Lundi, juin 23, 2025

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Encore un mirage écolo : Rodriguez veut remplacer les camions par des trains

Encore une excellente mauvaise idée

Le transport lourd est depuis longtemps une cible pour les environnementalistes. Autant ceux de salon que ceux qui se présentent aux élections. Après tout, une portion non négligeable des GES émis le sont par le secteur du transport, et le transport lourd prend la part du lion. Au fil du temps, plusieurs propositions ont été faites : conversion des flottes au gaz naturel liquéfié (GNL), électrification des transports, etc. La dernière qui a attiré mon attention est celle de Pablo Rodriguez, dans le cadre de la course à la chefferie du PLQ. Il propose d’augmenter la part du transport ferroviaire pour réduire le transport lourd interurbain. Ça me donne une bonne occasion de vous expliquer pourquoi c’est une excellente mauvaise idée dans le contexte québécois.

Les trains, c’est rigide comme un rail

Le transport ferroviaire, c’est super pour déplacer des tonnes de marchandises sur de longues distances, genre du minerai ou des céréales. Mais dès qu’on parle de logistique moderne, ça coince. Les trains, ce sont des horaires fixes, des trajets prédéfinis, et pas question de faire un détour pour livrer direct à l’usine de Val-d’Or ou à la shop de Rivière-du-Loup. C’est super efficace pour certains types de transports, mais ça peut aussi être un méchant casse-tête à généraliser. Les camions, eux, vont livrer partout, tout le temps. Les seuls exceptions proviennent de réglementations locales interdisant la circulation de véhicules lourds après 7h du matin.

Prenons l’exemple d’une fromagerie qui offre du fromage en grains frais du jour, pas besoin d’un doctorat en gestion des chaines d’approvisionnement pour comprendre qu’une flotte de petits véhicules de type transit sera plus efficace qu’un train ou qu’un 53 pieds alors que pour une entreprise de meuble de Lotbinière, il est beaucoup plus efficace de remplir un semi-remorque et de livrer à l’entrepôt d’une chaine de magasin de meuble bien connu. Avec le ferroviaire, tu es coincé à attendre le prochain train ou à jongler avec des transbordements, mais surtout, avec la trajectoire prédéterminée. Dans un monde où plusieurs entreprises ont adopté un mode de production se rapprochant du « Juste à temps », la flexibilité et la rapidité d’exécution sont de mise. Bonne chance pour garder tes clients contents avec le rigide transport ferroviaire.

Un seul hub, c’est la galère assurée

Pour que le ferroviaire prenne le relais des camions, il faut des centres intermodaux, ces endroits où on transfère les marchandises du train au camion, ou vice-versa. Problème : au Québec, on n’a pas grand-chose à part le hub de Montréal. Il y a bien sûr d’autres centres de transbordements, mais ils font très peu de transport de produits finis. Si tu es une entreprise à Drummondville, en Gaspésie ou dans les Laurentides, tu es obligé d’envoyer tes produits à Montréal pour les mettre sur un train. Ça veut dire plus de kilomètres, plus de temps, et plus de frais. Sans compter les risques de retard si le hub est engorgé, ce qui arrive souvent vu qu’on met tous nos œufs dans le même panier.

Prenons l’exemple d’une entreprise manufacturière de Thurso en Outaouais qui doit livrer à Toronto une commande pour le mardi matin. La commande doit quitter par camion le vendredi pour Montréal, un transport d’approximativement 2 heures. Le transbordement entre le camion et le train se fera quelque part au courant de la fin de semaine. Ensuite, départ de Montréal vers le pôle d’échange intermodal dans le coin d’Etobicoke près de Toronto. Le transbordement se fera dans les environs du dimanche ou du lundi selon les horaires des ouvriers et du train. Un camion livrera ensuite au centre-ville de Toronto le mardi. Pendant ce temps, un transport par camion lourd aurait pris environ 5-6 heures selon le trafic pour faire le déplacement entre Thurso et Toronto.

Une bouchée de pain pour ces camionneurs qui sont habitués de dévorer les kilomètres comme je le fais avec un sac de chips. La compagnie de transport va même t’offrir une option express livrant directement chez ton client si tu as un volume suffisant, elle pourra aussi vous offrir un service avec transbordement pour moins cher.

Pourquoi compliquer les choses avec un système qui demande des acrobaties logistiques? C’est le propre des politiciens de proposer une solution sans comprendre la complexité des ajustements que cela demande.

Les manufacturiers québécois vont manger leurs bas

Le Québec, c’est une machine manufacturière : aéronautique, agroalimentaire, équipements industriels, on a du talent à revendre. Mais ces entreprises-là, elles roulent sur des chaînes d’approvisionnement ultraprécises et surtout très complexes. Prenons une usine comme celle de Pratt & Whitney à Longueuil, qui fabrique des pièces d’avion. Elle a besoin de livraisons rapides et sur mesure de ses fournisseurs, souvent à deux pas. Le ferroviaire? Trop lent, trop rigide.

Lorsque des géants comme Pratt & Whitney ou bien le chantier Davie à Lévis ont des contrats en masse, la chaine d’approvisionnement peut s’étendre sur des centaines de kilomètres aux quatre coins du Québec et je vous rappelle que le seul pôle d’échange intermodal est à Montréal. Si vous forcez ces entreprises à passer par le train, vous risquez de briser leurs processus, d’augmenter leurs coûts et de les rendre moins compétitives face à des concurrents qui, eux, utilisent des camions. Et puis, construire des nouveaux hubs ou moderniser les rails, ça coûte une fortune. Qui va payer? Encore les mêmes, les contribuables, pendant que les entreprises galèrent. J’entends déjà mon ami Nicolas Gagnon crier au scandale.

Le Québec, ce n’est pas fait pour ça

Le Québec, c’est grand, c’est éparpillé, et nos industries sont souvent loin des grandes gares ferroviaires. Les camions, c’est ce qui fait tourner l’économie en reliant les régions aux clients, que ce soit à Québec, à Toronto ou aux États-Unis. Forcer un virage vers le ferroviaire sans avoir les infrastructures pour le supporter, c’est comme essayer de faire du ski en juillet. Ça peut sembler vert, mais ça risque de faire patiner l’économie.

Et franchement, les entreprises manufacturières, qui sont déjà sous pression avec la concurrence mondiale, n’ont pas besoin d’un casse-tête logistique en plus. En fait, cette proposition oublie totalement que les entreprises prennent chaque jour la décision qui est la plus rentable pour eux.

Bref, l’idée de Pablo Rodriguez part peut-être d’un bon sentiment, mais elle est carrément déconnectée de la réalité québécoise. Nous sommes des producteurs manufacturiers, des transformateurs et non des producteurs de matières brut en gros volume, à l’exception du secteur minier et forestier.

Le manque de flexibilité des trains, le peu de centres intermodaux et les besoins bien précis des manufacturiers montrent que les camions restent rois pour l’instant. Plutôt que de tout miser sur le ferroviaire, on ferait mieux d’améliorer les deux systèmes en même temps, sans mettre des bâtons dans les roues d’un transport routier qui fait déjà la job.

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Francis Hamelin
Francis Hamelin
Francis Hamelin, #MakeThePLQLiberalAgain, est membre des Trois Afueras et écrivain amateur. Technicien en génie mécanique et industriel, il s'intéresse particulièrement aux politiques publiques, l'économie et à la productivité des entreprises et des individus.

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