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Le Conseil législatif (1791-1867) : l’outil de l’élite britannique contre la démocratie

La conscience collective québécoise a peut-être oublié que le parlement du Québec était bicaméral jusqu’en 1968. En effet, le Conseil législatif québécois a existé entre l’Acte constitutionnel de 1791 et 1968. Il a été aboli, car la classe politique estimait qu’il ne servait plus à rien. Dans cet article, il sera question de l’histoire du Conseil législatif québécois. En premier lieu, je vais aborder la période 1791 à 1867. Ensuite, je vais parler du cycle entre 1867 à 1968. Louis Massicotte a accepté de répondre à mes questions.

Louis Massicotte est professeur de science politique à la retraite de l’Université Laval et expert du système parlementaire britannique.

Entretien

Simon Leduc : Le Conseil législatif est apparu lors de l’Acte constitutionnel de 1791. Quels étaient les pouvoirs de la Chambre haute du Bas-Canada?

Louis Massicotte : « Il faut savoir que le nombre de membres du Conseil législatif n’était pas spécifié à cette époque. Ses adhérents avaient des pouvoirs de veto absolus sur les lois adoptées par l’Assemblée législative élue. C’était une institution qui était très anglaise et les élites britanniques contrôlaient le Conseil législatif. Malgré tout, l’Évêque de Québec Montseigneur Plessis a siégé à la Chambre haute du parlement du Bas-Canada. Donc, un petit nombre de francophones ont tout de même été membres de cette organisation issue du régime politique britannique.

Il faut savoir que cette dernière était en conflit avec l’Assemblée législative qui représentait la population. Cette entité élitiste était perçue comme le chien de poche du Gouverneur. Ce dernier nommait les membres de cette institution et ils pouvaient siéger à vie. Alors, le chef de l’exécutif avait le monopole sur ces nominations prestigieuses.  

Le gros problème de ce régime politique consistait dans les rivalités entre les éléments démocratique et élitiste. Les députés de la Chambre basse étaient élus par un suffrage qui demeurait peu restreint pour l’époque. Il y avait un niveau de revenu qui était nécessaire pour pouvoir voter.  Donc, l’Assemblée législative représentait assez bien le suffrage populaire et elle était dominée par le Parti canadien de Louis Joseph Papineau. Elle faisait face à l’élite politique anglaise qui était composée de la Clique du Château : le Gouverneur, les membres de son Conseil exécutif et ceux du Conseil législatif.  Il faut savoir que les autres colonies de l’Empire britannique utilisaient le même système politique que le nôtre.

Le fonctionnement de ce parlementarisme fut difficile. Les querelles entre les francophones et anglophones ont mené aux rébellions des Patriotes de 1837-1838. On a pu observer la même division entre les deux chambres du Haut-Canada (l’Ontario actuel). Les Patriotes se sont révoltés contre le pouvoir anglais qui restreignait les facultés de la majorité francophone. Il faut savoir que ces mutineries furent très localisées dans des régions comme Saint-Eustache et du Richelieu. Il y a eu aussi une rébellion dans le Haut-Canada.

En réponse aux révoltes, les institutions politiques du Bas-Canada furent abolies. Les autorités britanniques ont formé un Conseil spécial. Les membres de celui-ci étaient nommés par le Gouverneur du Bas-Canada. Après les troubles de 1837-1838, un nouveau régime politique fut mis en place, l’Acte d’Union de 1840. Le Bas-Canada et le Haut-Canada ont été fusionnés pour créer une nouvelle entité : le Canada-Uni. »

Est-ce que le parlement du régime de l’Union était composé de deux chambres?

Louis Massicotte : « Dans ce nouveau régime politique, il y avait l’Assemblée législative et le Conseil législatif. La Chambre haute de l’Union était différente de celui de la constitution de 1791. La quantité de membres de cet établissement n’était pas limitée. On pouvait nommer un nombre différent de membres selon la composition de la Chambre basse. Si cette dernière avait de la misère à faire adopter une loi, à cause de l’opposition du Conseil législatif, elle nommait un nombre de conseillers législatifs qui étaient d’accord avec la loi qu’elle voulait adopter. Les membres de cette chambre étaient nommés par l’exécutif et il n’était pas représentatif de la population. Ceux-ci bloquaient souvent des projets de loi que la Chambre basse voulait faire adopter. Par exemple, dans le Haut-Canada, Lionel Groulx a calculé que le Conseil législatif avait bloqué 200 projets de loi sur 400 de la Chambre élue. Les élites anglaises avaient un pouvoir démesuré sur les députés élus par le peuple. C’est pour cette raison que les Conseils législatifs ont acquis une très mauvaise réputation.

Donc, cette constitution, rédigée par Lord Durham, fut un échec retentissant.

Il faut savoir que toutes les colonies britanniques d’Amérique du Nord revendiquaient le gouvernement responsable. Ils désiraient plus de pouvoirs pour les élus du peuple et restreindre ceux de la Chambre haute.

En 1848, il y a eu l’avènement du gouvernement responsable. Cela a changé complètement le style des institutions d’héritage britannique. Dans ce nouveau régime, les ministres, nommés par  le Gouverneur, devaient avoir la confiance des députés élus du Canada-Uni pour pouvoir gouverner. Ce fut une réforme révolutionnaire à ce moment-là. Il faut savoir que le gouvernement responsable a été introduit en Allemagne seulement en novembre 1918 et en Suède en 1917.

Avec ce nouveau concept, l’Assemblée législative contrôlait maintenant le gouvernement. Quand ce dernier voulait adopter une législation, que le Conseil législatif s’y opposait, l’exécutif nommait de nouveaux membres qui soutenaient son projet de loi. Donc, le Conseil législatif a perdu du pouvoir et du prestige après la mise en place du gouvernement responsable.

Après cela, les dirigeants politiques de la colonie voulaient maintenant que les membres de la Chambre haute soient élus par la population comme ceux de l’Assemblée législative. Cette réforme a été mise en place en 1856.

Chaque province avait droit à 24 circonscriptions. Chaque comté faisait élire un conseiller législatif. En conséquence, les membres de la Chambre haute furent élus par les mêmes électeurs que l’Assemblée législative. Il faut savoir que les anciens conseillers demeuraient en fonction. Alors, pendant une dizaine d’années, le Québec a eu un Conseil législatif plus démocratique qu’auparavant. La Chambre haute du parlement a été plus active grâce à son côté démocratique. Il y a eu des frictions entre les deux chambres du parlement. Cela a causé de l’instabilité politique, car la Chambre basse ne pouvait pas faire adopter des lois comme elle le voulait. Le régime politique issue de l’Acte d’Union ne fonctionnait plus. Alors, une nouvelle constitution a été mise en place en 1867 : l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. La Confédération canadienne a vu le jour et était composée de quatre colonies britanniques : le Québec, l’Ontario, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. »

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Simon Leduc
Simon Leduc
Titulaire d'un Baccalauréat en science politique a l'Université de Montréal. Il est chroniqueur et journaliste pour Libre Média, le Podcast Ian et Frank et de Québec Nouvelles. Vous pouvez le suivre sur Facebook.

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