Et si nous pouvions générer de l’électricité en utilisant la rotation de la Terre? Cette idée, qui semblait irréalisable, vient d’être testée avec succès par une équipe de physiciens de l’Université de Princeton, du Jet Propulsion Laboratory du California Institute of Technology et de Spectral Sensor Solutions. Leur expérience, publiée le 19 mars 2025 dans Physical Review Research, montre qu’il est possible de produire une petite quantité d’électricité à partir de la rotation terrestre, ouvrant la voie à de nouvelles perspectives énergétiques.
Une idée audacieuse longtemps jugée impossible
La Terre tourne à environ 350 mètres par seconde à des latitudes comme celle de Princeton, dans le New Jersey, où l’expérience a été menée. Elle est également entourée d’un champ magnétique généré par le mouvement du fer fondu dans son noyau. L’idée était de voir si ce mouvement à travers le champ magnétique pouvait produire de l’électricité, un peu comme une dynamo géante.
Pendant longtemps, les scientifiques ont pensé que cela ne pouvait pas fonctionner. En théorie, lorsqu’un conducteur traverse un champ magnétique, les électrons qu’il contient se réorganisent pour annuler toute tension générée, rendant impossible la capture d’électricité. Mais les chercheurs, dirigés par Christopher Chyba, avec Kevin Hand et Thomas Chyba, ont exploré une question : et si cette annulation pouvait être évitée? Leur expérience a cherché à vérifier cette hypothèse.
Une expérience minutieusement conçue
Pour tester leur idée, l’équipe a construit un dispositif particulier : un cylindre creux de 30 centimètres de long et 2 centimètres de large, fabriqué en ferrite de manganèse-zinc, un matériau à faible conductivité et capable de bloquer les champs magnétiques. Le cylindre a été orienté à un angle précis de 57 degrés, perpendiculaire à la fois à la rotation de la Terre et à son champ magnétique. Des électrodes placées aux extrémités du cylindre ont mesuré toute tension produite. Pour éviter toute interférence, l’expérience s’est déroulée dans l’obscurité totale et les chercheurs ont contrôlé des facteurs comme les variations de température.
Les résultats ont été surprenants : une tension de 18 microvolts, soit un millionième de volt, a été détectée. En modifiant l’orientation du cylindre ou en utilisant d’autres matériaux, cette tension disparaissait, confirmant que l’électricité provenait bien de l’interaction entre la rotation terrestre et son champ magnétique. Comme l’explique Christopher Chyba, cette énergie provient de l’énergie rotationnelle de la Terre, une ressource réelle et non une illusion.
Une découverte prometteuse, mais encore limitée
Produire 18 microvolts est loin de suffire pour alimenter un appareil, mais cette expérience est une première étape importante. Elle prouve qu’une idée considérée comme irréalisable est en réalité possible. Cela pourrait ouvrir la porte à une nouvelle source d’énergie renouvelable, fonctionnant jour et nuit, indépendamment des conditions météorologiques, contrairement aux énergies solaire ou éolienne.
Cependant, des défis subsistent. D’autres équipes doivent reproduire l’expérience pour confirmer les résultats. Certains experts, comme Yong Zhu de l’Université Griffith, soulignent que de petites tensions peuvent provenir de sources imprévues, comme des effets électriques parasites. Il faudra des tests supplémentaires pour écarter ces possibilités. D’autres, comme le physicien Carlo Rovelli, trouvent l’idée intrigante et méritant d’être explorée davantage.
Vers une nouvelle source d’énergie ?
Cette découverte n’en est qu’à ses débuts. Si elle est confirmée, les prochaines étapes consisteront à améliorer le dispositif pour produire plus d’électricité, peut-être en utilisant des cylindres plus grands ou en les combinant en grand nombre. À terme, cela pourrait mener à une nouvelle façon de produire de l’énergie, exploitant une ressource naturelle jusqu’alors inutilisée.
Pour l’instant, cette expérience est une preuve de concept fascinante. Elle montre que la science peut repousser les limites de ce que nous croyons possible. Dans les années à venir, cette petite tension de 18 microvolts pourrait marquer le début d’une révolution énergétique, alimentée par la rotation même de notre planète.