Le 19 février 2025, la députée de Mercier et co-porte-parole de Québec solidaire, Ruba Ghazal, a présenté à l’Assemblée nationale le projet de loi 895 intitulé « Loi établissant un réseau scolaire commun afin de garantir l’égalité des chances ». Cette initiative législative, qui vise à transformer radicalement le système éducatif québécois, soulève des questions fondamentales sur la liberté de choix des parents et l’autonomie des établissements scolaires.
Un projet ambitieux qui remet en question le modèle actuel
Le projet de loi 895 propose de regrouper au sein d’un réseau scolaire commun les écoles publiques et les écoles privées qui accepteraient d’y adhérer volontairement. Les établissements privés qui refuseraient d’intégrer ce réseau verraient progressivement leur financement public supprimé.
Parmi les mesures phares du projet, on retrouve l’interdiction de tout processus de sélection des élèves dans les écoles du réseau commun, l’uniformisation des conditions de financement et de gratuité, ainsi que la mise en place de cartes scolaires visant à créer des bassins scolaires similaires d’un point de vue socio-économique.
« Au Québec, on a un système scolaire injuste, on a une école à trois vitesses : le public régulier, le public avec les projets particuliers et le privé subventionné. Comment on trie les élèves? Avec leur bulletin et le salaire de leurs parents », a déclaré Mme Ghazal lors de la présentation du projet.
Des questions sur la liberté de choix et l’excellence académique
Si l’objectif d’égalité des chances est louable, le projet soulève néanmoins des interrogations quant à ses effets potentiels sur la liberté de choix des parents et sur l’excellence académique qui fait la réputation de nombreux établissements québécois.
En éliminant la sélection des élèves et en imposant un modèle uniforme, le projet pourrait limiter considérablement les options éducatives des familles, qui valorisent souvent la diversité des approches pédagogiques et la possibilité de choisir l’établissement qui correspond le mieux aux besoins de leurs enfants.
La fin de la sélection académique soulève également des questions sur le maintien de l’excellence et des programmes spécialisés qui ont fait leurs preuves. Comment maintenir le niveau d’exigence de certains programmes sans pouvoir sélectionner les élèves sur la base de leurs aptitudes ou de leur motivation?
Un soutien populaire, mais des défis de mise en œuvre
Selon un sondage CROP commandé par le groupe citoyen École ensemble, qui a inspiré ce projet de loi, 85% des Québécois seraient favorables à l’école commune proposée. La proportion des répondants qui estiment que les écoles financées publiquement ne devraient pas choisir leurs élèves sur la base de leurs résultats scolaires était de 68% en 2022, comparée à 76% en 2024.
Toutefois, la mise en œuvre d’une telle réforme soulève des défis considérables, notamment en termes de coûts et de logistique. Le projet prévoit une période de transition, avec une première année scolaire du réseau commun débutant le 1er juillet précédant la deuxième rentrée scolaire suivant la sanction de la loi. Les établissements privés auraient six mois après la sanction pour décider s’ils intègrent ou non le réseau.
Des perspectives d’adoption incertaines
Malgré l’appui populaire que semble recueillir ce projet, son adoption reste incertaine, car un projet de loi doit être « appelé » par le gouvernement pour qu’un vote puisse avoir lieu, mais il est rare que le gouvernement autorise les députés à voter sur un projet de loi de l’Opposition.
Dans notre contexte québécois où la performance du système éducatif est régulièrement questionnée, il reste à voir si une approche centralisée et uniformisée constitue la meilleure réponse aux défis actuels, ou si une plus grande flexibilité et une diversification des options, accompagnées de mesures ciblées pour les plus défavorisés, ne seraient pas plus efficaces pour élever le niveau général tout en préservant l’excellence.