Lundi, juillet 14, 2025

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Le Brésil, usine à espions de Poutine : neuf agents russes démasqués

Pendant que le monde avait les yeux rivés sur l’Ukraine, Vladimir Poutine orchestrait discrètement l’une des opérations d’espionnage les plus audacieuses de l’ère moderne. Le Brésil, ce géant sud-américain réputé pour sa samba et ses plages, servait en réalité comme « usine à espions » pour les services secrets russes. Une enquête de trois ans menée par huit pays vient de dévoiler l’ampleur stupéfiante de cette infiltration.

Une découverte fortuite aux conséquences majeures

L’affaire débute en avril 2022 par un coup de fil de la CIA aux autorités brésiliennes. L’agence américaine s’inquiète d’un certain Victor Muller Ferreira, candidat à un stage à la Cour pénale internationale de La Haye. Le timing ne pouvait être plus ironique : cet homme tentait d’infiltrer l’institution même qui enquêtait sur les crimes de guerre russes en Ukraine.

Sauf que Victor Muller Ferreira n’existe pas. Derrière cette identité se cache Sergey Vladimirovich Cherkasov, un agent du renseignement russe qui avait passé une décennie à construire méticuleusement sa fausse identité brésilienne.

Neuf espions, une décennie de préparation

L’enquête baptisée « Opération East » par la police fédérale brésilienne a permis de démasquer neuf agents russes opérant sous de fausses identités brésiliennes. Deux ont été arrêtés, sept ont fui vers la Russie avant leur arrestation, mais tous sont désormais « brûlés » publiquement via les avis bleus d’Interpol.

Le réseau démantelé révèle une sophistication troublante. Prenons l’exemple de Vladimir Aleksandrovich Danilov, qui se faisait passer pour Manuel Francisco Steinbruck Pereira, propriétaire d’un commerce d’antiquités à Rio de Janeiro. Avec sa complice Yekaterina Leonidovna Danilova (alias Adriana Carolina Costa Silva Pereira), ils avaient même obtenu la nationalité portugaise grâce à un faux père portugais inscrit sur l’acte de naissance de Danilov.

Plus troublant encore, Mikhail Mikushin (alias José Assis Giammaria) était parvenu à décrocher un poste de chercheur à l’Université de Tromsø en Norvège, où il étudiait les questions de sécurité dans l’Arctique – une région stratégique pour Moscou. Arrêté en octobre 2022, cet officier supérieur du renseignement militaire russe (GRU) avait d’abord étudié au Canada pour parfaire sa couverture académique. Il a été libéré le 1er août 2024 dans un échange de prisonniers et retourné en Russie.

Une méthode d’une redoutable efficacité

Ce qui distingue cette opération des affaires d’espionnage traditionnelles, c’est l’exploitation géniale des failles administratives brésiliennes. Plutôt que de fabriquer de faux documents, les Russes ont obtenu de vrais papiers officiels en exploitant un système où deux témoins suffisent pour déclarer une naissance.

Le cas de Cherkasov illustre parfaitement cette méthode. Son certificat de naissance indiquait qu’il était né en 1989 à Rio de Janeiro d’une mère brésilienne réelle, décédée en 1993. Quand les enquêteurs ont contacté la famille de cette femme, ils ont découvert qu’elle n’avait jamais eu d’enfant. Les Russes avaient littéralement « ressuscité » des morts pour créer des lignées familiales fictives.

Un réseau tentaculaire aux ambitions mondiales

L’enquête a révélé que le Brésil n’était qu’une étape dans un plan beaucoup plus vaste. Les agents utilisaient leurs passeports brésiliens comme tremplins vers leurs véritables cibles : les États-Unis, l’Europe et le Moyen-Orient.

Artem Shymyrev (alias Gerhard Campos Wittich) avait ainsi établi une entreprise d’impression 3D à Rio, avec des bureaux stratégiquement situés près du consulat américain. Ses clients incluaient des installations militaires et des agences gouvernementales brésiliennes. Il a quitté le Brésil fin 2022 après avoir reçu l’ordre de rentrer suite à l’arrestation d’autres espions.

Les pays directement infiltrés incluent les États-Unis (universités prestigieuses comme Johns Hopkins), les Pays-Bas (Cour pénale internationale), le Portugal (résidence établie depuis 2018), la Norvège (recherche arctique) et le Canada (préparation académique).

