Mercredi, mars 12, 2025

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SAAQclic : Une catastrophe numérique et financière qui soulève des questions sur l’imputabilité des fonctionnaires

Le dernier rapport du Vérificateur général du Québec (VGQ) lève le voile sur l’un des plus grands échecs de modernisation numérique du gouvernement québécois. Le projet CASA/SAAQclic, destiné à numériser et améliorer les services de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), a dépassé de plus de 500 millions de dollars son budget initial et a été mis en service sans tests rigoureux, entraînant d’énormes dysfonctionnements pour les usagers et les finances publiques.

Mais au-delà du fiasco informatique, le rapport pose une question clé : comment un tel échec a-t-il pu se produire sans qu’aucun responsable ne soit tenu imputable ?

Des dépassements budgétaires massifs et une gestion opaque

Lancé en 2015, le projet CASA avait pour objectif de moderniser les systèmes informatiques de la SAAQ avec un budget initial de 638 millions de dollars. Mais selon le VGQ, cette somme pourrait grimper à plus de 1,1 milliard de dollars d’ici 2027, soit une hausse de 73 %.

Le rapport souligne que ces dépassements n’ont pas été clairement communiqués aux instances de surveillance, notamment au Conseil du trésor et au conseil d’administration de la SAAQ.

« La direction du programme n’a pas informé adéquatement les instances concernées des retards et des problèmes de qualité avant la mise en service », peut-on lire dans le rapport.

Pire encore, la SAAQ a scindé ses demandes de financement en plusieurs tranches pour éviter une obligation légale de divulgation publique dans le Système électronique d’appels d’offres du gouvernement (SEAO).

📌 Une première modification de contrat de 45,7 millions de dollars a été signée en novembre 2022.
📌 Un deuxième de 68,9 millions de dollars en août 2023.
📌 Un troisième de 39,1 millions de dollars en juin 2024.

Ce n’est qu’après la troisième modification de contrat que la SAAQ a été forcée de divulguer publiquement ces dépassements, enfreignant potentiellement la Loi sur les contrats des organismes publics, qui interdit le fractionnement de dépenses pour contouner les obligations de transparence.

« Moi, je n’étais au courant de rien de ça. Je n’ai pas mis de pression sur qui que ce soit. Je suis extrêmement choquée qu’on nous ait menti. »

Geneviève Guilbault (ministre des Transports du Québec)

Risque de fraudes et des failles critiques dans la gestion des données

Au-delà des questions budgétaires, le VGQ alerte sur des lacunes informatiques majeures dans le système CASA/SAAQclic qui compromettent la fiabilité des états financiers de la SAAQ.

  • Absence de contrôles sur les accès informatiques :
    Des employés avaient des droits d’accès à hauts privilèges, leur permettant de modifier des transactions sans suivi adéquat.
  • Pas d’alternative de vérification des transactions :
    Le nouveau système est la seule source de données, ce qui signifie qu’il est impossible de confirmer l’exactitude des transactions en cas d’erreur ou de fraude potentielle.
  • Aucune séparation des tâches :
    La SAAQ n’a pas vérifié si des employés avaient à la fois le pouvoir d’effectuer des transactions et de les valider eux-mêmes, un élément clé pour prévenir les fraudes internes.

En conséquence, le VGQ a refusé de donner une opinion sur les états financiers de la SAAQ pour 2023, une mesure extrêmement rare qui souligne l’ampleur des risques.

« Nous n’avons pas pu obtenir une assurance suffisante sur l’exactitude des données et des transactions », indique le rapport.

Bien que le VGQ ne conclue pas formellement à une fraude, ces lacunes graves ouvrent la porte à des abus potentiels, sans moyen clair d’identifier d’éventuelles irrégularités.

Le problème systémique du manque d’imputabilité des fonctionnaires

L’un des constats les plus préoccupants du rapport est l’absence totale de conséquences pour les gestionnaires impliqués dans cette débâcle.

  • Aucun responsable n’a été identifié pour les dépassements budgétaires.
  • Aucune sanction n’a été émise malgré les manquements documentés.
  • Aucun mécanisme de surveillance externe n’a pu détecter ces erreurs à temps.

Selon plusieurs experts en gouvernance publique, ce manque d’imputabilité est un problème récurrent dans l’administration québécoise.

Tant que les gestionnaires ne seront pas tenus responsables de leurs décisions, ces échecs vont continuer de se répéter. Il faut une réforme en profondeur des mécanismes de surveillance et d’imputabilité.

Le rapport recommande plusieurs mesures urgentes pour renforcer l’imputabilité :

🔹 Obligation de reddition de comptes en cas de dépassement budgétaire.
🔹 Sanctions pour mauvaise gestion, allant de la suspension à la révocation.
🔹 Création d’un comité indépendant pour superviser les projets informatiques d’envergure.
🔹 Transparence accrue dans la publication des coûts et des contrats publics.

Conclusion : un projet symptomatique d’un problème plus large

L’affaire CASA/SAAQclic est plus qu’un simple échec technologique. Elle révèle des failles profondes dans la gestion des projets publics, la transparence budgétaire et l’imputabilité des fonctionnaires.

Si aucune réforme sérieuse n’est mise en place, ce genre de scandale risque de se répéter. L’affaire CASA/SAAQclic démontre que l’absence d’imputabilité des fonctionnaires et d’un cadre de surveillance efficace laisse place à des erreurs coûteuses.

Pour l’instant, ni la direction de la SAAQ ni le gouvernement n’ont annoncé de sanctions ou de mesures concrètes pour corriger les erreurs du passé.

Cette débâcle soulève une question cruciale : le Québec mettra-t-il enfin en place un cadre d’imputabilité clair pour les fonctionnaires afin d’éviter de nouveaux scandales dans la gestion des fonds publics ?

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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