L’administration Trump a finalement cédé aux pressions. Après des jours de controverse et une révolte ouverte de ses propres partisans, Donald Trump a ordonné jeudi soir à la procureure générale Pam Bondi de demander la divulgation des témoignages du grand jury concernant Jeffrey Epstein.
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« Compte tenu de l’attention médiatique ridicule accordée à Jeffrey Epstein, j’ai demandé à la procureure générale Pam Bondi de produire tous les témoignages pertinents du grand jury, sous réserve de l’approbation du tribunal », a déclaré Trump sur Truth Social, qualifiant l’affaire d’« ARNAQUE, perpétuée par les démocrates ».
La réponse de Bondi fut immédiate : « President Trump—we are ready to move the court tomorrow to unseal the grand jury transcripts ». Une promesse qui arrive après des semaines de promesses non tenues et d’explications contradictoires.
President Trump—we are ready to move the court tomorrow to unseal the grand jury transcripts. pic.twitter.com/hOXzdTcYYB
— Attorney General Pamela Bondi (@AGPamBondi) July 18, 2025
La goutte qui a fait déborder le vase
Cette volte-face intervient dans un contexte particulièrement embarrassant pour l’administration. Le Wall Street Journal a publié jeudi les détails d’une lettre d’anniversaire que Trump aurait envoyée à Epstein en 2003, décrite comme contenant « plusieurs lignes de texte dactylographié encadrées par la silhouette d’une femme nue, qui semble avoir été dessinée à la main avec un marqueur épais ».
La lettre se terminerait par « Joyeux anniversaire — et que chaque jour soit un autre merveilleux secret » avec la signature « Donald ». Trump a vigoureusement nié avoir écrit cette lettre, la qualifiant de « factice, malveillante et diffamatoire » et menaçant de poursuivre le journal.
Un mémo dévastateur qui a tout déclenché
Le 7 juillet, le département de la Justice et le FBI avaient publié un mémo de deux pages aux conclusions pour le moins décevantes. Ce document officiel établissait deux constats majeurs :
- « Cet examen systémique n’a révélé aucune « liste de clients » incriminante »
- « Après une enquête approfondie, les enquêteurs du FBI ont conclu que Jeffrey Epstein s’était suicidé dans sa cellule au Metropolitan Correctional Center de New York, le 10 août 2019. »
Ces révélations contredisaient directement les déclarations publiques répétées de Bondi qui, lors d’une interview à Fox News le 21 février, avait affirmé : « Elle est présentement sur mon bureau pour être examinée, » lorsqu’on lui demandait si le département allait publier la liste des clients d’Epstein.
La base trumpiste en révolte
Cette situation a provoqué une rare fracture au sein de la base électorale de Trump. Des personnalités conservatrices influentes, encouragées par des animateurs de talk-shows et des podcasteurs, ont réclamé la démission de Bondi pour avoir échoué à produire les documents promis.
Trump lui-même a exprimé sa frustration envers ses partisans, déclarant : « Je ne veux plus de leur soutien! » en référence à ceux qu’il a qualifiés de « faibles » pour continuer à réclamer plus de documents.
Les défis juridiques qui s’annoncent
La demande de Trump pour la divulgation des témoignages du grand jury représente un défi juridique considérable. Comme l’explique Mitchell Epner, ancien procureur fédéral : « Je travaille dans le domaine des affaires criminelles fédérales depuis plus de 30 ans. Je n’ai jamais vu ça auparavant ».
Les témoignages du grand jury sont généralement confidentiels selon les règles de procédure pénale fédérale, et leur divulgation nécessite l’approbation d’un juge fédéral. Le processus « cela pourrait prendre des semaines, voire des mois de batailles juridiques » et n’est absolument pas garanti.
Ce qui reste dans l’ombre
Un index de preuves révélé en février dresse un portrait troublant de l’étendue des documents non divulgués. Selon cet inventaire, les autorités détiennent toujours :
- 40 ordinateurs et appareils électroniques
- Plus de 300 gigaoctets de données
- Des registres de visiteurs de l’île privée d’Epstein
- Des listes d’employés et des documents de voyage
- Plus de dix mille vidéos et images téléchargées montrant du matériel illégal d’abus sexuel sur des enfants
Le FBI justifie la non-divulgation en arguant qu’« une grande partie » des documents contient des images de victimes et de la pornographie juvénile.
Une approche contradictoire
L’administration Trump semble prise dans ses propres contradictions. D’un côté, elle affirme vouloir la transparence totale, de l’autre, elle refuse de divulguer la majorité des éléments de preuve en sa possession. Cette approche sélective soulève des questions légitimes sur les critères utilisés pour déterminer ce qui mérite d’être révélé.
Le choix de se concentrer uniquement sur les témoignages du grand jury, plutôt que sur l’ensemble des preuves collectées, est particulièrement révélateur. Même si ces documents sont divulgués, il est peu probable que les transcriptions apportent le moindre éclairage sur ce qui fascine tant les théoriciens du complot concernant les connexions d’Epstein avec d’autres figures puissantes.
Une affaire qui pose des questions fondamentales
Cette saga illustre les failles systémiques dans la gestion de dossiers sensibles impliquant des personnalités publiques. Les promesses non tenues, les explications contradictoires et les revirements de dernière minute ne font qu’alimenter la méfiance du public envers les institutions.
La réaction de Trump aux pressions de sa base révèle également une dynamique politique troublante où les décisions de justice semblent influencées par des considérations de relations publiques plutôt que par des impératifs juridiques clairs.
L’avenir incertain des révélations
Même si Bondi obtient l’approbation du tribunal, les documents divulgués pourraient être fortement caviardés pour protéger les victimes et les témoins. Le processus judiciaire pourrait s’étendre sur des mois, laissant planer l’incertitude sur ce qui sera finalement révélé au public.
Cette affaire démontre une fois de plus la complexité des enjeux entourant la transparence gouvernementale, particulièrement lorsque des intérêts politiques, juridiques et médiatiques s’entremêlent dans un dossier aussi sensible que celui d’Epstein.
La véritable question demeure : cette nouvelle promesse de transparence sera-t-elle tenue, ou assistera-t-on à un nouvel épisode de déceptions dans cette saga interminable?