Tout le monde a déjà entendu le nom BlackRock. La plus grande société de gestion d’actifs au monde. Une machine qui détient des parts dans Apple, Microsoft, Amazon, Disney, Tesla et dans des milliers d’entreprises. On a déjà parlé d’elle comme d’une pieuvre invisible. Mais aujourd’hui, elle se fait plus discrète, non parce qu’elle a perdu du pouvoir, mais parce qu’elle en a accumulé tellement qu’il vaut mieux agir en silence. Et c’est précisément ce silence qui devrait inquiéter.
BlackRock n’est pas qu’un gestionnaire financier. C’est une infrastructure parallèle, un acteur qui ne rend de comptes à personne et qui, pourtant, influence directement les gouvernements, les retraites, les infrastructures, et même la culture populaire. Derrière cette machine, un homme : Larry Fink. Pour certains, le véritable président secret des États-Unis. Pour d’autres, l’homme le plus influent de la planète. Et ce qui devrait nous alerter, ici au Québec et au Canada, c’est que cet empire s’est déjà invité dans nos institutions.
Car au-delà des milliards, BlackRock incarne ce que les libéraux classiques dénoncent depuis toujours : le capitalisme de connivence. Un système où les grands acteurs privés prospèrent non pas grâce à la concurrence, mais grâce à la complaisance des États obèses et endettés. Le Québec, englué dans un modèle étatiste qui n’a jamais intégré le vrai capitalisme concurrentiel, devient un terrain de jeu idéal pour ces oligopoles financiers.
De Wall Street à Ottawa : l’ascension d’un empire
Larry Fink n’a pas grandi avec un empire financier dans les mains. Mais il a compris tôt que la finance serait plus puissante que la politique. En 1988, il fonde BlackRock, avec une idée simple : faire de la gestion du risque le cœur de la machine. De là naît Aladdin, un logiciel capable de simuler des milliers de scénarios financiers, de prédire l’impact d’une crise ou d’un changement de taux d’intérêt sur des milliards d’actifs.
Ce logiciel, aujourd’hui utilisé par des banques centrales, des gouvernements et des fonds de pension, donne à BlackRock un avantage inégalé. Plus qu’un gestionnaire, c’est un œil omniscient sur les flux financiers mondiaux. Et dans la crise de 2008, c’est BlackRock que Washington appelle à l’aide. Résultat : la firme sort renforcée, échappe aux régulations imposées aux banques, et devient incontournable.
Au Canada, le rapprochement s’opère rapidement. En 2014, Justin Trudeau et son entourage conçoivent la Banque de l’infrastructure du Canada avec, en coulisses, la participation active de BlackRock. L’objectif officiel est d’attirer les capitaux privés pour financer des infrastructures publiques. En réalité, cela revient à socialiser les risques et privatiser les profits. Exactement le modèle que dénonce le libéralisme classique : l’État obèse qui, incapable de financer ses propres routes ou ses réseaux électriques, cède les clés à un oligopole étranger.
Le Québec, un buffet à ciel ouvert
Pourquoi le Québec est-il particulièrement vulnérable ? Parce qu’il n’a jamais vraiment adopté le capitalisme. Ici, l’État paternaliste domine tout, de l’énergie à l’éducation, en passant par la santé. Cette obsession du contrôle étatique a paradoxalement ouvert un boulevard aux connivences.
La Caisse de dépôt et placement, par exemple, gère les retraites des Québécois. Mais elle s’est déjà aventurée dans des partenariats douteux, comme le projet du REM, qui dépend largement de logiques de connivence et d’ententes politiques opaques. Si demain, Québec est incapable de financer ses infrastructures énergétiques ou de transport, croyez-vous qu’il ira frapper à la porte de PME locales ? Non. Il ira directement vers BlackRock ou un autre mastodonte, qui viendra injecter des milliards contre une concession de 40 ans sur nos routes, nos barrages, nos ports.
C’est exactement ce qui s’est produit en Europe, où des autoroutes, des ports et des réseaux électriques sont passés aux mains d’investisseurs étrangers. Une fois que l’actif est cédé, il n’y a pas de retour en arrière sans payer une fortune. Le Québec, déjà lourdement endetté et prisonnier de son modèle de dépenses publiques, avance droit dans ce piège.
