Le sommet du G7 2025 à Kananaskis s’est achevé avec un bilan mitigé : des engagements financiers substantiels, mais aussi des compromis qui soulèvent des questions sur la véritable influence du Canada sur la scène internationale.
Un Agenda recentré sur l’Essentiel
Les Trois Piliers stratégiques
Le premier ministre Mark Carney a structuré ce G7 autour de trois missions principales qui reflètent les préoccupations contemporaines des démocraties occidentales. Protéger nos communautés et le monde constituait le premier axe, englobant le renforcement de la paix internationale, la lutte contre l’ingérence étrangère et l’amélioration des réponses conjointes aux feux de forêt.
Le deuxième pilier, construire la sécurité énergétique et accélérer la transition numérique, témoigne d’une approche résolument tournée vers l’avenir. Les discussions ont porté sur la fortification des chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques, l’adoption de l’intelligence artificielle et la collaboration sur l’innovation quantique. Cette orientation technologique marque une évolution notable par rapport aux sommets précédents, souvent enlisés dans des débats idéologiques.
Le troisième axe, sécuriser les partenariats du futur, visait à catalyser les investissements privés pour construire des infrastructures plus solides. Cette approche reflète une compréhension des limites de l’action publique dans un contexte de contraintes budgétaires.
Déclarations communes concrètes
Le G7 a adopté des déclarations dans six domaines spécifiques : garantir des chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques, adopter et partager l’intelligence artificielle, collaborer à l’innovation quantique, prévenir et lutter contre les feux de forêt, contrer l’ingérence étrangère et lutter contre la criminalité transnationale. Cette liste, bien que moins exhaustive que lors des sommets précédents, témoigne d’une volonté de se concentrer sur des enjeux où un consensus réel était possible.
Géopolitique : Entre Pragmatisme et Tensions
L’Ukraine au Cœur des Préoccupations
La guerre en Ukraine a dominé les discussions géopolitiques, avec la présence remarquée du président Zelensky comme invité spécial. Le Canada a annoncé un package d’aide substantiel : 2 milliards de dollars d’aide militaire supplémentaire, 2,3 milliards de dollars de prêt via le mécanisme du G7, et 57,4 millions de dollars pour des initiatives de sécurité.
Tensions commerciales et diplomatiques
Les tarifs douaniers imposés par l’administration Trump ont créé des frictions palpables entre alliés. Les analystes prédisaient des « discussions corsées » concernant les dommages économiques causés par ces mesures protectionnistes. Cette tension a illustré la difficulté de maintenir l’unité occidentale face aux politiques unilatérales américaines.
Le conflit récent entre Israël et l’Iran a également pesé sur les discussions, créant une atmosphère géopolitique particulièrement tendue qui a influencé le déroulement même du sommet.
Événements non prévus : Quand la Diplomatie Déraille
Le Départ anticipé de Trump
L’événement le plus marquant du sommet reste le départ anticipé du président Trump, motivé par l’escalade du conflit israélo-iranien. Ce départ a privé plusieurs dirigeants, notamment le président Zelensky et le nouveau dirigeant sud-coréen, d’occasions diplomatiques cruciales. Cette situation illustre la fragilité des mécanismes diplomatiques multilatéraux face aux crises géopolitiques.
Accord commercial surprise
Un accord commercial inattendu entre les États-Unis et le Royaume-Uni a été conclu pendant le sommet, permettant aux Britanniques d’échapper temporairement aux tarifs réciproques, le temps de conclure un accord complet. Cette entente surprise a donné de l’espoir aux autres nations du G7, tout en illustrant l’approche transactionnelle de l’administration Trump.
Incident de Sécurité aérienne
L’interception par le NORAD d’un aéronef ayant violé les restrictions de l’espace aérien a rappelé les défis sécuritaires liés à l’organisation de tels événements. Cet incident, bien que maîtrisé, témoigne de l’environnement complexe dans lequel évoluent désormais les sommets internationaux.
