Lundi, juillet 14, 2025

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Sécession et souveraineté : un Canada sans consensus sur les règles du jeu

Vingt-cinq ans après l’adoption de la Loi sur la clarté, les Canadiens restent divisés sur les modalités d’une éventuelle séparation provinciale. Un sondage Léger réalisé pour l’Association d’études canadiennes dévoile des clivages surprenants : Québécois et Albertains partagent une méfiance commune envers l’intervention fédérale, tandis que le reste du Canada privilégie un contrôle plus serré d’Ottawa.

La question qui fâche : qui décide du libellé ?

L’enquête menée du 16 au 18 mai 2025 auprès de 1537 répondants révèle que 71% des Québécois estiment qu’une question référendaire sur la séparation doit être non ambiguë, soit le taux le plus élevé au pays. Les Albertains ne sont pas en reste avec 62% d’accord, dépassant la moyenne nationale de 59%.

Paradoxalement, ces mêmes provinces résistent farouchement à l’idée que la Chambre des communes fédérale approuve la question référendaire. Seuls 34% des Québécois et 35% des Albertains y sont favorables, contrastant avec les 60% de Britanno-Colombiens et 58% d’Atlantiques qui l’appuient.

L’effet boomerang de la Loi sur la clarté

Cette réticence québécoise et albertaine s’explique aisément. La Loi sur la clarté, adoptée en juin 2000 sous le gouvernement Chrétien, était directement une réponse aux référendums québécois de 1980 et 1995. Ce cadre législatif offre certaines balises concernant le processus par lequel une province chercherait à se séparer du Canada.

Mais voilà le hic : les provinces potentiellement sécessionnistes semblent avoir ajusté leur approche. Elles acceptent le principe de clarté – probablement pour éviter les reproches d’ambiguïté qui ont hanté les référendums québécois – mais rejettent catégoriquement l’idée d’une supervision fédérale.

Une majorité claire

Sur l’exigence d’une majorité claire, l’Alberta se montre plus rigoureuse que le Québec. 72 % des Albertains estiment qu’une majorité nette est nécessaire, contre seulement 55 % des Québécois. Ce contraste peut refléter une forme de pragmatisme politique : dans une province où les tensions avec Ottawa sont déjà vives, une séparation votée à 50 % + 1 risquerait d’exacerber les divisions internes. L’Alberta semble donc miser sur une légitimité forte pour éviter un conflit social post-référendaire.

À l’inverse de la logique identitaire souvent invoquée au Québec, le projet albertain repose davantage sur un calcul institutionnel et économique, ce qui pousse ses partisans à rechercher une adhésion large, moins vulnérable à la contestation.

Négociations interprovinciales : la méfiance généralisée

Quand vient le temps de négocier avec l’ensemble des provinces, Québécois (57%) et Albertains (52%) montrent moins d’enthousiasme que la moyenne canadienne (62%). Cette réticence suggère une perception selon laquelle les autres provinces pourraient faire obstruction au processus.

L’unilatéralisme : le tabou québécois

La question la plus révélatrice concerne l’impossibilité d’une séparation unilatérale. Seuls 31% des Québécois estiment qu’une province ne peut pas se séparer unilatéralement après un référendum favorable, soit le taux le plus bas au pays. Les Albertains (43%) rejoignent ici la moyenne nationale.

Cette position québécoise s’explique probablement par l’héritage des débats constitutionnels. Depuis la thèse de l’association souveraine de René Lévesque jusqu’aux positions plus récentes du Bloc québécois, l’idée d’une souveraineté négociée mais non soumise à un veto reste prégnante.

Cohérence idéologique : quand les convictions se renforcent

L’analyse croisée des données révèle une cohérence troublante. Parmi ceux qui croient qu’une majorité claire est nécessaire, 74,3% estiment aussi que la question doit être non ambiguë. Plus parlant encore : 60,7% de ce groupe pensent que la Chambre des communes devrait approuver la question.

Cette corrélation suggère l’existence de deux camps distincts : les « clarificateurs » qui veulent un processus encadré par Ottawa, et les « autonomistes » qui privilégient l’autodétermination provinciale.

Un Canada à géométrie variable

L’enquête de Jack Jedwab met en lumière un pays traversé par des visions divergentes du processus démocratique, particulièrement en ce qui concerne la sécession provinciale. Qu’il s’agisse du rôle du gouvernement fédéral, de la définition d’une majorité claire ou du droit d’une province à agir unilatéralement, aucun consensus solide ne se dégage à l’échelle nationale.

La question demeure : dans un pays où même les règles de la démocratie ne rallient pas l’unanimité, comment espérer maintenir l’unité ?

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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