Lundi, juillet 7, 2025

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Legault et Alouette : un contrat énergétique qui soulève des questions

L’aluminerie de Sept-Îles décroche un contrat d’électricité jusqu’en 2045 en échange d’investissements de 1,5 milliard. Une entente qui soulève des questions sur la transparence et l’équité dans la gestion des ressources énergétiques québécoises.

Le 4 juillet 2025, François Legault s’est déplacé à Sept-Îles pour annoncer en grande pompe la prolongation du contrat d’électricité d’Alouette jusqu’en 2045, assortie d’investissements de 1,5 milliard de dollars de la part de l’aluminerie. Une annonce qui soulève des interrogations sur les méthodes du gouvernement caquiste.

Un deal qui tombe à pic

« On s’est entendus pour 20 ans, pour les tarifs d’électricité, jusqu’en 2045, en échange, Alouette s’engage à investir 1,5 milliard de dollars pour moderniser les installations », a déclaré le premier ministre lors de la conférence de presse. Une entente qualifiée de « gagnant-gagnant » par Christine Fréchette, ministre de l’Économie, qui permet selon elle « une gestion judicieuse de notre électricité, tout en lui permettant de renforcer sa compétitivité ».

L’aluminerie emploie 1 000 personnes avec un salaire moyen de 110 000 $ par année. « C’est le double du salaire moyen au Québec », s’est empressé de souligner Legault, visiblement satisfait de pouvoir annoncer de « bonnes nouvelles » selon lui après les déboires récents de son gouvernement.

L’ombre de Northvolt plane

Cette annonce intervient dans un contexte particulièrement sensible pour le gouvernement Legault, encore échaudé par les controverses entourant Northvolt. Le projet de 7 milliards de dollars de l’entreprise suédoise avait soulevé un tollé en raison du manque de transparence dans le processus d’approbation. e gouvernement avait modifié les seuils réglementaires de manière à éviter que le projet soit soumis aux audiences publiques du BAPE, une manœuvre qui avait fait bondir les groupes environnementaux. 

Quand l’électricité se fait rare

L’ironie de cette annonce réside dans le fait qu’elle survient alors que le Québec fait face à une pénurie énergétique croissante. Hydro-Québec a réalisé il y a deux ans que ses projections de demande étaient basées sur des hypothèses erronées. Les surplus énergétiques de la province s’épuiseront d’ici 2027.

Au cours de la dernière année, des projets de développement industriel nécessitant 21 500 mégawatts de puissance ont été rejetés par le ministère de l’Énergie, faute d’approvisionnement suffisant. Dans ce contexte, l’attribution d’un contrat de 20 ans à Alouette, sans appel d’offres apparent, interroge sur l’équité du processus.

Les PME laissées pour compte

Pendant qu’Alouette s’assure un approvisionnement énergétique jusqu’en 2045, les petites et moyennes entreprises québécoises peinent à obtenir l’électricité nécessaire à leur développement. Selon les données gouvernementales, jusqu’à 35 % des entreprises n’ont pas accès à suffisamment d’énergie pour répondre à leurs besoins actuels et sont donc contraintes de freiner leurs investissements et leur expansion.

Les entreprises nécessitant cinq mégawatts ou plus doivent désormais obtenir une approbation ministérielle avant d’entreprendre leurs projets. Cette mesure vise à éviter que les entreprises se lancent dans des développements sans garantie d’approvisionnement énergétique. Des entreprises comme les Forges de Sorel (320 employés) se sont vu refuser l’accès à l’électricité nécessaire pour moderniser leurs équipements.

Cette situation crée une économie à deux vitesses où les grandes entreprises bénéficient d’arrangements privilégiés tandis que les PME, pourtant moteur de l’économie québécoise, se voient refuser l’accès à l’énergie. Une approche qui s’apparente dangereusement à ce que certains observateurs qualifient d’économie de connivence.

Une transparence défaillante

L’entente avec Alouette illustre parfaitement les lacunes en matière de transparence qui caractérisent la gestion énergétique du gouvernement Legault. Contrairement aux appels d’offres publics habituels pour les contrats d’électricité, cette négociation s’est déroulée à huis clos, sans que les détails financiers de l’arrangement soient rendus publics.

Cette opacité contraste avec les réformes introduites par le projet de loi 34 en 2019, qui avait déjà réduit la supervision de la Régie de l’énergie sur les activités d’Hydro-Québec. Une tendance préoccupante qui semble se confirmer avec cette nouvelle entente.

Des investissements qui questionnent

Si les 1,5 milliard d’investissements promis par Alouette sont présentés comme une contrepartie équitable, ils soulèvent néanmoins des questions. Ces investissements, étalés sur 20 ans, servent avant tout les intérêts de l’entreprise en modernisant ses installations pour maintenir sa compétitivité. Il s’agit donc davantage d’une nécessité opérationnelle que d’un véritable cadeau au Québec.

« C’est une entente, c’est une approche gagnant-gagnant qui nous permettra à la société d’État, évidemment, d’avoir accès à plus de revenus quand les marchés sont bons et à sécuriser nos opérations quand les marchés sont moins bons », a expliqué Claude Gosselin, PDG d’Alouette. Une formulation qui laisse entendre que l’entreprise bénéficie d’une protection contre les fluctuations du marché, aux frais des contribuables québécois.

L’exception qui confirme la règle

L’entente Alouette s’inscrit dans une logique plus large de favoritisme envers les grandes entreprises. Alors que le gouvernement Legault multiplie les avantages fiscaux et énergétiques aux multinationales, les PME québécoises doivent se contenter de programmes d’aide limités et bureaucratiques.

Cette approche sélective de la politique économique questionne l’équité du système et la capacité du gouvernement à soutenir l’ensemble du tissu économique québécois de manière équitable.

Un avenir énergétique hypothéqué

En accordant des contrats à long terme sans vision d’ensemble, le gouvernement Legault hypothèque l’avenir énergétique du Québec. Avec des besoins estimés entre 150 et 200 TWh supplémentaires d’ici 2050, chaque mégawatt compte. L’attribution privilégiée de ressources énergétiques à quelques grandes entreprises limite d’autant les possibilités de développement pour l’ensemble de l’économie québécoise.

« La consommation d’énergie des industries et des collectivités du Québec est déjà très élevée, elle est en hausse, et notre approvisionnement actuel n’est pas suffisant pour répondre à la demande », a rapporté l’organisation Équiterre. Dans ce contexte, la gestion opaque des ressources énergétiques par le gouvernement Legault apparaît d’autant plus problématique.

L’annonce du 4 juillet à Sept-Îles, malgré ses aspects positifs pour la région, illustre donc les dérives d’une gouvernance énergétique qui privilégie les arrangements de coulisses aux processus transparents et équitables. Une approche qui risque de compromettre l’avenir énergétique et économique du Québec au profit de quelques privilégiés.

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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