Mardi, Décembre 2, 2025

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Accord de paix en Ukraine : le plan révisé américain arrive à Moscou

Alors que la guerre en Ukraine approche de sa quatrième année, l’administration Trump intensifie ses efforts diplomatiques pour parvenir à un accord de paix. Les émissaires américains rencontrent ce mardi Vladimir Poutine à Moscou pour présenter une proposition révisée, après des semaines de négociations tendues entre Washington, Kiev et les capitales européennes.

Genèse d’un plan controversé

Le 21 novembre 2025, l’administration Trump a dévoilé un document de paix en 28 points qui a immédiatement suscité une vive controverse. Élaboré lors de négociations secrètes entre l’envoyé spécial américain Steve Witkoff et le négociateur russe Kirill Dmitriev, directeur du Fonds d’investissement direct russe, ce plan initial reflétait largement les positions de Moscou.

Le document prévoyait la cession de la Crimée ainsi que des territoires du Donetsk et du Lougansk à la Russie, avec un gel des lignes de front dans les régions de Kherson et Zaporijjia. Il exigeait également que l’Ukraine réduise ses forces armées à 600 000 militaires, contre environ 880 000 actuellement déployés. L’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN serait interdite et inscrite dans la Constitution ukrainienne, tandis que Moscou obtiendrait une amnistie générale pour toutes les parties impliquées dans le conflit.

D’autres dispositions incluaient la levée des sanctions occidentales contre la Russie, sa réintégration au G8, et la tenue d’élections en Ukraine dans un délai de 100 jours. Le plan prévoyait également que les États-Unis pourraient récolter jusqu’à 50% des profits de la reconstruction ukrainienne en échange de leur contribution financière.

La réaction fut immédiate et sévère. Le sénateur républicain Mitch McConnell, pourtant membre du parti de Trump, qualifia le plan de capitulation comparable à l’abandon de l’Afghanistan par l’administration Biden. Le document fut perçu par de nombreux observateurs comme accordant à la Russie presque tout ce qu’elle réclamait depuis le début du conflit.

Révision à Genève et nouvelle dynamique

Face à l’opposition ukrainienne et aux critiques des alliés européens, une réunion d’urgence s’est tenue à Genève le 23 novembre 2025. Des représentants américains, ukrainiens et européens ont travaillé pendant plusieurs jours pour modifier substantiellement le document, aboutissant à un plan révisé réduit à 19 points.​​

Les modifications apportées sont significatives. La taille de l’armée ukrainienne en temps de paix a été portée à 800 000 hommes, préservant ainsi une capacité de défense plus robuste. Les discussions sur les concessions territoriales ont été reportées après l’établissement d’un cessez-le-feu, plutôt que d’être imposées comme condition préalable. Les clauses concernant l’amnistie pour les crimes de guerre ont été révisées, et la question de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN a été laissée ouverte plutôt qu’explicitement interdite.

Le secrétaire d’État Marco Rubio a qualifié cette version révisée de « la plus productive et significative » depuis le début des négociations. Un responsable américain a même déclaré que « les Ukrainiens ont accepté l’accord. Il reste juste quelques détails mineurs à finaliser, mais ils ont accepté un accord de paix ». Toutefois, cette affirmation optimiste contraste avec la prudence exprimée par Kiev, qui indique que certains points sensibles doivent encore être discutés directement entre les présidents Zelensky et Trump.​​

Mobilisation diplomatique européenne

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a entrepris une tournée diplomatique intensive pour consolider le soutien européen avant la présentation du plan à Moscou. Le 30 novembre 2025, une délégation ukrainienne menée par Rustem Umerov, nouveau chef des négociations qui a remplacé Andriy Yermak démissionnaire, a rencontré des responsables américains en Floride pendant quatre heures. Marco Rubio, Steve Witkoff et Jared Kushner ont participé à ces discussions qualifiées de « productives » mais avec « encore du travail à faire ».

Le lendemain, Zelensky s’est rendu à Paris pour rencontrer Emmanuel Macron à l’Élysée. Lors d’une conférence de presse conjointe, le président français a annoncé avoir « finalisé le travail sur les garanties de sécurité » et a souligné qu’un plan de paix complet ne pouvait être défini « qu’avec les Européens et les Ukrainiens autour de la table ». Macron a insisté sur le fait que l’Europe doit avoir « un siège à la table » des négociations.

Les dirigeants européens ont établi trois principes fondamentaux lors d’une réunion informelle le 24 novembre. Premièrement, le territoire et la souveraineté de l’Ukraine doivent être respectés. Deuxièmement, seule l’Ukraine, en tant que pays souverain, peut prendre des décisions concernant ses forces armées. Troisièmement, le choix de leur destin leur appartient exclusivement. L’Union européenne a également réitéré son engagement à fournir à l’Ukraine tout le soutien nécessaire sur les plans diplomatique, militaire, économique et financier.

La question cruciale des garanties de sécurité

Au-delà du cessez-le-feu immédiat, la question des garanties de sécurité à long terme pour l’Ukraine constitue un enjeu majeur des négociations. Zelensky réclame des engagements inspirés de l’Article 5 de l’OTAN, qui stipule qu’une attaque contre un membre est considérée comme une attaque contre tous. Ces garanties lieraient juridiquement les États signataires à défendre l’Ukraine et devraient être ratifiées par leurs gouvernements respectifs.