Un Portefeuille d’Engagements impressionnant
Le Canada a déployé un arsenal financier considérable : 391,3 millions de dollars pour catalyser des capitaux privés, 185,6 millions pour l’adoption de l’intelligence artificielle, 120,4 millions pour la lutte contre les feux de forêt, 80,3 millions pour les chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques, et 544 millions en garanties pour l’Amérique latine et les Caraïbes.
Ces montants, bien qu’impressionnants sur le papier, soulèvent des questions sur leur efficacité réelle. L’approche privilégiant les « capitaux privés » et les « garanties » reflète une logique où l’État joue davantage un rôle de facilitateur que d’investisseur direct. Cette stratégie mise sur l’effet de levier pour multiplier l’impact des fonds publics.
L’ampleur des engagements financiers canadiens suscite des interrogations légitimes. S’agit-il d’une stratégie réfléchie pour renforcer l’influence canadienne, ou d’une tentative de compenser par la générosité financière ce qui manque en leadership politique? La multiplication des annonces suggère une approche où la visibilité médiatique prime parfois sur l’efficacité opérationnelle.
Le Canada Post-Trudeau : Continuité dans le Changement?
Un Héritage diplomatique ambivalent
Le gouvernement Carney hérite d’un capital diplomatique canadien ébranlé par les années Trudeau. Malgré le changement de premier ministre, la continuité libérale soulève des questions sur la capacité réelle de renouvellement de l’approche canadienne.
L’approche pragmatique adoptée à Kananaskis témoigne d’une reconnaissance implicite des limites de l’influence canadienne dans un monde multipolaire.
Réhabilitation ou Adaptation forcée?
L’agenda volontairement restreint du G7 2025 peut être interprété de deux façons : soit comme une adaptation intelligente aux réalités géopolitiques, soit comme un aveu d’impuissance face aux positions américaines. La décision d’écarter les sujets « progressistes » chers au gouvernement libéral précédent suggère une forme de réalisme politique.
Conclusion : Un Pari sur l’Avenir
Le G7 2025 de Kananaskis restera dans l’histoire comme un sommet de transition, marqué par une approche résolument pragmatique, mais non dénuée de risques. En privilégiant l’efficacité sur l’idéologie, le Canada de Carney fait le pari que la diplomatie du XXIe siècle exige plus de flexibilité et moins de postures moralisatrices.
Reste à voir si cette stratégie permettra réellement au Canada de retrouver son influence internationale ou si elle ne constitue qu’un habillage sophistiqué d’une influence déclinante. Les prochains mois seront déterminants pour évaluer si le pragmatisme affiché à Kananaskis se traduira par des gains concrets pour les intérêts canadiens sur la scène mondiale.
Liste de sujets écartés du G7 2025
- Aucun communiqué final commun (désaccords majeurs, surtout avec les États-Unis)
- Pas de déclaration G7 sur l’Ukraine (refus américain d’une position ferme)
- Tarifs douaniers américains : aucun débat officiel (refus de Washington)
- Réforme de l’OMC : sujet évacué du programme
- Action climatique structurée : pas de déclaration ambitieuse (volonté d’un sommet non conflictuel)
- Biodiversité : sujet totalement ignoré
- Égalité des genres : aucun engagement, sujet absent des documents finaux
- Inclusion de nouveaux membres (G8+, G11) : idée bloquée par USA et Japon
- Texte structuré sur Gaza/Israël : aucun plan concret, simple appel au cessez-le-feu
- Déclaration publique sur la Chine : évitée pour ne pas froisser Pékin
- Crypto-monnaie chinoise (yuan numérique) : retirée à la demande de l’Allemagne
- Taxe GAFA/fiscalité numérique mondiale : retirée dès le printemps
- Régulation de l’intelligence artificielle : aucun cadre légal adopté
- Surveillance des plateformes numériques : évitée, trop sensible avant les élections US
- Dialogue avec les BRICS : complètement absent
- Financement des infrastructures africaines : sujet ignoré
- Allègement de la dette du Sud global : aucune mention
- Droits LGBTQ+ à l’international : supprimés des versions finales
- Protocole sanitaire post-COVID : écarté, jugé clos politiquement
- Réforme du FMI et de la Banque mondiale : proposition rejetée par USA
- Plan d’action sur la migration africaine : aucune initiative prise