Dimanche, août 3, 2025

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Sortir des illusions électriques : pour en finir avec les « EV mandates »

Il est temps de remettre les deux pieds sur terre. Les « EV mandates » — ces objectifs gouvernementaux imposant des quotas de ventes de véhicules électriques — ne sont pas de l’écologie, mais de la politique spectacle. Pire encore, du signalement de vertus. Ottawa comme Québec s’entêtent à imposer des cibles irréalistes, déconnectées des contraintes techniques, géographiques, économiques et sociales du Canada réel.

Le mirage de l’électrification totale

On nous promet que 100 % des véhicules neufs seront électriques d’ici 2035, ou du moins, qu’une portion de la puissance motrice sera électrique. Qui peut croire une chose pareille dans un pays où l’hiver dure cinq à six mois, où des centaines de villages sont distants de plusieurs centaines de kilomètres de toute métropole, et où les températures négatives réduisent drastiquement la portée des batteries? Sans parler de l’air climatisé l’été… Dans le Nord-du-Québec, en Gaspésie, en Abitibi ou même dans plusieurs zones des Laurentides, l’autonomie d’un véhicule électrique en hiver n’est tout simplement pas adaptée à la réalité. En fait, c’est bien si vous faites beaucoup de déplacement de courtes distances ou que vous êtes très patients lors de vos longs trajets. À voir le comportement de certains automobilistes sur la route, je doute que la patience soit un trait caractéristique des Québécois.

Et si l’autonomie pose problème, le prix, lui, fait fuir. Même avec des subventions, le coût moyen d’une majorité de véhicules électriques dépasse largement les capacités de la classe moyenne et des jeunes familles. Et dès que les subventions ont cessé — comme ce fut le cas au début 2025 —, les ventes se sont écroulées. Pourquoi? Parce qu’il n’y a pas de demande organique. Ce n’est pas une transformation souhaitée par la population : c’est une mutation imposée, artificielle. Encore une fois, le fantasme d’une poignée de technocrates.

Un réseau inadéquat et une énergie comptée

Parlons du réseau de recharge. Il est embryonnaire. Surtout si on sort des autoroutes 20 et 40. Installer des bornes rapides à travers tout le territoire est un défi logistique et financier monumental. Qui va payer pour électrifier les stationnements des vieux immeubles en béton? Qui va couvrir les coûts astronomiques des installations en région éloignée, là où Hydro-Québec doit déjà jongler avec la capacité limitée de ses infrastructures et les arbres qui poussent, semble-t-il, plus rapidement tout d’un coup?

Et c’est sans compter l’état de notre power grid. Hydro-Québec peine déjà à répondre à la demande, tout en devant honorer des contrats d’exportation vers les États-Unis. Ajouter des millions de véhicules à la prise, sans nouvelles capacités massives de production d’énergie, c’est jouer avec l’illusion. Le développement de nouveaux barrages ou de nouvelles lignes de transport se heurte au syndrome NIMBY (Not In My Backyard) et à la lenteur réglementaire. On veut l’électrification, mais sans lignes, sans barrages, sans mines, sans rien.

Il ne faut pas non plus négliger que les réservoirs des barrages existants dans le nord sont à moitié vide. Et des surplus qui disparaissent et réapparaissent par magie.

L’hypocrisie de l’électrification dirigée

Le gouvernement limite l’entrée de voitures électriques chinoises en imposant un tarif de 100 %. Tout ça sous le prétexte de la protection économique… tout en imposant par décret la conversion du parc automobile. C’est incohérent. C’est contradictoire. Et c’est surtout révélateur : il ne s’agit pas ici d’écologie, mais de l’idéologie voulant qu’il soit possible de contrôler le marché. En voulant favoriser certaines compagnies au détriment d’autres, l’État fausse la concurrence et appauvrit le choix des consommateurs. Et finalement, le pompier pyromane allume lui-même le feu qu’il désire éteindre.

Des pistes évacuées trop rapidement, ou pas

Pendant qu’on concentre tous les efforts réglementaires, médiatiques et financiers vers la voiture électrique à batterie lithium-ion (ou autre technologie à venir), on néglige délibérément une série d’alternatives qui, mises ensemble, pourraient offrir une stratégie de transition plus souple, plus réaliste et plus adaptée à la diversité des besoins et des territoires.