Le plan proposé par l’administration Trump prévoit justement ce type de garantie de sécurité collective. Il comprendrait une présence militaire alliée en Ukraine ou à proximité, un soutien robuste en matière de défense aérienne, des livraisons d’armes à long terme, et des mécanismes de surveillance d’un éventuel cessez-le-feu. Selon le document obtenu par Axios, cette garantie serait valide pour une période initiale de dix ans, renouvelable par consentement mutuel, et supervisée par une commission conjointe menée par les partenaires européens avec la participation des États-Unis. Les nations européennes prendraient la tête dans la fourniture de ces garanties, les États-Unis jouant un rôle de soutien.

Les priorités de Kiev dans ce contexte incluent la garantie de l’approvisionnement continu en armes américaines et européennes, le soutien renseignement permanent, et l’augmentation des investissements internationaux dans l’industrie de défense ukrainienne en expansion rapide. L’intégration dans les structures de sécurité européennes existantes sera cruciale, notamment la coordination complète de l’armée ukrainienne avec les partenaires étrangers fournissant les composantes aérienne et navale de toute garantie de sécurité future.

Positions russes et rencontre à Moscou

Ce mardi 2 décembre 2025, Steve Witkoff et Jared Kushner rencontrent Vladimir Poutine à Moscou pour lui présenter la version révisée du plan de paix. Il s’agit de la sixième visite de Witkoff dans la capitale russe depuis janvier. Le Kremlin a confirmé avoir reçu le cadre modifié élaboré à Genève.​

Poutine a déclaré que ces propositions « pourraient servir de base à de futurs accords », tout en précisant qu’il ne s’agissait pas encore d’un accord formel. Le président russe maintient plusieurs exigences fondamentales. La reconnaissance de la souveraineté russe sur les cinq régions qu’il revendique, soit la Crimée, le Donetsk, le Lougansk, Kherson et Zaporijjia. L’interdiction de l’adhésion ukrainienne à l’OTAN. Des limitations sur la taille de l’armée ukrainienne. La protection des russophones et des chrétiens orthodoxes en Ukraine.

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a averti que toute modification significative des ententes initiales entre Poutine et Trump créerait « une situation fondamentalement différente ». Cette déclaration suggère que Moscou pourrait rejeter le plan révisé s’il s’éloigne trop de la version originale qui lui était favorable. Poutine a également menacé que si l’Ukraine refusait un accord, les forces russes continueraient leur avancée et prendraient davantage de territoire ukrainien.

Situation militaire et coût humain

La réalité du terrain continue d’influencer directement les positions de négociation. Les forces russes contrôlent actuellement plus de 19% du territoire ukrainien et ont réalisé leurs avancées les plus rapides en 2025. Selon le projet DeepState, la Russie a saisi environ 90% de territoire en plus en 2025 par rapport à 2024.

Le renseignement britannique évaluait en juin les pertes totales (tués et blessés) russes à environ 1 million de personnes, incluant jusqu’à 250 000 tués. Le Center for Strategic and International Studies basé à Washington fournissait des chiffres comparables, estimant environ 1 million de pertes russes au total, dont 250 000 morts et environ 400 000 gravement blessés. The Economist estimait que les pertes cumulatives pourraient totaliser entre 900 000 et 1,3 million, incluant 190 000 à 350 000 pertes irréversibles.

Marco Rubio a déclaré que la Russie avait perdu environ 100 000 soldats tués dans la première moitié de 2025, tandis que le président Trump a affirmé que plus de 112 000 soldats russes étaient morts depuis janvier, comparé à environ 8 000 morts ukrainiens. Ces chiffres ukrainiens sont toutefois contestés. Selon le projet UALosses, jugé fiable par plusieurs médias indépendants, 79 213 combattants ukrainiens décédés avaient été documentés nominativement au 15 octobre 2025, auxquels s’ajoutent 81 728 disparus au combat, pour un total de 160 941 morts ou disparus.

Les pertes civiles sont également importantes. Au 31 octobre 2025, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme avait recensé 53 006 victimes civiles en Ukraine depuis le 24 février 2022, dont 14 534 tués et 38 472 blessés, tout en précisant que les chiffres réels sont probablement beaucoup plus élevés.

Perspectives et incertitudes

La Maison-Blanche se dit « optimiste » quant à une possible percée. Trump lui-même a publié sur Truth Social après sa rencontre avec Zelensky en octobre qu’« il est temps d’arrêter les tueries et de conclure un ACCORD ! Plus de mort, plus de destruction et plus de dépenses insoutenables d’argent ».

Toutefois, les observateurs soulignent que les négociations restent « délicates et compliquées ». La question territoriale demeure la plus complexe des négociations selon Zelensky. L’Ukraine espère démontrer sa bonne foi en acceptant le cadre révisé, mettant ainsi la pression sur la Russie pour qu’elle clarifie ses intentions.​​

Les experts de Chatham House soulignent que le plan initial de Trump reprenait essentiellement tous les objectifs officiels russes de leur « opération militaire spéciale » et le présentait à Kiev comme un plan de paix américain. Selon leur analyse, ce document ressemblait davantage à une demande de capitulation, imposant des limites à la souveraineté ukrainienne et exigeant la cession de territoires du Donbas que la Russie n’a pas réussi à conquérir militairement. CNN note que le moment choisi par Trump semblait opportuniste, profitant d’une période de vulnérabilité pour Zelensky confronté à un scandale de corruption et aux gains russes sur le terrain. Les analystes de Chatham House estiment également que Poutine joue la montre, cherchant notamment à retarder l’application de sanctions pétrolières.

L’issue de la rencontre à Moscou de ce mardi pourrait déterminer si ce processus diplomatique mène à une véritable percée ou s’enlise dans de nouvelles impasses. Pour l’instant, toutes les parties affirment leur volonté de parvenir à un accord, mais les écarts substantiels entre leurs positions respectives suggèrent que le chemin vers la paix reste semé d’embûches.

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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