Les Canadiens se sont prononcés, et la soirée électorale du 28 avril 2025 aura tenu toutes ses promesses, entre surprises, chutes de chefs et suspense jusqu’aux petites heures. Résultat : un gouvernement libéral minoritaire, une opposition conservatrice amère, un NPD en chute libre, et des chefs qui tombent… ou qui s’accrochent.
Les Libéraux de Carney : victoire sans majorité
Mark Carney, fraîchement débarqué à la tête du Parti libéral du Canada (PLC), a remporté la palme de la soirée, mais sans décrocher la majorité absolue. Avec 155 députés élus et 13 candidats en avance, les libéraux devraient atteindre 168 sièges, à quatre petits sièges de la majorité (172). « Je suis fou de joie et il est encore tôt, mais je suis confiant que nous allons réussir à avoir une majorité », lançait David Lametti, ancien ministre de la Justice, alors que les applaudissements fusaient au QG libéral. Mais la réalité est têtue : Carney devra gouverner en minorité, dépendant du NPD ou du Bloc pour survivre.
Dans son discours, Carney a salué ses adversaires et promis un gouvernement d’unité :
« Peu importe où vous vivez, peu importe la langue que vous parlez, peu importe pour qui vous avez voté, je ferai toujours de mon mieux pour représenter tous ceux qui considèrent le Canada comme leur pays. »
Mark Carney
Il n’a pas manqué de rappeler le contexte de peur instauré lors de l’élection qui l’a aidé à prendre la tête dans les intentions de vote :
« Le président Trump essaie de nous briser pour que l’Amérique puisse nous posséder. Cela n’arrivera jamais. »
Mark Carney
Poilievre : la défaite, et peut-être la porte
Coup de théâtre : Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur du Canada (PCC) a perdu son propre siège dans Carleton, où le libéral Bruce Fanjoy menait par 3 793 voix avec 264 bureaux de scrutin sur 266 dépouillés à 5h23 du matin. Un choc électoral majeur pour celui qui, il y a quelques mois à peine, était favori pour remplacer les libéraux au pouvoir.
Poilievre a reconnu la défaite de son parti et félicité Carney, tout en promettant de continuer la lutte :
« Les Canadiens ont opté pour un gouvernement minoritaire extrêmement serré, un quasi-égalité dans le décompte des voix. Je tiens donc à féliciter le premier ministre Carney pour avoir formé ce gouvernement minoritaire. […] Nous ferons notre travail, oui, nous ferons notre travail pour demander des comptes au gouvernement, mais d’abord, nous félicitons les gens de tous horizons politiques pour leur participation au processus démocratique. »
Pierre Poilievre
Le NPD s’effondre, Singh jette l’éponge
Soirée noire pour le Nouveau Parti démocratique : Jagmeet Singh a non seulement perdu sa circonscription de Burnaby-Centre, mais il a aussi annoncé sa démission comme chef du parti, visiblement ému devant ses partisans.
« Ce soir, j’ai informé un chef de parti que je quitterai mes fonctions de chef dès qu’un chef intérimaire sera nommé. »
Jagmeet Singh
Le NPD, qui détenait 25 sièges avant la dissolution, n’en sauverait que 7 selon les projections. Singh a reconnu la défaite avec dignité :
« Je veux prendre un moment pour féliciter le premier ministre Carney pour sa victoire. Il a une tâche importante à accomplir : représenter tous les Canadiens et protéger notre pays ainsi que sa souveraineté contre les menaces de Donald Trump. […] Évidemment, je sais que cette soirée est une soirée décevante pour les néo-démocrates. »
Jagmeet Singh
Bloc Québécois : Blanchet sauve les meubles et la balance du pouvoir
Yves-François Blanchet, réélu, n’a pas caché sa déception de ne pas avoir fait mieux, mais il se console avec la balance du pouvoir : 23 sièges pour le Bloc, assez pour peser dans la balance d’un gouvernement minoritaire.
« Le Bloc québécois a fait une campagne de cœur, une campagne de passion, une campagne à la hauteur de ce que sont les Québécois. […] Il se pourrait que dans une soirée complexe et mouvementée, le poids de la députation du Bloc québécois ne soit extraordinairement important dans la composition du prochain Parlement. »
Yves-François Blanchet
Les Verts : May réélue, Pednault reste sur le carreau
Elizabeth May, doyenne du Parti vert, a été réélue dans Saanich–Gulf Islands, mais son co-chef Jonathan Pednault n’a pas eu cette chance. Dans un discours teinté d’émotion et de lucidité, May a remercié ses partisans et félicité Carney :
« Je l’ai félicité pour son spectaculaire renversement de fortune pour les libéraux, et le fait qu’il formera le prochain gouvernement — qu’il soit minoritaire ou majoritaire — reste à voir. »
Elizabeth May
May n’a pas manqué de tacler les médias qui l’annonçaient battue :
« Nous sommes ici. Désolé, National Post. Nous ne disparaîtrons pas. »
Elizabeth May
Le PPC de Bernier : toujours pas d’élu, mais beaucoup de conviction
Maxime Bernier et le Parti populaire du Canada restent à zéro élu, mais le chef a promis de continuer à « offrir des solutions différentes » et à « forcer les médias et les partis de l’establishment à débattre de nos idées ».
Résultats préliminaires (5h23 du matin)
Parti | Élus | En avance | Total projeté |
---|---|---|---|
Libéral (PLC) | 155 | 13 | 168 |
Conservateur (PCC) | 133 | 11 | 144 |
Bloc Québécois (BQ) | 21 | 2 | 23 |
NPD | 5 | 2 | 7 |
Parti Vert | 1 | 0 | 1 |
Parti populaire (PPC) | 0 | 0 | 0 |
Il faut 172 sièges pour une majorité. Résultat : Mark Carney formera un gouvernement minoritaire, dépendant du Bloc ou du NPD pour survivre. Les négociations s’annoncent corsées, et le Québec pourrait bien tirer son épingle du jeu.
Conclusion : une Chambre fracturée, un pays sous tension
Entre une guerre commerciale avec les États-Unis, un ou des chefs qui tombent et une Chambre des communes éclatée, le Canada s’engage dans une nouvelle législature. Mark Carney, fraîchement couronné, devra jouer du coude pour gouverner, tandis que les conservateurs pansent leurs plaies et que la gauche cherche un nouveau souffle.
Une chose est sûre : la politique canadienne n’a pas fini de nous surprendre.