L’hypocrisie de l’ESG et la manipulation culturelle
BlackRock ne se contente pas de contrôler l’argent. Il contrôle aussi les comportements. À travers les fameux critères ESG (environnement, social, gouvernance), la firme impose ses standards aux entreprises dont elle détient des parts. Larry Fink l’a dit lui-même : « Chez BlackRock, nous forçons les comportements. »
En pratique, cela signifie que les grandes plateformes culturelles et technologiques – Netflix, Disney, Apple – orientent leurs productions en fonction de ce que BlackRock veut voir. Les thématiques identitaires, la diversité de façade, les messages politiques glissés dans les films et les séries ne sont pas uniquement le fruit d’une idéologie progressiste. Ils répondent aussi à une logique de conformité ESG. Peu importe si le public n’en veut pas. Peu importe si ces productions échouent commercialement. L’important, c’est de rester dans les bonnes grâces du gestionnaire d’actifs.
Ce mélange d’ingénierie culturelle et de finance verte de façade est une hypocrisie totale. Car dans le même temps, BlackRock investit massivement dans les énergies fossiles. Il se drape d’un vernis écologique pour séduire les régulateurs européens et les ONG, mais continue d’alimenter les industries les plus polluantes. Là encore, c’est du capitalisme de connivence : on vend au public l’idée de sauver la planète, pendant qu’on engrange les profits sur le pétrole et le charbon.
Un capitalisme dévoyé par l’étatisme
Le problème n’est pas l’existence d’une entreprise comme BlackRock. Dans un marché véritablement libre, un géant trop dominant finirait par se heurter à la concurrence, à l’innovation, à la discipline du marché. Mais le système actuel n’a rien d’un marché libre. Il est biaisé par l’interventionnisme permanent des États, qui se présentent comme les gardiens du bien commun mais finissent par livrer leurs infrastructures, leurs retraites et leurs données aux mains d’oligopoles.
Au Québec, l’étatisme n’a pas produit une société plus juste. Il a produit une société dépendante, incapable de financer ses propres ambitions sans s’endetter jusqu’au cou. Et cet endettement chronique ouvre la porte à BlackRock. Car lorsqu’un gouvernement n’a plus d’argent pour rénover son réseau électrique ou moderniser ses infrastructures, il appelle au secours le capital privé. Mais ce n’est pas le capitalisme concurrentiel, c’est un monopole légal concédé à une entreprise étrangère.
Ce qui est vendu comme un partenariat stratégique est en réalité une perte de souveraineté. Pendant 30 ou 40 ans, c’est BlackRock qui décide des tarifs, des investissements, des priorités. Les profits partent à New York. Les contribuables québécois, eux, continuent de payer.
Le spectre de la dépendance
Le danger, c’est la disparition de la souveraineté. Pas seulement politique, mais aussi économique et culturelle. Quand un pays perd le contrôle de ses infrastructures, il perd une partie de sa liberté. Quand ses retraites dépendent des caprices d’un gestionnaire d’actifs, il perd sa sécurité sociale. Quand sa culture est dictée par des actionnaires invisibles, il perd son identité.
Le Québec aime se présenter comme un bastion de solidarité et d’égalité. Mais derrière cette façade, il se prépare à devenir un simple maillon d’une chaîne mondiale contrôlée par des oligopoles. Non pas parce qu’il a embrassé le capitalisme, mais parce qu’il s’y est toujours refusé. En refusant la concurrence, il a créé un État obèse, vulnérable et incapable de défendre ses propres intérêts.
Redevenir souverains
La question n’est pas de savoir si BlackRock est méchant ou pas. La question est de savoir pourquoi nous en sommes arrivés à ce point. Pourquoi le Québec, le Canada, et l’Occident en général ont laissé leurs États grossir jusqu’à devenir obèses, au point de devoir tendre la main aux oligopoles pour financer leurs propres routes et barrages.
Le libéralisme classique offre une réponse : redonner au marché, à la concurrence et aux individus la place qui leur revient. Réduire l’État pour réduire la connivence. Laisser les entrepreneurs locaux bâtir, investir et innover plutôt que d’ouvrir un boulevard aux géants financiers mondiaux.
Car si nous continuons sur cette voie, le futur est déjà écrit. Le Québec ne sera pas maître de son énergie, ni de ses infrastructures, ni même de sa culture. Il sera un locataire dans sa propre maison, payé pour entretenir les profits de BlackRock.
Il est temps d’affronter la réalité : l’État obèse n’est pas notre bouclier, il est notre vulnérabilité. Et tant que nous le nourrirons, nous préparerons le terrain aux oligopoles. La vraie souveraineté ne viendra pas d’un ministère de plus ou d’un fonds public supplémentaire, mais d’un retour au libre marché, à la responsabilité individuelle et à la liberté économique. C’est le seul antidote face à l’emprise de BlackRock.