Une coopération internationale sans précédent

Face à cette menace, huit pays ont uni leurs efforts dans une enquête de trois ans : États-Unis, Pays-Bas, Portugal, Norvège, Israël, Uruguay, Canada et Brésil. Cette coopération exceptionnelle témoigne de la gravité de la situation et de l’ampleur des ramifications internationales.

La riposte brésilienne s’est révélée particulièrement innovante. Plutôt que de simplement arrêter les espions, les autorités ont choisi de les « brûler » publiquement en diffusant leurs noms, photos et empreintes digitales aux 196 pays membres d’Interpol, rendant impossible leur future utilisation à l’étranger.

Un échec cuisant pour Moscou

Cette exposition représente ce que les experts qualifient de « l’un des plus grands échecs des services de renseignement russes » depuis la guerre froide. Les agents hautement entraînés, qui avaient nécessité des décennies de préparation, sont désormais inutilisables. Leur investissement colossal en temps et en ressources s’est volatilisé du jour au lendemain.

L’affaire révèle également l’existence d’un programme d’agents « illégaux » sophistiqué, où la Russie investit des années dans la construction d’identités de couverture avant le déploiement opérationnel. Cette patience stratégique illustre la vision à long terme des services de renseignement russes, mais aussi leur vulnérabilité face à une coopération internationale déterminée.

Le Brésil, victime de sa propre hospitalité

Le choix du Brésil comme base d’opération n’était pas fortuit. Le pays offrait plusieurs avantages cruciaux : une population multiculturelle facilitant l’intégration, un passeport puissant permettant l’accès à de nombreux pays sans visa, des failles dans le système d’identification et des relations traditionnellement amicales avec la Russie.

Cette trahison de la confiance brésilienne souligne l’audace des opérations russes en Amérique latine, mais démontre aussi la capacité croissante des services de contre-espionnage régionaux à déjouer ces réseaux sophistiqués, particulièrement dans le contexte post-invasion de l’Ukraine.

L’affaire brésilienne pourrait bien n’être que la pointe de l’iceberg. Si Moscou a pu établir une telle « usine à espions » au Brésil, quels autres pays servent actuellement de bases arrière aux ambitions géopolitiques de Vladimir Poutine ? La question mérite d’être posée, et la vigilance internationale n’a jamais été aussi nécessaire.

Détails complets

Voici tous les détails disponibles sur cette opération d’espionnage russe sophistiquée qui a utilisé le Brésil comme « usine à espions » pendant des années.

Nombre d’espions identifiés

L’enquête brésilienne a révélé au moins 9 agents russes opérant sous de fausses identités brésiliennes. Cette opération de contre-espionnage, menée sur 3 ans par la police fédérale brésilienne avec l’aide de 8 pays, a permis de démasquer ce réseau sophistiqué.

Statut des agents démasqués

  • 2 agents arrêtés au Brésil
    • 1 agent reste emprisonné au Brésil (Cherkasov)
    • 1 agent a été libéré dans un échange de prisonniers (Mikushin)
  • 7 agents ont fui vers la Russie avant leur arrestation
    • 2 agents ont disparu avec localisation inconnue (couple Danilov)
    • 2 agents ont repris une vie normale en Russie (Shymyrev et Romanova)
    • 3 autres agents : statut non précisé
  • Tous les agents sont désormais « brûlés » publiquement via les avis bleus d’Interpol

