Lundi, octobre 13, 2025

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Syndicats : assez d’idéologie, redonnons le choix aux membres

Ce texte est une réflexion inspirée par l’écoute du Bulletin de nouvelles du 25 septembre 2025 de Ian & Frank1, où il a été question que la CAQ envisage un projet de loi sur le financement des syndicats. Ce projet permettrait aux membres de se retirer d’une partie des cotisations syndicales.

Je suis syndiquée et je paye des cotisations depuis 25 ans. Je n’ai jamais compris pourquoi j’étais obligée de payer pour que mon syndicat défende des positions idéologiques qui n’ont rien à voir avec mes conditions de travail. C’est imposé automatiquement avec l’adhésion, sans qu’aucune explication claire ne soit donnée. Pourtant, c’est évident : plus on consacre du temps et de l’argent à des causes qui dépassent le mandat syndical, moins on en consacre à défendre réellement les membres. Et le résultat, c’est qu’un membre qui ne partage pas ces idéologies se sent de moins en moins représenté. Il y a un décalage grandissant entre ses besoins réels et ce que son syndicat met de l’avant. Peu à peu, il perd confiance et reçoit le message que le syndicat n’est peut-être plus l’outil adapté à ses intérêts.

Pour comprendre l’origine de cette dérive, j’ai effectué des recherches. J’ai découvert que tout remonte à la formule Rand, adoptée en 1946. Ce mécanisme, qui devait protéger le financement de la défense des travailleurs, a fini par remplir les coffres syndicaux au point de leur donner les moyens de financer toutes sortes d’idéologies. Peu à peu, comme la grenouille dans l’eau qui chauffe, nous ne nous en sommes pas rendu compte. Jusqu’à aujourd’hui, où l’eau bout.

Le régime Rand : un compromis dévoyé

En 1946, la formule Rand est née d’un compromis historique : assurer la stabilité des syndicats en garantissant leur financement, tout en protégeant la paix industrielle. Personne ne pouvait se soustraire aux cotisations, car tous profitaient des acquis négociés. Or, ce compromis visait la négociation et la défense des droits, pas le financement illimité d’appareils idéologiques. Avec le temps, la sécurité financière a permis la création de structures permanentes, où certains militants ont trouvé un tremplin pour imposer leurs convictions personnelles.

Quand le syndicalisme dérive vers l’idéologie

Au lieu de concentrer leurs efforts sur les salaires, les horaires ou la santé et sécurité, les organisations syndicales consacrent désormais temps et argent à des luttes sociales et politiques. Par exemple, on les voit produire des mémoires sur des enjeux de société et défendre des positions très polarisantes qui dépassent leur mandat. C’est le glissement du syndicalisme de terrain vers le virtue signaling : montrer publiquement qu’on est « du bon côté » des débats de société, quitte à négliger le rôle premier de défense des membres.

Quand l’idéologie se croit représentative

Il suffit d’écouter certains leaders syndicaux, comme Mme Magali Picard, pour constater ce décalage. Le ton est assuré, la conviction totale : « Nous sommes des organismes démocratiques. Les gens, les membres qui payent des cotisations nous donnent des mandats. Et, dans ces mandats-là, c’est des clauses et c’est des demandes politiques. »2 Pourtant, rien ne permet de vérifier réellement cette prétention. Les membres n’ont aucune option pour exprimer que ces batailles idéologiques ne les représentent pas. L’argent est prélevé à la source, sans choix ni nuance.

La formule Rand, à l’origine, visait à protéger le financement des luttes syndicales : négocier, défendre, améliorer les conditions de travail. Jamais il n’était question de financer sans condition des campagnes idéologiques. Aujourd’hui, il n’existe aucun mécanisme qui crée un véritable incitatif pour les syndicats à s’assurer que leurs orientations reflètent les besoins réels de leurs membres. Comme les cotisations entrent automatiquement, peu importe l’adhésion ou non aux causes défendues, il n’y a pas de motivation concrète à écouter la base. Avec de tels automatismes, le lien d’écoute s’effrite et le décalage entre ce que vivent les travailleurs et ce que portent leurs représentants, se creuse.

Briser l’illusion de la représentativité

Voilà le cœur du problème : les syndicats instrumentalisent leurs membres pour faire avancer des idéologies qui ne représentent peut-être qu’une fraction de leur base. Quelle fraction? Impossible de le savoir.

L’option de retrait (opt-out) viendrait changer la donne. Elle respecterait la liberté des travailleurs et servirait de test réel. Si les membres choisissent massivement de continuer à financer les campagnes idéologiques, alors on saura que c’est réellement un besoin. Mais si, au contraire, les contributions s’évaporent, ce sera la preuve que les syndicats doivent recentrer leurs efforts sur leur mandat premier : défendre les conditions de travail.

Je crois qu’on pourrait aller encore plus loin pour les nouveaux membres. Dès le départ, on devrait offrir un choix clair : la cotisation de base sert à la défense des droits syndicaux (obligatoire), mais la portion politique/idéologique est optionnelle. On paie l’une, ou les deux.

De plus, l’option de retrait de la portion optionnelle devrait toujours être sur la table pour tous les membres afin de respecter la liberté de choix et d’agir comme un contre-pouvoir : un levier concret permettant aux membres d’envoyer un message clair à leur syndicat. Chaque retrait exprime un désaccord avec le financement de causes idéologiques, sans pour autant remettre en cause le principe même de la représentation syndicale.

L’injustice double des membres syndiqués

On oublie aussi un autre aspect : ce sont uniquement les membres syndiqués qui remplissent les coffres. Les employés non syndiqués, eux, profitent malgré tout de l’existence d’un mouvement syndical, car certains gains — salaires, avantages sociaux, conditions de travail — finissent par avoir des effets d’entraînement. Cela dit, les syndicats n’apportent pas les bénéfices qu’on leur attribuait autrefois : leur énergie est souvent divisée, voire détournée, entre la défense concrète des membres et la poursuite d’agendas idéologiques. C’est une injustice double : être captif d’un financement obligatoire et ne pas avoir l’assurance que cet argent défend vraiment ses intérêts — parfois même constater qu’il entretient la division sociale plutôt qu’il ne génère de réels gains.  

Un syndicalisme renforcé, pas affaibli

Je suis d’avis qu’une telle réforme du financement des syndicats ne les détruirait pas. Au contraire. Elle forcerait les organisations à se recentrer sur ce qui compte vraiment pour les membres : des salaires décents, la sécurité au travail, des retraites solides. Moins de slogans. Plus de résultats. Moins de posture. Plus de crédibilité.

Un syndicat qui se bat pour ses membres n’a rien à craindre de la transparence. Mais un syndicat qui joue au parti politique de substitution, lui, doit accepter d’être mis à l’épreuve. Il est temps de redonner aux membres une voix réelle. Il est temps d’offrir le choix.


  1. Ian & Frank. (2025, 25 septembre). Bulletin de nouvelles du jeudi 25 septembre 2025 [Podcast audio]. Ian & Frank Patreon. ↩︎
  2. QUB Radio. (2025, septembre 25). Syndicats : Mario Dumont confronte Magali Picard (et ça BRASSE) [Vidéo]. YouTube. https://youtu.be/3QXNbUcuKJE ↩︎

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