Après sept ans de tergiversations, le premier ministre François Legault annonce finalement un virage vers l’efficacité et la déréglementation. Trop peu, trop tard ?
François Legault a dévoilé lundi son « nouveau plan » pour la dernière année de son mandat, promettant enfin de « sortir du système » qui paralyse le Québec. Un réveil tardif pour un gouvernement qui disposait de sept des huit années de son mandat pour appliquer sa vision supposément de centre-droit.
Le « traitement-choc » de la onzième heure
« Il faut rien de moins que sortir du système actuel, sortir de cette camisole de force », a déclaré le premier ministre devant son nouveau conseil des ministres. Un constat étonnant pour quelqu’un qui dirige cette même machine étatique depuis octobre 2018. Legault promet désormais un « traitement-choc » pour couper dans la bureaucratie, une promesse qui résonne étrangement familière.
Le premier ministre a particulièrement ciblé le ministère de l’Environnement, affirmant qu’« on ne peut plus bloquer le développement avec des délais qui n’ont pas de bon sens ». Cette critique de la réglementation excessive rappelle les positions traditionnellement défendues par le Parti conservateur du Québec, qui prône depuis longtemps une approche plus libérale en matière de développement économique.
Modernisation syndicale : enfin du courage politique ?
L’annonce la plus audacieuse concerne la modernisation du régime syndical, une réforme que réclamait déjà l’Action démocratique du Québec il y a deux décennies. Legault compte sur le ministre du Travail pour « accomplir cette tâche qui est essentielle », s’attaquant enfin à un pilier du modèle québécois que sa formation politique avait pourtant ménagé jusqu’ici.
Une approche qui aurait pu être mise en œuvre dès 2018, si la CAQ avait eu le courage de ses convictions initiales.
L’immigration : un bouc émissaire commode
Sur l’immigration, Legault a évoqué une « explosion démographique » de « 300 000 immigrants temporaires en quelques années », qualifiant le Québec de « submergé » par cette situation. Le premier ministre exige maintenant une réduction de 200 000 immigrants temporaires à Montréal et Laval.
Cette rhétorique marque un durcissement notable par rapport aux premières années du mandat caquiste, où l’immigration était abordée avec plus de nuances. Un changement de ton qui coïncide curieusement avec la remontée du Parti Québécois et du Parti conservateur du Québec dans les intentions de vote.
Une conversion tardive au libéralisme économique
Ce « nouveau plan » ressemble davantage à une tentative désespérée de reconquête électorale qu’à une vision cohérente. Après avoir gouverné en préservant l’essentiel du modèle québécois, Legault découvre soudainement les vertus de la déréglementation et de l’efficacité administrative.
Les quatre « champs d’action » annoncés – économie, efficacité, sécurité et identité – auraient pu structurer l’ensemble du mandat caquiste. Leur présentation à un an des élections soulève des questions légitimes sur la sincérité de cette conversion de dernière minute.
« Plus dans les concours de popularité » : vraiment ?
L’affirmation la plus savoureuse du discours reste celle-ci : « À l’âge que j’ai, je ne suis plus dans les concours de popularité. » Une déclaration pour le moins ironique de la part d’un politicien qui a gouverné sept ans au gré des sondages.
Le bilan caquiste regorge de revirements spectaculaires. Sur les trop-perçus d’Hydro-Québec, la CAQ récoltait 47 000 signatures en opposition pour réclamer le remboursement complet, puis a bloqué une motion du PQ demandant ce remboursement une fois au pouvoir.
La réforme du mode de scrutin, promesse phare signée dans une entente transpartisane en 2018, fut abandonnée en décembre 2021 – un revirement qui a directement profité à la CAQ avec 16 sièges supplémentaires en 2022. Le troisième lien fut abandonné en avril 2023 pour être ressuscité après la défaite de Jean-Talon, avec un coût maintenant estimé entre 5,3 et 9,3 milliards.
Les promesses brisées s’accumulent sur tous les fronts. Les « plus belles écoles au monde » ont vu la vétusté passer à 61%.
L’engagement d’un médecin de famille en 36 heures maximum s’est transformé en 830 000 patients orphelins, soit 356 000 de plus qu’à l’arrivée de la CAQ.
La promesse de réduire les temps d’attente aux urgences à 90 minutes d’ici 2023 s’est soldée par une moyenne provinciale de 2h46, l’objectif étant maintenant repoussé à 2026-2027.
Sur l’immigration, après avoir qualifié de « suicidaire » tout seuil dépassant 50 000 immigrants permanents en 2022, le gouvernement veut maintenant augmenter à 70 000.
L’été 2025 résume cette improvisation : 510 millions de coupes en éducation en juin, 540 millions réinvestis en juillet. Selon le Polimètre, la CAQ n’a tenu que 23% de ses promesses de deuxième mandat. Cette liste de volte-faces témoigne d’une gouvernance davantage guidée par l’opportunisme électoral que par des convictions profondes.
Le défi de la crédibilité
« Comme on le dit en québécois, le nouveau monde exige qu’on mette nos culottes. Personnellement, je tiens à vous le dire, j’ai le goût plus que jamais de me battre », a lancé François Legault en conclusion. Reste à voir si les électeurs croiront à cette virilité politique retrouvée après ces sept années de gouvernance.
La CAQ aura un an pour prouver qu’elle peut tenir ses promesses de droite économique. Un délai bien court pour convaincre un électorat qui a déjà assisté à trop de revirements pour prendre au pied de la lettre les grandes déclarations du premier ministre sortant.
« Ce sont les Québécois qui vont nous juger en octobre 2026 », a conclu Legault. Le verdict risque d’être sévère pour un gouvernement qui semble enfin découvrir ses convictions à la veille de rendre des comptes.