Le Département de la Justice américain a finalement dévoilé jeudi une première série de documents liés à Jeffrey Epstein, le financier multimillionnaire accusé de trafic sexuel qui s’est suicidé en prison en 2019. Cette publication tant attendue, annoncée à grand renfort médiatique par la procureure générale Pam Bondi, a rapidement tourné à la déception pour plusieurs observateurs.
Une montagne qui accouche d’une souris
« Ce que vous allez voir demain, c’est beaucoup de registres de vols, beaucoup de noms, beaucoup d’informations », avait promis Bondi mercredi soir sur Fox News, ajoutant que les révélations seraient « assez écœurantes ». La procureure avait même affirmé la semaine dernière que la liste des clients d’Epstein « était posée sur [son] bureau ».
Mais les documents publiés jeudi – baptisés « Phase 1 » – se sont avérés largement décevants. Le lot comprenait principalement des copies de registres de vols du jet privé d’Epstein et une photocopie lourdement caviardée d’un carnet d’adresses, deux éléments qui circulaient déjà dans le domaine public depuis des années.
« CE N’EST PAS CE QUE NOUS OU LE PEUPLE AMÉRICAIN AVONS DEMANDÉ et c’est une complète déception », a écrit sur X la représentante républicaine Anna Paulina Luna, membre du comité de surveillance de la Chambre.
Des documents qui soulèvent plus de questions que de réponses
Parmi les nouveaux éléments figure une « liste de preuves » de trois pages cataloguant du matériel apparemment obtenu lors de perquisitions des propriétés d’Epstein à New York et aux Îles Vierges américaines.
Cette liste mentionne notamment « un CD étiqueté ‘photos de filles nues livre 4′ » et un dossier intitulé « LSJ logbook », qui semble faire référence à l’île privée d’Epstein, Little St. James. Les enquêteurs ont également récupéré un sac « contenant une enveloppe jaune marquée ‘SK’ datée du 27/08/08 contenant plusieurs enveloppes plus petites contenant 17 115 $ » en monnaie américaine.
La liste comprend aussi des dizaines d’appareils d’enregistrement, d’ordinateurs, de disques durs et de clés USB, ainsi que « 1 sculpture en buste brun de seins féminins », un dossier contenant « 1 vibrateur, 3 plugs anaux, 1 ensemble de menottes, 1 gode, 1 laisse, 1 boîte de préservatifs, 1 bonnet d’infirmière, 1 stéthoscope ».
Un cirque médiatique et politique
Quelques heures après l’annonce de Bondi, des commentateurs conservateurs ont été aperçus à la Maison Blanche portant des classeurs étiquetés « Les dossiers Epstein ». Bien que les couvertures portaient la mention « déclassifié », il n’est pas certain que les informations à l’intérieur aient jamais été classifiées.
La décision de publier ces dossiers fait suite à un décret signé par le président Donald Trump au début de son mandat pour déclassifier les documents. Bondi a également demandé au directeur du FBI, Kash Patel, d’enquêter sur ce qu’elle décrit comme une rétention apparente de dossiers d’enquête liés à Epstein.
Dans une lettre adressée à Patel, Bondi a déclaré qu’avant sa confirmation, elle avait demandé tous les dossiers liés à Epstein, mais qu’elle avait été informée mercredi soir par « une source » que le bureau du FBI à New York détenait « des milliers de pages de documents » qui n’avaient pas été remis.
L’ombre d’Epstein continue de planer
Rappelons que Jeffrey Epstein était accusé d’avoir abusé sexuellement de dizaines de jeunes filles mineures au début des années 2000, mais n’a purgé que 13 mois de prison. Il a été inculpé de charges fédérales à New York en 2019, plus d’une décennie après avoir conclu un accord secret avec les procureurs fédéraux en Floride pour régler des accusations similaires de trafic sexuel.
L’affaire a attiré une attention considérable en raison des liens d’Epstein et de son ex-petite amie Ghislaine Maxwell avec des membres de la royauté, des présidents et des milliardaires. Maxwell, fille du magnat britannique des médias Robert Maxwell, a été condamnée en décembre 2021 pour avoir facilité le recrutement de jeunes filles pour qu’Epstein en abuse et purge actuellement une peine de 20 ans de prison.
Alors que Bondi a fixé une date limite à 8 heures vendredi matin et a demandé au directeur du FBI Kash Patel de s’assurer que son agence remette l’ensemble « complet » des documents Epstein, reste à voir si les prochaines phases de publication contiendront des révélations plus substantielles ou si, comme le craignent certains, les « créatures du marécage » continueront de dissimuler « les trucs juteux ».
En attendant, les victimes d’Epstein – plus de 250 selon Bondi – continuent de chercher justice, tandis que le public se demande si la vérité complète sur ce réseau d’exploitation sera un jour révélée.