Dans une annonce qui rappelle l’ère de la Guerre froide et les ambitions du président Reagan, Donald Trump a présenté hier son projet pharaonique de bouclier antimissile baptisé le « Golden Dome ». Cette initiative de défense nationale, estimée à 175 milliards de dollars, promet de protéger le territoire américain contre toute menace balistique, y compris les missiles hypersoniques et spatiaux.
Un bouclier doré à 175 milliards
Le 21 mai 2025, depuis le Bureau ovale, l’ancien et nouveau président américain a dévoilé son ambitieux projet de défense, qu’il considère comme l’aboutissement de la vision initiée par Ronald Reagan il y a 40 ans avec l’Initiative de défense stratégique (surnommée à l’époque « Star Wars »).
« Aujourd’hui, je suis heureux d’annoncer que nous avons officiellement sélectionné une architecture pour ce système de pointe, qui déploiera des technologies de nouvelle génération sur terre, en mer et dans l’espace, y compris des capteurs et des intercepteurs spatiaux.Today, I’m pleased to announce that we have officially selected an architecture for this state-of-the-art system that will deploy next-generation technologies across the land, sea, and space, including space-based sensors and interceptors », a déclaré Trump, visiblement enthousiaste. Il affirme aussi que cette architecture de défense sera « entièrement opérationnel avant la fin de mon mandat.fully operational before the end of my term », soit dans environ trois ans.
Le financement initial du projet a déjà été prévu, avec un premier versement substantiel : « Je suis également heureux d’annoncer que le magnifique projet de loi global comprendra 25 milliards de dollars pour le Golden Dome afin d’aider au lancement des travaux de constructionI’m also pleased to report that the one big beautiful bill will include $25 billion for the Golden Dome to help construction get underway », a précisé le président, avant d’ajouter que le coût total s’élèverait à environ 175 milliards de dollars.
L’origine de ce projet
L’origine de ce projet date de bien avant 2025. Trump avait déjà parlé d’un système similaire au « Iron Dome » lors d’un rally en Arizona le 24 octobre 2024. Ce qui est bien avant la dernière élection présidentielle américaine. Par ailleurs, le projet a avancé dans les cercles des industries militaires, car le 5 mars 2025 Lockheed Martin a fait une annonce parlant du Golden Dome et publiant une vidéo avec le temps d’action. Si la réalité est conforme à cette vidéo, la neutralisation de missiles ennemis se ferait en environ 20 minutes.
Lockheed Martin est une entreprise américaine dans les technologies de défense et l’un des plus grands contractants militaires au monde. Voici une brève liste de leurs produits emblématiques (et participations):
- F-22 Raptor (chasseur furtif)
- F-35 Lightning II (chasseur furtif)
- C-130 Hercules (avion de transport militaire)
- SR-71 Blackbird (avion de reconnaissance)
- Trident II D5 (Missile balistique de sous-marin)
- THAAD (Système anti-missile balistique)
- Aegis Combat System (système de défense embarqué des navires de guerre)
- Orion (vaisseau spatial pour missions lunaires)
Ceci est sans compter les satellites de surveillances, drones militaires, systèmes de combat, lasers, etc. Il est donc possible de croire que Lockheed Martin sera un des acteurs phares de ce projet et que plusieurs équipements déjà en place serviront aussi au Golden Dome. Ce n’est donc pas un projet qui part de zéro avec tout l’équipement à mettre en place. Une base concernant le matériel est déjà présente, ainsi que certaines avancées logicielles.
Le Canada dans l’équation
Point particulièrement intéressant pour nous, Québécois et Canadiens, Trump a explicitement mentionné que notre pays avait manifesté son intérêt pour le projet : « Le Canada nous a appelés, et ils veulent en faire partie. Nous allons donc discuter avec eux. Eux aussi veulent avoir une protectionCanada has called us, and they want to be a part of it. So we’ll be talking to them. They want to have protection also ».
Cette participation canadienne semble déjà en discussion, Trump ayant précisé plus tard dans son allocution : « Et comme je l’ai dit, nous allons discuter avec le Canada. Ils veulent se raccorder au projet et voir s’ils peuvent en faire partie, ce qui, d’une certaine façon, a du sens.And as I said, we’ll be discussing Canada. They want to hook in and they want to see if they can be a part of it and sort of make sense. » Toutefois, fidèle à sa doctrine de partage des coûts avec les alliés, il a ajouté : « mais ils paieront leur juste part.but they’ll pay their fair share. »
Cette intégration potentielle du Canada dans le système de défense américain soulève des questions importantes sur la souveraineté nationale et l’engagement financier que cela pourrait représenter pour Ottawa, d’autant que le gouvernement canadien n’a pas encore fait de déclaration officielle à ce sujet.
Une technologie « super » et exclusivement américaine
L’aspect le plus vanté du « Golden Dome » reste sa technologie prétendument révolutionnaire. Selon Trump, le système sera capable d’intercepter tous types de missiles, « even if they are launched from other sides of the world, and even if they are launched from space. »
L’aspect le plus vanté du « Golden Dome » reste sa technologie prétendument révolutionnaire. Selon Trump, le système sera capable d’intercepter tous types de missiles, « même s’ils sont lancés depuis l’autre bout du monde, et même s’ils sont lancés depuis l’espace.even if they are launched from other sides of the world, and even if they are launched from space. »
Le général Goodline, nommé directeur du programme, a dressé un portrait inquiétant des menaces actuelles, citant les missiles hypersoniques voyageant à 6 000 miles à l’heure, les missiles de croisière capables d’éviter les radars, des missiles balistiques pouvant attaquer les États-Unis en moins d’une heure et des armes spatiales.
Trump n’a pas hésité à comparer son projet au Dôme de Fer israélien, affirmant que la technologie américaine était « encore bien plus avancé que celaeven far advanced from that » avec un taux de réussite « très proche de 100 %very close to 100% ». Plus tard, il a insisté sur l’exclusivité technologique américaine : « Nous sommes les seuls à avoir cela. Nous appelons ça une super-technologie. Personne d’autre ne l’a.We’re the only ones that have this. We call it super technology. Nobody else has it. »
Un projet qui soulève des questions
Si l’annonce de Trump a été présentée comme une victoire pour la sécurité nationale américaine, plusieurs aspects du projet restent à clarifier. Le coût de 175 milliards de dollars soulève des questions sur l’impact budgétaire, alors que les États-Unis font face à une dette nationale record.
Par ailleurs, l’efficacité réelle d’un tel système contre des menaces sophistiquées comme les missiles hypersoniques, que Trump prétend pouvoir intercepter, reste à prouver. Les experts en défense rappellent régulièrement que les tests de systèmes antimissiles en conditions contrôlées sont bien différents des scénarios d’attaque réels.
Pour le Canada, participer à ce projet soulève un dilemme stratégique : s’associer à la puissance militaire américaine sans compromettre son autonomie décisionnelle. De plus, la contribution financière que devrait assumer Ottawa reste encore incertaine.
Une chose est certaine : avec le « Golden Dome », Donald Trump signe un projet à son image – grandiose, coûteux et paré d’or. Reste à voir si cette ambition démesurée se transformera en réalité technologique ou rejoindra le panthéon des promesses politiques non tenues.
