Lundi, juin 30, 2025

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Trump fait plier le Canada en 72 heures : la taxe numérique enterrée

En moins de 72 heures, Ottawa a suspendu l’application de la taxe sur les services numériques sous la pression directe de Washington. Une décision qui empêche les géants du numérique de verser les deux milliards de dollars prévus dès le 30 juin.

Vendredi après-midi, Donald Trump claquait la porte des négociations commerciales avec le Canada. Dimanche soir, Mark Carney rappelait Washington pour annoncer l’abandon complet de la taxe sur les services numériques. Entre les deux : 72 heures de pression maximale qui ont suffi à faire plier Ottawa.

Un ultimatum qui porte ses fruits

Le président américain n’a pas mâché ses mots vendredi. Sur Truth Social, il avait qualifié la taxe canadienne de « coup direct et évident » contre les États-Unis, menaçant d’annoncer dans les sept jours les droits de douane que le Canada devrait payer. Une escalade brutale qui a visiblement porté ses fruits.

Voir aussi: Le Canada déclenche la fureur de Washington

Car cette taxe de 3% sur les revenus numériques n’était pas anodine. Elle visait directement les géants américains Google, Amazon, Meta, Apple et Microsoft, qui auraient dû débourser collectivement plusieurs milliards de dollars américains dès aujourd’hui pour le premier paiement rétroactif. Un montant qui constituait un précédent dangereux aux yeux de Washington.

L’opposition américaine était déjà bien ancrée

L’hostilité américaine à cette taxe ne datait pas de l’arrivée de Trump au pouvoir. Dès août 2024, l’administration Biden avait officiellement contesté la mesure devant un tribunal de l’ALÉNA, arguant qu’elle discriminait contre les entreprises américaines. Vingt et un membres du Congrès américain avaient même écrit une lettre soulignant que les entreprises américaines paieraient 90% des revenus collectés par cette taxe.

Le représentant américain au Commerce (USTR) avait d’ailleurs exprimé une vive opposition à la taxe sur les services numériques dès sa proposition en 2022, faisant valoir qu’elle « ciblait injustement les sociétés américaines » et contrevenait aux accords commerciaux internationaux.

Des négociations ou une capitulation?

Le communiqué officiel précise que l’annulation est motivée par la volonté de faire avancer « des négociations commerciales plus larges » avec les États‑Unis. La réalité semble plus prosaïque : face aux menaces de droits de douane punitifs, le gouvernement Carney a préféré éviter une confrontation commerciale majeure.

L’appel téléphonique crucial entre Carney et Trump dimanche a scellé le sort de la taxe. « Le premier ministre Carney et le président Trump ont convenu que les parties reprennent les négociations en vue de conclure un accord d’ici le 21 juillet 2025 », précise le communiqué gouvernemental.

Le Canada n’était pas seul dans cette démarche

L’ironie de la situation, c’est que le Canada n’innovait pas. L’Autriche, la France, l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, la Turquie et l’Inde sont tous des pays ayant déjà adopté une taxe similaire. La France avait même subi des menaces de droits de douane de 25% sur plusieurs produits lorsqu’elle avait implémenté sa propre taxe numérique.

Une abrogation qui reste à confirmer

Techniquement, la situation demeure floue. Si « les paiements du 30 juin 2025 seront suspendus », la loi existe toujours. Le ministre François-Philippe Champagne « présentera bientôt une mesure législative pour abroger la Loi sur la taxe sur les services numériques », mais cette étape législative n’est pas encore franchie.

Cette nuance juridique laisse théoriquement une porte ouverte à un revirement, même si politiquement, le gouvernement Carney s’est engagé dans un processus difficilement réversible. Revenir sur cette décision compromettrait immédiatement les négociations avec Washington et déclencherait probablement les représailles promises par Trump.

Les critiques fusent

La volte-face canadienne n’a pas manqué de susciter des réactions virulentes. Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie et coprésident de la commission ICRICT – Independent Commission for the Reform of International Corporate Taxation ou, en français, Commission indépendante pour la réforme de la fiscalité internationale des entreprises -, a dénoncé une « agression caractérisée » contre la souveraineté du Canada. Selon lui, cette crise dépasse le cadre strict du commerce : « Il s’agit de savoir si des gouvernements démocratiquement élus peuvent réglementer et taxer de puissantes entreprises, ou si des milliardaires de la tech peuvent dicter des politiques par l’intermédiaire de relais politiques ».

L’ICRICT souligne que cette capitulation canadienne envoie un signal préoccupant. Selon elle, cela illustre une « escalade préoccupante dans la lutte mondiale entre la gouvernance démocratique et le pouvoir incontrôlé des entreprises ».

Pour les géants technologiques américains, c’est une victoire sur toute la ligne. Non seulement ils évitent de débourser 2 milliards de dollars aujourd’hui, mais ils démontrent leur capacité à faire plier un allié des États-Unis en quelques jours seulement.

Le secrétaire au Commerce américain Howard Lutnick a d’ailleurs remercié Ottawa d’avoir abrogé cette taxe, affirmant qu’elle aurait été « un obstacle majeur » à tout accord commercial avec les États-Unis.

L’avenir de la fiscalité numérique en question

Cette affaire complique singulièrement les efforts de l’OCDE pour établir un accord multilatéral sur la fiscalité numérique. Le Canada avait justifié sa taxe par l’échec de ces négociations internationales, expliquant qu' »un accord multilatéral relatif à l’imposition des services numériques a toujours été la priorité et la préférence du Canada ».

Mais son abandon sous la pression américaine affaiblit considérablement la position des autres pays cherchant à taxer les géants technologiques. Il révèle également les limites de la souveraineté fiscale des alliés américains face à la puissance économique de Washington.

Reste à voir si cette capitulation rapide permettra effectivement d’obtenir des contreparties substantielles dans les négociations à venir.

Une chose est certaine : en 72 heures, Donald Trump a démontré que même les alliés les plus proches des États-Unis ne font pas le poids face à la détermination américaine à protéger ses géants technologiques et son économie.

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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