Joël Arseneau roule électrique et s’en vante. Le député péquiste des Îles-de-la-Madeleine et porte-parole de son parti en matière d’environnement proclame haut et fort que « la voiture à essence, c’est un héritage du passé » et qu’il faut donner l’exemple aux citoyens.
Problème : sa Chevrolet Bolt se recharge avec de l’électricité produite à 99,5 % par une centrale thermique au mazout, la plus polluante du Québec. Une réalité qui jette une ombre sur le discours environnemental du Parti Québécois et soulève des questions légitimes sur l’authenticité de son engagement vert.
L’électricité madelinoise : un cocktail de combustibles fossiles
Les faits sont implacables. Aux Îles-de-la-Madeleine, l’électricité provient d’une centrale thermique équipée de six moteurs alimentés au mazout et au diesel produisant 11 000 kW pour desservir près de 13 000 résidents. Cette installation constitue la plus grande centrale thermique du Québec et émet 32 fois plus de gaz à effet de serre que le bouquet énergétique québécois standard. En 2021, elle a émis environ 130 000 tonnes de CO2, représentant 36,5 % de l’ensemble des émissions directes d’Hydro-Québec.
Quand Arseneau branche sa voiture « verte », il alimente donc son véhicule avec une électricité qui génère 670 grammes équivalent CO2 par kWh, contre seulement 21 grammes pour le réseau hydroélectrique québécois.
La rhétorique péquiste face à la réalité
Cette contradiction n’empêche pas Arseneau de tenir un discours digne d’un vendeur de voitures électriques. « J’ai vraiment redécouvert comment ça peut être quand même plaisant de conduire une voiture qui est petite, sans éclat, mais silencieuse », confie-t-il aux médias, décrivant sa « fébrilité » à chaque fois qu’il prend le volant.
Le député justifie son choix par la nécessité pour les élus de « donner l’exemple autant que faire se peut ». Une logique à l’envers qui défie pourtant le bon sens environnemental : Arseneau utilise sa voiture électrique polluante aux Îles-de-la-Madeleine et conserve sa « vieille auto à essence usagée » à Québec, où l’hydroélectricité est propre. Ne devrait-il pas plutôt inverser cette équation pour minimiser son empreinte carbone?
Plus révélateur encore : cette approche à géométrie variable maximise paradoxalement les émissions dans les deux territoires. Les calculs sont implacables : avec sa configuration actuelle, Arseneau génère environ 280 grammes de CO2 par kilomètre combiné (119 g pour sa Bolt aux Îles + 161 g pour sa voiture à essence à Québec). S’il inversait ses véhicules — essence aux Îles, électrique à Québec — il ne produirait que 165 grammes de CO2 par kilomètre, soit une réduction de 41 % de ses émissions totales. En d’autres termes, le porte-parole environnement du PQ choisit délibérément la configuration la plus polluante possible. Difficile de concilier cette incohérence mathématique avec le dogme péquiste qui veut interdire la vente de véhicules neufs à essence d’ici 2035.
Le Parti Québécois pris à son propre jeu
Cette situation illustre parfaitement les contradictions du Parti Québécois sur les questions environnementales. D’un côté, le parti multiplie les annonces sur la lutte aux changements climatiques et la « souveraineté environnementale ». De l’autre, son principal porte-parole environnemental roule avec un véhicule qui, dans son contexte local, représente un non-sens écologique.
Le parti de Paul St-Pierre Plamondon prône l’électrification des transports sans nuancer le discours selon les réalités régionales. Comme si toute l’électricité québécoise était automatiquement verte, peu importe sa provenance. Une vision simpliste qui fait fi des spécificités territoriales et des impacts environnementaux réels.
Hydro-Québec à la rescousse du narratif
Pour sauver la face, Hydro-Québec annonce des projets qui permettront « de réduire d’environ 90 % les émissions de gaz à effet de serre de l’archipel » d’ici 2035. Un nouveau parc éolien à Grosse-Île, des panneaux solaires subventionnés et une nouvelle centrale utilisant un « combustible à faible intensité de carbone » sont au programme.
Mais ces projets ne changeront rien à court terme. La réalité d’aujourd’hui demeure : quand Arseneau fait le plein d’électricité, il contribue directement aux émissions d’une centrale qui carbure au mazout. Une réalité que le député péquiste préfère visiblement passer sous silence dans ses interventions médiatiques enthousiastes sur les vertus de l’électrique.
L’art de parler des deux côtés de la bouche
Cette affaire révèle une méthode bien rodée chez les péquistes : adapter le discours selon l’auditoire et les circonstances. Devant les médias provinciaux, Arseneau vante les mérites de sa Bolt électrique. Dans son comté, il connaît pourtant mieux que quiconque la source d’approvisionnement énergétique locale.
Le plus ironique dans cette histoire? Même Manon Massé de Québec solidaire, dans son contexte urbain montréalais, a troqué sa voiture contre un vélo. Une cohérence idéologique que le porte-parole environnement du PQ, pourtant confronté à une réalité énergétique qui invalide complètement les bénéfices de l’électrification, semble incapable d’appliquer.
Au final, l’enthousiasme d’Arseneau pour sa Bolt électrique illustre parfaitement comment le Parti Québécois manie l’art de l’écoblanchiment politique. Un discours vert en surface, mais qui ne résiste pas à l’analyse des faits. Exactement ce qu’on reproche aux entreprises qui font de l’écoblanchiment, mais en version partisane.