IAN SÉNÉCHAL | La mise à jour économique déposée récemment par le ministre des Finances de la CAQ, Éric Girard, a suscité une pluie de critiques venant de tous les horizons politiques et économiques. Si le ministre tente de maintenir un déficit de 11 milliards tout en procédant à des coupes budgétaires, il fait face à des accusations d’irresponsabilité financière et de manipulation des chiffres. Le malaise est partagé, mais les angles d’attaque divergent selon les observateurs.
Pour Adrien Pouliot, porte-parole en matière d’économie pour le Parti conservateur du Québec (PCQ), les chiffres avancés par Éric Girard relèvent de la pure fiction. « Depuis son arrivée, il a systématiquement échoué à produire des prévisions budgétaires réalistes. Le déficit prévu pour 2023-2024 devait initialement être de 4 milliards, puis il est passé à 6,3 milliards, avant d’être révisé à 7,5 milliards et finalement à 8 milliards. Aujourd’hui, il prévoit un déficit de 11 milliards pour l’année prochaine, mais peut-on vraiment le croire quand il s’est trompé de 366 % en seulement quelques mois? », s’insurge Pouliot. Ce dernier déplore également l’augmentation des dépenses de l’État, qui dépassent largement le rythme de l’inflation, tout en forçant les Québécois à se serrer la ceinture. « On utilise des fonds d’urgence pour masquer l’incompétence budgétaire du ministre. Ce n’est pas un imprévu, c’est une gestion déplorable. »
Ian Sénéchal, podcaster pour l’émission Ian & Frank, va plus loin en qualifiant la gestion budgétaire de catastrophique. Il rappelle que les dépenses réelles de l’État dépassent systématiquement les prévisions. « Cette année, le gouvernement devait dépenser 157,6 milliards. Finalement, ce sera 160,6 milliards. Une erreur de 3 milliards! Et ce n’est rien comparé à 2020, où les prévisions tablaient sur 132,1 milliards de dépenses pour cette année. Cela représente une erreur monumentale de 28,5 milliards! » Selon Sénéchal, la situation actuelle est une démonstration claire que l’État québécois a perdu tout contrôle sur ses finances publiques. « Ce n’est pas une question d’austérité, c’est une explosion des dépenses mal gérées. Alors que les syndicats parlent de retour à l’austérité, la réalité est tout autre : le gouvernement dépense sans compter, et les services publics ne voient pas la couleur de cet argent. »
De son côté, Frédéric Beauchemin, porte-parole du Parti libéral en matière de finances, accuse Éric Girard de maquiller les chiffres pour maintenir une illusion de contrôle. « Le ministre gonfle les revenus anticipés de l’État pour donner l’impression que son déficit de 11 milliards est sous contrôle. En réalité, il procède à des coupes massives dans des secteurs essentiels comme la francisation et les programmes aux PME, tout en augmentant les dépenses globales. C’est irresponsable et incohérent. » Beauchemin souligne également que les prévisions économiques du ministre manquent de crédibilité. « Il anticipe une croissance économique doublée dans les mois à venir, alors que tout indique un ralentissement. »
Ce qui est lunaire, ce sont les syndicats qui affirment que c’est le retour à l’austérité, notamment, Caroline Senneville, présidente de la CSN : « Avec le retour des compressions budgétaires, on voit bien que le cycle de l’austérité est reparti. S’il reste 10 milliards pour le 3e lien et des milliards pour une Northvolt en dérive, les coupes budgétaires sont tout ce que le gouvernement réserve pour nos services publics. »
Les critiques, qu’elles viennent de la droite, du centre ou du milieu entrepreneurial, convergent vers un constat alarmant : la CAQ et son ministre des Finances ont perdu le contrôle. Chose sûre, cette gestion désastreuse risque de laisser des traces profondes dans l’économie québécoise.