Profils détaillés des espions identifiés

  1. Sergey Vladimirovich Cherkasov (alias Victor Muller Ferreira)
    • Statut : Emprisonné au Brésil
      • Condamné initialement à 15 ans de prison, puis sentence réduite à 5 ans et 2 mois
      • Le Brésil a refusé l’extradition vers les États-Unis en juillet 2023
      • Nouvelles accusations de blanchiment d’argent en janvier 2024
    • Couverture : Étudiant brésilien diplômé de l’Université Johns Hopkins
    • Mission : Infiltrer la Cour pénale internationale de La Haye pendant l’enquête sur les crimes de guerre russes en Ukraine
    • Arrestation : Avril 2022 à l’aéroport d’Amsterdam par les autorités néerlandaises
  2. Vladimir Aleksandrovich Danilov (alias Manuel Francisco Steinbruck Pereira)
    • Statut : Disparu du Portugal, localisation inconnue
    • Couverture : Propriétaire d’un commerce d’antiquités à Rio de Janeiro
    • Nationalité obtenue : Portugaise (grâce à un faux père portugais sur son acte de naissance)
    • Destination : Portugal depuis 2018
  3. Yekaterina Leonidovna Danilova (alias Adriana Carolina Costa Silva Pereira)
    • Statut : Disparu du Portugal, localisation inconnue
    • Couverture : Épouse du précédent, co-propriétaire du commerce d’antiquités
    • Nationalité obtenue : Portugaise par mariage
  4. Mikhail Mikushin (alias José Assis Giammaria)
    • Couverture : Chercheur à l’Université de Tromsø en Norvège
    • Spécialité : Questions de sécurité dans l’Arctique
    • Arrestation : Octobre 2022 en Norvège, puis libéré le 1er août 2024 dans un échange majeur de 8 citoyens russes contre des prisonniers politiques
    • Statut : Retourné en Russie
    • Rang : Officier supérieur du renseignement militaire russe (GRU)
  5. Artem Shymyrev (alias Gerhard Campos Wittich)
    • Couverture : Entrepreneur en impression 3D à Rio
    • Clients : Installations militaires et agences gouvernementales brésiliennes
    • Localisation : Bureaux installés près du consulat américain à Rio
    • Statut : A fui le Brésil fin 2022, retourné en Russie
  6. Irina Alexandrova Romanova (alias Maria Tsalla)
    • Couverture : Épouse d’Artem Shymyrev
    • Base d’opération : Athènes, Grèce
    • Statut : Retournée en Russie en janvier 2023 pour des raisons de santé, vit à Moscou sous son vrai nom Irina Alexandrova Romanova
  7. Trois autres agents
    • Profils : Bijoutier, mannequin, étudiant admis dans une université américaine
    • Statut : Identités partiellement révélées, ont fui vers la Russie

Pays ciblés et infiltrés

Pays directement infiltrés

  • États-Unis
    • Universités prestigieuses (Johns Hopkins)
    • Institutions gouvernementales via des stages et emplois
  • Pays-Bas
    • Cour pénale internationale de La Haye
    • Tentative d’infiltration pendant l’enquête sur les crimes de guerre russes
  • Portugal
    • Obtention de la nationalité portugaise comme tremplin vers l’UE
    • Résidence établie à Porto (Portugal) depuis 2018
  • Norvège
    • Université de Tromsø
    • Recherche sur la sécurité arctique (zone stratégique pour la Russie)
  • Canada
    • Études prolongées avant déploiement en Norvège
    • Préparation de couverture académique

Pays visés mais non infiltrés

  • Allemagne, France, Belgique
    • Cibles prioritaires via les passeports portugais obtenus
    • Accès facilité grâce à la libre circulation européenne
  • Moyen-Orient
    • Région mentionnée comme cible future
    • Aucun détail spécifique révélé

Méthodes d’infiltration sophistiquées

Création d’identités authentiques

  • Exploitation des failles administratives brésiliennes
    • Utilisation de vrais documents officiels plutôt que de faux papiers
    • Exploitation du système fragmenté où 2 témoins suffisent pour déclarer une naissance
    • Enregistrement de bébés jamais nés pour utilisation future
  • Construction de légendes crédibles
    • Décennies de préparation pour chaque identité
    • Création d’un passé militaire, universitaire et professionnel complet
    • Établissement de réseaux sociaux authentiques

Stratégie de déploiement

  • Phase 1 : Intégration (2010-2020)
    • Installation au Brésil avec identités fraîchement créées
    • Construction d’entreprises légitimes
    • Développement de relations personnelles et professionnelles
  • Phase 2 : Activation (2020-2022)
    • Déploiement vers les pays cibles
    • Obtention de postes stratégiques
    • Début des opérations de renseignement

Coopération internationale dans l’enquête

Pays impliqués dans l’investigation

8 pays ont participé à l’enquête de 3 ans :

  1. États-Unis (CIA – alerte initiale)
  2. Pays-Bas (services de renseignement)
  3. Portugal (SIS – Service de renseignement de sécurité)
  4. Norvège (services de sécurité)
  5. Israël (services de renseignement)
  6. Uruguay (coopération régionale)
  7. Canada (vérification des antécédents)
  8. Brésil (police fédérale et ABIN)

Déclencheur de l’enquête

L’investigation a commencé en avril 2022 quand la CIA a alerté les autorités brésiliennes sur Sergey Cherkasov, qui tentait d’infiltrer la Cour pénale internationale au moment précis où elle enquêtait sur les crimes de guerre russes en Ukraine.

Impact et conséquences pour la Russie

Perte stratégique majeure

  • Réseau de décennies de préparation détruit
  • Agents hautement entraînés inutilisables à l’avenir
  • « L’un des plus grands échecs » des services russes depuis la guerre froide

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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