Continuer la guerre aujourd’hui est un mal nécessaire pour la paix à long terme en Ukraine
C’est ironique comme statement, mais c’est la vérité. Alors que Trump crée un sentiment de convergence vers la paix, je crois qu’on s’en éloigne. Deep dive sur le sujet.
Ramenons-nous un peu dans le passé. La Russie envahit la Crimée en 2014 avec des soldats anonymes et sans identification. Tout le monde est confus, mais on laisse filer (à tort) parce qu’on s’en fout bien, finalement, de la Crimée.
Fast forward en 2022 alors que Moscou déferle vers Kyiv. Ce que la majorité des analystes voyait comme un scénario de conspiration se réalise et l’Europe retombe en guerre. L’objectif de « l’opération militaire spéciale » est clair — renverser le gouvernement Zelenskyy et prendre le contrôle, voire annexer l’Ukraine.
Trois ans et demi plus tard, on parle enfin de paix, mais on n’en parle pas sérieusement. Les demandes de Poutine sont déraisonnables et injustes depuis le début, ce qui démontre sa mauvaise foi. Il a le beau jeu, sa guerre progresse lentement et tout le monde, sauf lui, veut que ça arrête dès que possible.
La demande principale touche l’annexion de territoires ukrainiens qui ne sont pas encore totalement conquis. Poutine réclame la cession des Oblasts (l’équivalent de nos provinces) partiellement sous son contrôle, dont principalement le Donetsk. En gros, il veut que le tiers Est de l’Ukraine devienne la Russie.
Trump, en quête gênante de son Nobel de la paix, embarque dans le jeu. Dans ses déclarations, il banalise l’importance de ces territoires et sous-entend que Zelenskyy préfère tuer sa population que céder des kilomètres carrés de terrain. En gros, il voit ça comme un banal deal immobilier.
L’affaire c’est que le Donetsk, c’est la clé de voûte de l’indépendance de l’Ukraine à long terme. Depuis des années, on y a construit la « fortress belt », un réseau de bunkers et de positions défensives qui résistent depuis des années à tout ce que la Russie y envoie. C’est aussi le pôle logistique critique pour ravitailler l’ensemble du front de l’est du pays.
En gros, c’est tout sauf banal.
Il faut comprendre que céder ces territoires forcerait l’Ukraine à recréer une autre ligne de défense à des centaines de kilomètres de là, à l’Ouest, dans une topographie beaucoup moins favorable.
Céder le Donetsk, c’est céder pratiquement la moitié du pays.
Plus encore, Poutine demande ça et bien d’autres choses sans aucune garantie en échange. Il dit en gros « cédez-moi ça et on verra ensuite ». Puisque c’est un leader hautement intelligent et très peu fiable et loyal, rien ne garantit que cette immense concession va arrêter la guerre. Ça pourrait même l’empirer.
Il faut aussi dire que le Donetsk et les régions avoisinantes sont riches en ressources naturelles, notamment en minéraux. Le Donbass, la région plus large qui englobe le Donetsk, est le plus grand réservoir de charbon cokéfiable d’Europe, essentiel pour produire de l’acier. On y trouve un paquet d’autres minéraux, du gaz naturel et des terres arables hautement fertiles.
Céder ces espaces serait un trésor pour Poutine, sans rien garantir en échange. Un vrai move de cave, en bon français.
La carte ci-bas devrait être affichée dans tous les bureaux des analystes de la guerre. C’est, en toutes lettres, l’étendue des visées territoriales de Poutine en Ukraine pour créer sa « Nouvelle Russie », ou encore sa fameuse zone tampon anti-OTAN. Comme la conquête complète de l’Ukraine n’est plus possible, c’est ça son plan B pour vrai, annoncé à quelques reprises en public.

Si l’histoire nous apprend quelque chose, c’est qu’il faut prendre au sérieux les dictateurs qui annoncent leurs intentions. On ne l’a pas fait avec Hitler, Hirohito ou Mussolini et on a payé le prix ensuite.
Bref, si vous avez lu jusqu’ici, retenez une chose. La paix en Ukraine à court terme ne coûte « que » du territoire, mais elle ne fera que garantir la chute du reste du pays à moyen terme.
La guerre est affreuse, mais céder du territoire, ce n’est pas la paix. C’est juste reporter la prochaine guerre.