même les anciens électeurs du parti restent divisés sur l’avenir : 47 % estiment que « l’avenir est brillant » si le parti trouve le bon leader, tandis que 28 % pensent que « les plus beaux jours sont derrière ». L’optimisme des plus jeunes (61 % des 18-34 ans croient en l’avenir du parti) contraste avec le pessimisme des plus âgés.
Davies à la barre : un intérim controversé
L’arrivée de Don Davies comme leader intérimaire n’a pas fait l’unanimité. Trois des sept députés restants ont critiqué le processus de nomination, révélant les tensions internes qui minent le parti. Quand une formation politique ne peut même plus s’entendre sur son leadership temporaire, comment peut-elle se prétendre apte à gouverner le pays ?
L’équation impossible
Le NPD fait face à une équation mathématique cruelle. D’un côté, 73 % des électeurs conservateurs excluent catégoriquement de voter pour eux. De l’autre, les libéraux continuent d’aspirer leurs électeurs grâce au vote stratégique.
Seuls 18 % des électeurs libéraux de 2025 considéreraient « définitivement » le NPD, tandis que 63 % attendent de voir la direction que prendra le parti après la course au leadership. Cette prudence témoigne d’une méfiance profonde envers une formation qui a déçu.
Le NPD se trouve ainsi pris en étau : trop à gauche pour séduire le centre, pas assez crédible pour mobiliser sa base traditionnelle, et victime d’un système électoral qui pousse au vote stratégique.
L’effondrement du NPD n’est pas qu’un accident de parcours, c’est le résultat d’années de complaisance envers les Libéraux et d’un leadership qui n’a su ni rassembler ni convaincre. La route vers la rédemption sera longue, si elle existe encore.