La période de questions suivant le débat en français des élections fédérales 2025 a révélé des contrastes saisissants entre les chefs de parti. Mark Carney a multiplié les réponses vagues, Pierre Poilièvre s’est montré direct sur des sujets controversés, tandis qu’Yves-François Blanchet a livré plusieurs répliques cinglantes.
Carney : Des promesses sans chiffres et des réponses évasives
Le chef libéral Mark Carney s’est présenté devant les journalistes sans avoir chiffré ses promesses électorales, un point que Radio-Canada n’a pas manqué de souligner. Lorsque questionné sur cette absence de transparence, Carney a simplement répondu : « Nous allons dévoiler notre plateforme chiffrée ce week-end-ci. » Il a ajouté que « ce n’est pas une question de coupure, c’est une question de productivité du gouvernement. » Cependant, le chef libéral semblait tout aussi confus que sa réponse.
Le flou s’est poursuivi quand on l’a interrogé sur son plan d’investissement de 500 milliards de dollars. Sa réponse : « Ça vient d’une combinaison des investissements catalyseurs du gouvernement du Canada. Par exemple, en ce qui concerne le fonds d’accélérateur dans le secteur du logement ou des réductions de redevance dans le secteur du logement, ça crée la demande d’investissement dans le secteur privé et des montants de 8 à 10 fois que le montant du secteur public. » Traduite en langage clair, sa réponse pourrait se lire comme suit : « J’invente un chiffre rond pour impressionner, mais en réalité je compte sur le secteur privé pour faire le gros du travail, en espérant que mes incitatifs suffiront. »
Sur la question de l’identité de genre, Carney a surpris par sa réponse directe et concise. Quand on lui a demandé combien de genres existent, il a répondu sans équivoque : « En termes de sexe, il y en a deux. » Le journaliste poursuit avec une question complémentaire : « croyez-vous que les femmes, les femmes biologiques, ont le droit à leurs propres espaces, à leurs propres sports, à leurs propres vestiaires, à leurs propres prisons, à leurs propres refuges pour sans-abri? » Ce à quoi il n’a pas répondu.
Mark Carney was completely stumped when True North’s @AmazingZoltan confronted him to ask if women deserve sex-based spaces free from biological males. He had NO answer. This should alarm every Canadian woman considering a vote for the Liberals.
Poilièvre : Franc-parler et défense des libertés
Pierre Poilièvre s’est démarqué par des positions claires sur plusieurs sujets controversés. Sur la liberté de presse, il a affirmé : « Nous sommes le seul parti qui est prêt à protéger la liberté de la presse, de tous les médias. » Il a promis d’abroger la loi C-11, qu’il qualifie de « loi de censure », et de « se battre contre n’importe quel type de loi de censure en ligne. »
Le chef conservateur a également pris position fermement sur l’antisémitisme, déclarant que les visiteurs au Canada qui commettent des actes criminels devraient être déportés : « Vous ne pouvez tout simplement pas venir ici et incendier une boulangerie juive ou la maison de quelqu’un ou briser des vitres lors d’une émeute politique et espérer rester dans ce pays si vous avez un visa de visiteur. »
Sur la question du conflit israélo-palestinien, Poilièvre a maintenu une position claire : « Dans une situation où un groupe terroriste traverse la frontière pour délibérément cibler les enfants, les femmes et les civils, un pays n’a aucun choix autre que de se défendre. Est-ce qu’un tel pays devrait prendre tous les efforts pour éviter les tragédies des autres civils? Absolument. Malheureusement, Hamas veulent se positionner afin de maximiser les pertes de vie des Palestiniens. C’est Hamas qui a commencé la guerre et c’est Hamas et les autres groupes terroristes qui maximisent la souffrance du peuple palestinien. »
Blanchet : mordant, moqueur… et muet sur l’essentiel
Yves-François Blanchet s’est illustré par plusieurs répliques mordantes et refus de répondre aux questions. Lorsqu’un journaliste de Rebel News lui a demandé pourquoi il préférait le pétrole de l’OPEP provenant de dictatures et de zones de conflits au pétrole éthique de l’Alberta, Blanchet a répondu : « J’ai l’impression que vous avez déjà la réponse que vous voulez écrire, donc votre question semble contenir la réponse. » Il a ensuite rappelé qu’il était « celui qui a autorisé le changement de direction de la ligne B en 2013, ce qui semble prouver que je ne suis pas un fanatique contre l’huile. Mais je crois que nous devons réduire progressivement notre consommation de pétrole ».
Quand le même journaliste a cité un sondage indiquant que 74 % des Québécois soutiendraient la construction de nouveaux pipelines, Blanchet a clos l’échange avec une remarque ironique : « Vous ne connaissez pas mon amour pour les polls? Bonne soirée. »
Contradictions et omissions notables
Mark Carney a tenté de se distancier de Justin Trudeau tout en reconnaissant partager les mêmes valeurs. Quand on lui a demandé si Trudeau était un bon premier ministre, il a répondu : « Oui, Justin Trudeau et l’administration précédente ont apporté un certain nombre de contributions à ce pays. […] Lui et moi, nous partageons les mêmes valeurs en terme de solidarité, de prise en charge des uns et des autres. » Mais il a ensuite ajouté : « je mets beaucoup plus l’accent sur l’économie, sur la croissance de l’économie. »
Cette tentative de différenciation a été mise à mal par un journaliste qui a souligné que sa campagne semblait « être basée sur le fait de vous mettre en avant et de cacher les gens qui ont collaboré avec Justin Trudeau au cours des 10 dernières années. » Carney a qualifié cette observation de « question plutôt étrange » sans vraiment y répondre sur le fond.
Concernant l’immigration, lors du débat Carney a parlé d’y mettre une limite, un cap, mais lorsqu’il fut questionné à ce sujet Carney a d’abord semblé confus dans sa réponse en français, puis a déclaré : « Nous maintenons les différentes mesures ou niveaux des différentes classes d’immigration aussi approximativement qu’ils le sont aujourd’hui. »
Conclusion
Cette période de questions post-débat a mis en lumière les styles contrastés des chefs de parti : un Mark Carney souvent évasif, un Pierre Poilièvre assumant des positions claires et tranchées, et un Yves-François Blanchet maniant l’ironie pour défendre sa vision des intérêts du Québec — quitte à se démarquer de l’opinion majoritaire sur certains enjeux.
À dix jours du scrutin, ces échanges pourraient influencer les derniers électeurs indécis.