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Vendredi, mai 23, 2025

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La CAQ abandonne les soins d’urgence

Suite au projet de loi 100, au Québec, une urgence hospitalière pourrait légalement fermer ses portes sans qu’aucun service minimal ne soit assuré.
C’est la conséquence directe, mais passée sous silence, du Projet de loi 100, actuellement en voie d’adoption.

En abrogeant la Loi sur le maintien des services essentiels dans le secteur de la santé et des services sociaux, et en modifiant les règles entourant le droit de grève, le gouvernement du Québec expose désormais la population à un risque inédit : celui de ne plus avoir accès aux soins urgents lors d’un conflit de travail (une grève).

Une rupture historique avec la tradition de protection de la santé publique.

Avant : des soins garantis même en cas de grève

Depuis près de 40 ans, même au cœur des pires conflits syndicaux, les Québécois avaient l’assurance que leurs urgences, unités de soins intensifs et CHSLD maintiendraient des services essentiels.
La Loi sur le maintien des services essentiels dans le secteur de la santé et des services sociaux (M-1.1) imposait une négociation préalable obligatoire pour assurer un niveau minimal de soins, sous la surveillance du Tribunal administratif du travail (TAT).

En clair : personne ne devait mourir faute de soins pendant une grève.

Après : plus aucune obligation légale

Le Projet de loi 100 change radicalement la donne.
Désormais, si la loi est adoptée telle quelle :

  • Seul un préavis de grève de sept jours francs est exigé,
  • Aucune négociation préalable de services essentiels n’est imposée,
  • Le TAT n’interviendra qu’en réaction à une plainte et à des atteintes graves constatées, pas en prévention.

En d’autres mots : une grève pourrait paralyser totalement une urgence, et aucun soin ne serait légalement garanti tant qu’une crise grave n’est pas officiellement constatée. Ainsi, lors d’une grève :

  • Une urgence pourrait fermer ses portes entièrement,
  • Les soins intensifs pourraient être abandonnés sans cadre obligatoire,
  • Les patients, même dans des états critiques, pourraient se retrouver sans accès immédiat aux soins.

Les conséquences humaines possibles

Dans un Québec où plusieurs hôpitaux régionaux desservent des territoires immenses, la fermeture temporaire d’une seule urgence pourrait être dramatique :

  • Patients cardiaques laissés sans intervention,
  • Victimes d’accidents de la route sans triage immédiat,
  • Femmes enceintes privées de soins d’urgence en travail,
  • Personnes âgées en CHSLD sans possibilité de transfert hospitalier.

À titre d’exemple :

  • En Gaspésie, où certains centres hospitaliers sont déjà à flux tendu,
  • En Abitibi-Témiscamingue, où l’accès aux soins spécialisés est limité,
  • Dans les Laurentides ou en Outaouais, où les distances augmentent les délais d’intervention.

Et pendant ce temps, aucun outil préventif n’obligerait les grévistes ou le gouvernement à assurer la continuité des soins.

L’absence de service minimal garanti pourrait se traduire par des décès évitables.

Ce que dit (et ne dit pas) le gouvernement

Le ministre responsable, Sonia LeBel, a affirmé lors du dépôt du projet :

Le Conseil du trésor affirme que le projet de loi vise à moderniser les mécanismes de négociation collective et à mieux coordonner les conventions dans le secteur public afin de répondre aux enjeux financiers actuels.

Cependant, aucune mention explicite n’est faite quant à la disparition de l’obligation de maintenir des services d’urgence pendant une grève.

Le gouvernement évoque la possibilité d’intervenir par décret en cas de « menace grave », mais uniquement après que les conséquences se soient matérialisées.

Les intentions du gouvernement?

Le gouvernement multiplie les changements : abolition des services essentiels en santé avec le projet de loi 100, réforme de la négociation collective avec le projet de loi 89, et bouleversements récents liés à Santé Québec avec le projet de loi 15. Youri Chassin, député de Saint-Jérôme, déplore que malgré cette multiplication des projets de loi, les intentions réelles du gouvernement restent difficiles à saisir :

« En ce qui a trait aux moyens de pression en santé et services sociaux, les intentions du gouvernement sont loin d’être évidentes lorsqu’on regarde ce projet de loi. Ce n’est pas plus simple à comprendre en examinant les changements du projet de loi 89 sur les grèves ou ceux du projet de loi 15 sur Santé Québec. »

Il critique aussi le manque d’accès à l’information parlementaire :

« Comment se fait-il que l’information soit si difficile à obtenir sur le fond des choses? En 2025, à l’heure des données ouvertes, pourquoi les députés n’ont-ils pas plus de renseignements pertinents pour faire leur travail? C’était une demande de la réforme parlementaire que le gouvernement a malheureusement abandonnée. »

Les risques ignorés

Actuellement, aucune prise de position officielle n’a été publiée par les principales associations médicales québécoises au sujet du projet de loi 100.
Cependant, dans ses lignes directrices, l’Association canadienne des médecins d’urgence (ACMU) souligne que :

Des soins d’urgence accessibles sont essentiels pour garantir la santé et la sécurité de la population.

Source : Association canadienne des médecins d’urgence, « Position Statement on Access to Emergency Care », 2022

Ainsi, même en dehors du contexte québécois spécifique, les normes internationales recommandent toujours de garantir l’accès aux soins critiques, même en situation exceptionnelle.

Le retrait du régime préventif existant pourrait rendre les services d’urgence extrêmement vulnérables, surtout si une grève prolongée devait éclater.

Conclusion

Avec le Projet de loi 100, le droit de grève dans le secteur public n’est plus balancé par l’obligation de protéger immédiatement la vie et la santé.

Le Québec s’apprête ainsi à franchir une ligne rouge sans véritable débat public : celle où l’accès aux soins d’urgence devient incertain, au nom de l’efficacité administrative.

À l’ère des réformes en cascade, c’est la sécurité des citoyens qui pourrait être la prochaine victime silencieuse.

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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