  • Les biocarburants, comme le Excellium Racing 100 développé par TotalEnergies et déjà utilisé en compétition automobile, sont produits à partir de résidus organiques et permettent une combustion neutre en carbone sans nécessiter de transformation majeure des moteurs existants. En aviation comme en transport lourd, leur déploiement rapide est techniquement possible. Pourtant, au lieu d’encourager ces filières, le gouvernement les traite comme de simples solutions transitoires à écarter.
  • Les carburants synthétiques (e-fuels), comme ceux développés par Porsche en partenariat avec des installations au Chili, offrent une autre option : fabriquer un carburant à base d’hydrogène vert et de CO₂ capté. Ce procédé, encore coûteux, a toutefois l’avantage de permettre une décarbonation sans changer l’ensemble des véhicules ni les réseaux de distribution. L’Europe commence à s’y intéresser sérieusement. Ici, silence radio.
  • L’hydrogène, lui, pourrait jouer deux rôles : via la pile à combustible (où l’hydrogène génère de l’électricité embarquée), ou via le moteur à combustion à hydrogène, comme le prototype Alpenglow d’Alpine. Cette deuxième option, particulièrement prometteuse pour les véhicules lourds ou de performance, combine la familiarité des moteurs à explosion avec la propreté de l’hydrogène. Mais comme cela ne cadre pas dans le modèle « tout batterie », on le balaie d’un revers de main.
  • Le gaz naturel liquéfié (LNG), bien qu’un carburant fossile, demeure significativement plus propre que le diesel ou l’essence en termes d’émissions polluantes. Il est déjà utilisé avec succès dans le transport longue distance en Europe et en Amérique. Plutôt que de l’explorer comme solution pour les flottes, il est ignoré au profit de promesses technologiques plus prestigieuses, mais irréalistes.
  • Le nucléaire mobile, quant à lui, reste un sujet tabou. Pourtant, dans les années 50, Ford rêvait déjà du Ford Nucleon, un véhicule propulsé par un petit réacteur. Plus récemment, le moteur Génèstatom d’Arbel (France) explorait des usages hybrides ou indirects de l’énergie nucléaire dans le transport. Bien que ces visions demeurent expérimentales, elles rappellent qu’on peut rêver autrement qu’en multipliant les batteries au lithium.

Cependant, aucune de ces solutions n’est parfaite.

Les biocarburants proviennent de la biomasse. Je vous laisse deviner le défi pour réaliser une production à grande échelle. Plus de production veut dire qu’on a besoin de plus de biomasse. Dans le cas du Excellium Racing 100, on parle de réutilisation du reste de fermentation du vin. Je vois mal un gouvernement prôner la consommation de vin d’un côté et financer la carrière d’un paquet de gens chez Éduc’Alcool. Pour les carburants synthétiques, ils généralement très coûteux pour toutes sortes de raisons liées au procédé de production.

L’hydrogène n’est pas nécessairement vert et son efficacité contesté. Dans le cas du gaz naturel liquéfié, l’infrastructure nécessaire est complexe et coûteuse. Sans parler du fait que le moteur est lui-même coûteux et je ne parle pas encore du coût de conversion d’une unité existante, ni de la densité énergétique. Pour le nucléaire, il y a évidemment des craintes du côté des consommateurs et une évidente complexité lié à la sécurité lors de maintenance.

Mais leur combinaison pourrait offrir une mosaïque de réponses adaptées à différents usages : transport léger, lourd, urbain, rural, nordique, spécialisé, saisonnier. C’est justement parce qu’aucune ne peut « tout régler » qu’il est absurde de miser sur une seule.

Le pétrole n’est pas mort, et il ne le sera pas demain

L’essence et le diesel sont imparfaits. Mais ils fonctionnent, ils sont abordables, disponibles et adaptés à notre territoire. Comme je l’ai mentionné dans un récent épisode du podcast Les Trois Afueras. Ce qui est important lorsque l’on parle d’énergie, ce qui compte, c’est la densité énergique en fonction du coût. Et dans ce domaine, les dérivés du pétrole sont impressionnants. Tant que nous n’avons pas de solution de remplacement crédible, accessible et performante pour tous les usages, s’en débarrasser de force est une erreur stratégique.

Pire encore, c’est une erreur morale. Car pendant qu’on impose le tout-électrique au nom de l’environnement, on oublie que la fabrication des batteries consomme du cobalt, du lithium et des terres rares extraits dans des conditions souvent désastreuses pour l’humain comme pour la planète. Je vous invite à lire sur le dessèchement de certaines terres arables au Chili à proximité de mine de lithium. Au final, on déplace le problème au lieu de le régler.

L’urgence d’une pluralité technologique

Au lieu de s’acharner à imposer une seule technologie par décret, peut-être faut-il favoriser une diversité de solutions, une vraie concurrence entre filières énergétiques. L’innovation ne peut pas éclore dans un cadre contraint, dirigé par des quotas arbitraires et des sanctions contre les contrevenants.

C’est à l’utilisateur, au citoyen, au travailleur, à la famille, de choisir ce qui convient. C’est au marché de trancher. Pas à l’État de dicter une fois de plus la bonne façon de vivre, de se déplacer, d’exister.

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Francis Hamelin
Francis Hamelin
Francis Hamelin, #MakeThePLQLiberalAgain, est membre des Trois Afueras et écrivain amateur. Technicien en génie mécanique et industriel, il s'intéresse particulièrement aux politiques publiques, l'économie et à la productivité des entreprises et des individus.

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