Dans un contexte de tensions commerciales croissantes entre les États-Unis et la Chine, le yuan chinois a atteint son plus bas niveau depuis 2007, alors que les tarifs américains sur les produits chinois ont grimpé à des niveaux sans précédent. Cette escalade commerciale menace non seulement les deux plus grandes économies mondiales, mais risque également de perturber l’ensemble du commerce international.
La montée vertigineuse des tarifs
L’administration Trump a récemment imposé des tarifs douaniers atteignant 145 % sur les importations chinoises. En réponse, Pékin a riposté en augmentant ses propres droits de douane sur les produits américains à 125 %. Cette escalade marque une intensification significative du conflit commercial entre les deux puissances.
« Même si les États-Unis persistent à augmenter les tarifs, de telles actions finiront par manquer de logique économique et seront considérées comme une farce dans l’histoire de l’économie mondiale, » a déclaré le ministère chinois des Finances dans un communiqué.
Le ministère a également souligné qu’« aux niveaux tarifaires actuels, il n’existe effectivement plus de marché pour les importations américaines en Chine, » avertissant que « si le gouvernement américain continue d’augmenter les tarifs, Pékin choisira de les ignorer ».
Une pause sélective pour certains pays et produits
Contrairement à la Chine, la plupart des autres nations ont bénéficié d’un répit temporaire. Trump a annoncé une pause de 90 jours sur les tarifs pour la majorité des pays, à l’exception notable de la Chine. Durant cette période, ces nations ne seront soumises qu’à un tarif général de 10 %.
Dans un développement intéressant, l’administration Trump a également exempté certains produits technologiques des nouveaux tarifs, notamment les smartphones et les ordinateurs. Cette décision fait suite aux préoccupations des entreprises technologiques américaines concernant de potentielles hausses de prix pour les appareils électroniques, dont la plupart sont fabriqués en Chine.
Le yuan en chute libre : stratégie ou conséquence ?
Le yuan chinois a chuté à son niveau le plus bas depuis plus de 17 ans, l’offshore yuan atteignant un plancher historique de 7,428 8. Alors que jeudi, le yuan domestique a baissé à 7,350 9 face au dollar américain. Cette dépréciation soulève des questions sur la stratégie de Pékin face aux tarifs américains.
Contrairement aux attentes, les analystes estiment que la Chine n’utilisera probablement pas une dévaluation délibérée du yuan comme arme dans ce conflit commercial. Sur 11 analystes interrogés par CNBC, la majorité ne prévoit pas un affaiblissement significatif de la monnaie, mais plutôt une dépréciation graduelle orchestrée par la Banque populaire de Chine (BPC).
« La dévaluation du RMB (Renminbi) ne fera pas partie des mesures de la Chine contre les tarifs américains, » a affirmé Joey Chew, responsable des changes asiatiques chez HSBC. « En réalité, une dépréciation rapide pourrait miner la confiance des consommateurs et provoquer une fuite des capitaux, » a-t-elle ajouté.
Conséquences économiques pour la Chine et sa population
Selon Capital Economics, les exportations chinoises vers les États-Unis pourraient diminuer de plus de moitié dans les années à venir en raison des tarifs américains et cette situation pourrait réduire le PIB de la Chine de 1,0 à 1,5 %, en fonction du volume d’exportations qui seront réorientées vers d’autres pays.
Pour les citoyens chinois ordinaires, cette guerre commerciale pourrait entraîner une baisse de la croissance économique et potentiellement des pertes d’emplois dans le secteur des exportations. Pour les plus fortunés, une dévaluation rapide du yuan pourrait déclencher une fuite des capitaux, comme ce fut le cas en 2015 lorsque près de 700 milliards de dollars ont quitté le pays.
« La dévaluation n’est plus une stratégie commerciale viable, » a remarqué Dan Wang, Directrice chez Eurasia Group, qui a souligné que de telles actions reviendraient à « provoquer une crise financière ».
La riposte chinoise : diversification et nouvelles alliances
Face à ces défis, la Chine semble adopter une stratégie à plusieurs volets. D’une part, le ministère des Affaires étrangères chinois a annoncé que le pays cherche à élargir son réseau de partenariats et à renforcer son attrait pour les investissements.
« Face aux défis extérieurs, la Chine entend privilégier la collaboration plutôt que la confrontation, » a déclaré Lin Jian, porte-parole du ministère, lors d’une conférence de presse mardi.
La Chine dispose également d’un levier potentiel avec ses 760 milliards de dollars de dette américaine, ce qui en fait le deuxième plus grand détenteur de bons du Trésor américain après le Japon. Théoriquement, Pékin pourrait utiliser ces avoirs comme arme en les vendant à prix réduit, ce qui entraînerait une dépréciation du dollar américain.
Impact sur le libre-échange nord-américain
Bien que les tarifs actuels ciblent principalement la Chine, les répercussions sur le commerce nord-américain pourraient être significatives. Les chaînes d’approvisionnement intégrées signifient que de nombreux produits traversent plusieurs frontières avant d’atteindre leur destination finale.
La hausse des coûts des composants chinois pourrait affecter la compétitivité des produits fabriqués en Amérique du Nord, tandis que la réorientation des flux commerciaux pourrait perturber les équilibres établis dans le cadre de l’ACEUM (Accord Canada–États-Unis–Mexique).
Vers un monde commercial bipolaire ?
L’escalade des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine pourrait accélérer la formation de deux blocs économiques distincts. La Chine semble déjà renforcer ses liens avec d’autres partenaires commerciaux, notamment dans le cadre de son initiative « Nouvelle route de la soie ».
Le ministère chinois des Finances a déclaré qu’avec les tarifs sur les produits américains atteignant 125 %, il cessera de s’aligner sur toute augmentation future des droits imposés par Washington, qu’il a qualifiée de « plaisanterie ».
Cette situation soulève des questions fondamentales sur l’avenir du commerce mondial. Les principes de libre-échange qui ont dominé l’économie internationale depuis des décennies sont-ils en train de céder la place à un système plus fragmenté et protectionniste ?
Alors que les deux géants économiques continuent leur bras de fer, le reste du monde observe avec inquiétude, conscient que les ondes de choc de ce conflit commercial se feront sentir bien au-delà des frontières américaines et chinoises.
