Élection après élection, les conservateurs se voient contraints de se défendre contre les accusations relayées par leurs adversaires politiques et les médias de masse et de désinformation. Oui, il est vrai que le Parti conservateur compte en son sein des candidats pro-vie. Mais connaît-on réellement les convictions personnelles des membres des autres partis ?
Les chefs conservateurs successifs ont toujours affirmé clairement qu’ils n’avaient pas l’intention de rouvrir le débat sur l’avortement. Il s’agit, dans les faits, de la position d’une minorité de membres, principalement issus de l’Ouest canadien, où les valeurs religieuses et traditionnelles sont davantage enracinées. Ces membres valorisent une vision plus classique de la société, centrée sur la famille : un homme, une femme, des enfants.
Pourquoi aucun parti politique irait promouvoir l’interdiction de l’avortement
Depuis l’arrêt historique R. c. Morgentaler de 1988, l’avortement au Canada est libre de toute restriction légale, un droit ancré dans la Charte canadienne des droits et libertés. Pourtant, des inquiétudes surgissent parfois quant à une possible réouverture du débat sur l’avortement. Voici pourquoi ces craintes sont largement infondées et pourquoi aucun gouvernement, quel que soit son parti, ne s’aventurerait facilement dans une telle manœuvre.
Un rempart constitutionnel solide
La Cour suprême du Canada a statué en 1988 que les restrictions à l’avortement violaient l’article 7 de la Charte, qui protège la liberté et la sécurité de la personne. Toute tentative d’interdire ou de limiter l’avortement serait immédiatement contestée devant les tribunaux et risquerait d’être jugée inconstitutionnelle. Même l’utilisation de la clause dérogatoire (article 33) pour contourner la Charte serait politiquement explosive, car elle minerait la confiance du public dans les institutions démocratiques. Ce cadre juridique constitue un rempart quasi infranchissable.
Un consensus politique fragile
L’avortement est un sujet polarisant, mais aucun parti politique majeur ne souhaite rouvrir ce débat. Les libéraux et les néo-démocrates soutiennent fermement le droit à l’avortement, tandis que le Parti conservateur, bien que comptant des membres pro-vie, évite de faire de cette question une priorité. Les chefs conservateurs, conscients des divisions internes et du coût électoral, se distancient des positions anti-avortement. Par exemple, des projets de loi comme le C-484, un projet de loi d’initiative parlementaire (private member’s bill) qui visait à protéger les fœtus victimes de crimes, ont été rejetés en 2008, en partie pour éviter tout précédent pouvant restreindre les droits reproductifs.
Une société mobilisée
La société canadienne est largement favorable à l’accès à l’avortement. Selon un sondage Angus Reid de 2023, environ 70 % des Canadiens soutiennent le droit à l’avortement sans restrictions majeures. Toute tentative de limitation mobiliserait instantanément les groupes de défense des droits des femmes, les professionnels de la santé et une large partie de la population. Les provinces, responsables des services de santé, pourraient également résister à l’application d’une loi fédérale restrictive, compliquant davantage sa mise en œuvre.
Un risque politique trop élevé
Pour un gouvernement, rouvrir le débat sur l’avortement serait un pari risqué. Non seulement cela galvaniserait l’opposition, mais cela pourrait aliéner des électeurs modérés, même au sein de sa base électorale. Les gouvernements, qu’ils soient majoritaires ou minoritaires, préfèrent éviter les controverses qui fracturent la société et détournent l’attention des priorités économiques ou sociales. Même un gouvernement majoritaire hésiterait à s’engager dans une bataille aussi clivante, préférant se concentrer sur des enjeux moins polarisants.
Un débat clos
En somme, craindre une réouverture du débat sur l’avortement au Canada revient à sous-estimer les garde-fous juridiques, politiques et sociaux en place. Aucun gouvernement ne tenterait une telle manœuvre sans risquer un backlash massif, tant sur la scène nationale qu’internationale. Le Canada reste un bastion des droits reproductifs, et tout indique que cela perdurera.