Une nouvelle crise secoue le parti de Pablo Rodriguez alors que l’Unité permanente anticorruption lance une investigation formelle portant sur des allégations d’irrégularités financières durant la course à la chefferie de 2025.
L’Unité permanente anticorruption (UPAC) a déclenché le 9 décembre 2025 une enquête criminelle formelle visant le Parti libéral du Québec, confirmant ainsi que la phase préliminaire de validation a révélé des éléments suffisamment crédibles pour justifier une investigation approfondie. Il s’agit d’au moins la cinquième fois en une décennie que l’organisme anticorruption mène une enquête criminelle en lien avec la formation politique.
Le porte-parole de l’UPAC, Mathieu Galarneau, a confirmé que les validations préliminaires sont terminées et que l’organisme ouvre maintenant officiellement une enquête. Cette décision marque une escalade significative dans la crise qui secoue le parti dirigé par Pablo Rodriguez depuis plusieurs semaines.
Des allégations de «fling-flang»
L’enquête porte sur des allégations d’actes répréhensibles liées à la course à la chefferie du PLQ qui s’est tenue au printemps 2025. Plus spécifiquement, l’UPAC s’intéresse à des irrégularités présumées en matière de financement durant la campagne de Rodriguez.
Le terme «fling-flang», qui a émergé au cœur de cette affaire, est une expression désignant une forme de fraude ou de malversation. L’expression évoque quelque chose de «tout croche», c’est-à-dire mal fait, désordonné ou malhonnête.
Selon Pablo Rodriguez lui-même, la députée Marwah Rizqy lui aurait parlé de «fling-flang» en référence à Ottawa et au Parti libéral du Canada lors d’une rencontre. Cette allégation a contribué à déclencher la chaîne d’événements menant à l’intervention de l’UPAC.
Des paiements suspects sous la loupe
Les premiers éléments ayant déclenché la crise incluent des messages textes révélés par le Bureau d’enquête de Québecor, suggérant que des membres qui appuyaient Rodriguez auraient reçu des récompenses financières. Des paiements de 1000$ auraient été effectués à 14 bénévoles de la campagne de Rodriguez, dont 10 provenant du Parti libéral du Canada.
Le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) examine également ces textos, ainsi qu’une discussion entre Marwah Rizqy et le député fédéral Fayçal El-Khoury concernant la sollicitation de dons.
Plusieurs enquêtes parallèles
Outre l’investigation de l’UPAC, plusieurs autres enquêtes se déroulent simultanément. La Commissaire à l’éthique a ouvert une investigation concernant la députée Sona Lakhoyan Olivier pour déterminer si elle a utilisé des ressources de l’État à des fins partisanes durant la course à la chefferie. Rodriguez l’a exclue du caucus le temps de l’enquête.
Le PLQ a également mandaté le juge à la retraite Jacques R. Fournier pour faire la lumière sur les allégations, avec un rapport attendu pour la fin janvier. Toutefois, cette enquête suscite des critiques puisqu’elle est commandée par le parti lui-même et que Fournier ne dispose d’aucun pouvoir judiciaire pour assigner des témoins ou saisir des documents.
Des pouvoirs d’investigation élargis
Maintenant que l’UPAC est passée de l’étape de validation à celle de l’enquête active, les enquêteurs disposent de moyens d’investigation beaucoup plus puissants. Ils peuvent notamment effectuer des perquisitions, utiliser l’écoute électronique, obtenir des ordonnances de communications téléphoniques et rechercher des preuves de la commission d’infractions criminelles.
L’UPAC effectue des enquêtes criminelles portant sur plusieurs types d’infractions dans les secteurs publics et parapublics, notamment la corruption, l’abus de confiance, la collusion, la fraude, le trafic d’influence et les malversations.
Ces démarches policières prennent souvent des mois, voire des années, avant de connaître un dénouement, et rien ne garantit qu’elles déboucheront sur des arrestations ou des accusations.
Rodriguez sous pression
«Si quelqu’un a commis un geste illégal, la vérité doit sortir et comme chef je vais agir sans hésiter», a déclaré Pablo Rodriguez, qui affirme que le parti collaborera pleinement avec l’UPAC. Le chef libéral maintient qu’il n’a personnellement rien à se reprocher et qu’il n’était pas au courant des allégations avant leur révélation publique.
Toutefois, la pression monte considérablement sur Rodriguez. Des militants libéraux influents, dont l’ex-président de l’association libérale d’Outremont Alexandre Tremblay-Michaud, réclament sa démission ou au minimum sa suspension pendant l’enquête. Plusieurs analystes estiment que sa position est devenue intenable, notamment parce qu’il se retrouve au centre d’une enquête criminelle portant sur sa propre campagne à la direction.
Les sondages récents indiquent une baisse de confiance envers Rodriguez, tandis que le Parti Québécois de Paul St-Pierre Plamondon gagne du terrain.
Un passé chargé
Le PLQ a fait l’objet de plusieurs enquêtes majeures de l’UPAC par le passé. L’enquête Mâchurer, la plus connue, portait sur des allégations de financement illégal entre 2001 et 2012. L’enquête a duré près d’une décennie, rencontré plus de 300 témoins, mais s’est conclue en février 2022 sans aucune accusation.
L’enquête Justesse ciblait certains collecteurs de fonds libéraux en lien avec des baux de la Société immobilière du Québec, tandis que les enquêtes Joug et Lierre concernaient respectivement des allégations de financement politique illégal et des irrégularités liées à un projet d’usine d’épuration à Boisbriand. Dans ce dernier cas, sept personnes avaient été arrêtées en mars 2016, mais les procédures ont été arrêtées pour délais judiciaires déraisonnables.
Cette nouvelle crise survient à un moment critique pour le PLQ, alors que le parti tentait de se repositionner face à la Coalition Avenir Québec de François Legault. La situation fragilise considérablement le leadership libéral à l’approche de la prochaine élection générale.

