Dans les couloirs de la politique québécoise règne une atmosphère étrange autour des sondages : le Parti Québécois, que l’on croyait relégué aux oubliettes, rivalise désormais avec la Coalition Avenir Québec de manière aussi surprenante qu’inattendue. Autrefois adulée et jouissant d’une popularité écrasante, la CAQ voit aujourd’hui son étoile pâlir. L’image d’un monolithe indéfectible, incarnée par un François Legault paternaliste et protecteur, s’effrite peu à peu. Les statistiques révèlent une tout autre réalité : la confiance vacille et l’anxiété s’installe parmi les membres du parti au pouvoir. Hier dans le comté de Terrebonne le PQ emporte les suffrages avec un 52,74 % détrônant la CAQ malgré un taux de 37,28 % de taux de participation.
Face à cette situation préoccupante, la CAQ adopte une stratégie radicale en s’appuyant sur des outils modernes : la création de multiples comptes X pour marteler son message avec insistance. Parmi ces profils numériques, on retrouve notamment « Les paroles de François Legault », qui, à la manière d’un pastiche involontaire du Petit Livre rouge, diffuse chaque déclaration du chef comme s’il s’agissait d’une révélation prophétique. On trouve également « La Réplique », qui, tel un perroquet programmé, répète inlassablement le discours officiel en espérant étouffer toute forme de dissidence.
La Coalition Avenir Québec se lance ainsi dans une offensive numérique frénétique, croyant que la multiplication des comptes renforcera sa légitimité. Les mêmes messages sont ressassés en boucle, inondant le fil d’actualité des utilisateurs dans une tentative maladroite d’influencer l’opinion publique et de rappeler que le parti serait l’unique rempart contre le chaos. Pourtant, cette tactique ne transpire pas la confiance, mais révèle plutôt l’inquiétude d’un pouvoir en perte de vitesse, prêt à tout pour préserver son prestige.
Il est ironique que cette avalanche de propagande prenne place sur X, une plateforme que certains intellectuels et figures bien-pensantes recommandent de boycotter depuis qu’Elon Musk en a pris les commandes. Ce dernier est souvent perçu comme un personnage controversé, accusé d’alimenter un environnement toxique. Pourtant, la CAQ, sentant le vent tourner dans les sondages, fait fi de ces considérations éthiques et investit massivement le réseau social honni, quitte à froisser ses alliés idéologiques.
Pendant ce temps, le Parti Québécois, sorti d’une longue léthargie, observe la manœuvre avec une satisfaction non dissimulée. Jadis marginalisé et relégué au rang de vieil oncle grincheux, il bénéficie aujourd’hui d’un regain de sympathie populaire. Les observateurs, à la fois sceptiques et amusés, estiment que cette résurgence péquiste est largement due à l’exaspération croissante envers la CAQ, dont la communication, de plus en plus agressive, trahit une volonté désespérée de contrôle absolu. En somme, le PQ n’a plus qu’à ramasser les fruits tombés de l’arbre.
On assiste ainsi à la mise à nu d’un parti qui se croyait indétrônable. Loin de l’image du « Pater Patria » qu’il cultivait, François Legault se retrouve désormais contraint de jongler pour justifier sa position. En multipliant les messages formatés sur les réseaux sociaux, la CAQ s’échine à défendre un bilan déjà difficile à expliquer, persuadée que la répétition suffira à convaincre les électeurs hésitants. Or, à l’ère numérique, une telle approche est rapidement perçue comme de la propagande de bas étage.
Dans ce théâtre politique en constante évolution, un danger se profile : à force de saturer l’espace public d’images et de discours stéréotypés, la CAQ risque de provoquer l’effet inverse de celui escompté. Bien loin de susciter l’adhésion, sa communication insistante donne l’impression d’un gouvernement aux abois, tentant désespérément de masquer une perte de contrôle. Ce n’est plus une campagne d’information, mais une tentative grossière de faire croire à un consensus qui, en réalité, se fissure sous l’effet d’un paysage politique en pleine mutation.
Il est évident que la prolifération des comptes pseudo-officiels ne trompe plus personne. En misant sur la répétition du message plutôt que sur une véritable innovation idéologique, la CAQ expose au grand jour son incapacité à se réinventer. Or, les électeurs sont de plus en plus allergiques aux discours prémâchés et aux éléments de langage creux, surtout lorsqu’ils deviennent omniprésents. Déjà, des signes précurseurs d’un possible désastre apparaissent : le public se désintéresse progressivement, tandis que le parti semble ignorer les critiques, persuadé qu’il suffira de hausser le ton pour faire taire les opposants.
De son côté, Elon Musk observe probablement cette agitation avec amusement (ou pas pantoute). Voilà un gouvernement qui, malgré les critiques dont il l’accable, envahit sa plateforme sans scrupule. L’indignation morale affichée contre X est balayée d’un revers de main par la crainte de voir s’effondrer un empire politique. Le cynisme atteint ici un sommet : la CAQ, qui prône haut et fort les valeurs de morale collective, n’hésite pas à investir un espace médiatique qu’elle dénonçait hier encore, tant que cela peut servir ses intérêts politiques.
Pour ne rien arranger, le ton paternaliste de la CAQ se heurte à une génération d’électeurs plus critiques. La figure du « père de la nation », jadis perçue comme un gage de stabilité, est désormais remise en question. Certains Québécois commencent à se lasser de cette attitude condescendante, et la montée en puissance du PQ en est une preuve flagrante. Ce n’est pas tant que le Parti Québécois a révolutionné son idéologie, mais il capte, presque malgré lui, un profond ras-le-bol face à un gouvernement dogmatique, enfermé dans ses propres certitudes.
Cette frénésie rappelle que dans la politique, la quête du pouvoir peut mener à des comportements absurdes. Plutôt que d’innover ou de débattre, la CAQ s’entête dans la récitation incessante de slogans vides. Certains prétendent que cette stratégie vise à mieux informer la population, mais elle s’apparente davantage à une tentative d’embrouiller les esprits. En multipliant les messages standardisés et les campagnes de communication interchangeables, la CAQ risque surtout d’épuiser un électorat qui, au bout du compte, pourrait finir par douter de sa sincérité.
Dans ce contexte, le Parti Québécois endosse le rôle du trouble-fête providentiel. Autrefois moqué pour son « entêtement souverainiste », il retrouve une pertinence inattendue auprès de ceux qui rejettent la posture paternaliste et autoritaire de la CAQ. En fin de compte, la scène politique québécoise nous offre un spectacle où l’arrogance se heurte à l’improvisation. En cherchant à tout contrôler, la CAQ révèle surtout sa vulnérabilité.
Les électeurs trancheront peut-être dans les urnes, mais en attendant, les internautes assistent, mi-hilares, mi-médusés, à ce véritable cirque numérique. La CAQ, empêtrée dans ses contradictions, s’enlise dans une stratégie qui pourrait bien se retourner contre elle. À force de trop vouloir imposer sa vision, elle donne l’image d’un parti fébrile, paniqué, incapable de s’adapter à une réalité qui lui échappe.
Rien n’illustre mieux l’ironie de cette course effrénée au pouvoir.