La ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, a déposé le 23 avril 2025 à l’Assemblée nationale le projet de loi n° 97 visant à moderniser le régime forestier québécois. Cette réforme, attendue depuis longtemps par l’industrie, promet de transformer en profondeur la gestion des forêts publiques du Québec en créant un cadre plus souple et prévisible pour les entreprises forestières.
Une industrie sous pression
Cette réforme intervient dans un contexte économique difficile pour l’industrie forestière québécoise. La filière, qui génère des retombées dans plus de 900 municipalités et représente environ 57 000 emplois, fait face à de nombreux défis : menaces américaines d’imposition de tarifs, droits compensateurs de 14,54 % sur les exportations vers les États-Unis et conditions de marché difficiles.
« Avec la menace de tarifs additionnels, le nouveau régime forestier doit plus que jamais fournir à nos entreprises forestières tous les leviers nécessaires pour renforcer l’industrie et permettre aux entreprises de contribuer au développement économique régional », a souligné la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ).
Des innovations structurelles
Le projet de loi 97 introduit plusieurs changements majeurs dans la gouvernance forestière :
- Création de la fonction d’aménagiste forestier régional, qui veillera à ce que les réalités locales soient prises en compte en amont des décisions de planification
- Allongement de l’horizon des plans d’aménagement forestier à 10 ans pour plus de prévisibilité
- Transfert de certaines responsabilités, comme le reboisement, aux titulaires de licences
- Meilleure gestion de l’entretien et de la réfection des chemins multiusages, avec une application plus rigoureuse du principe de l’utilisateur-payeur
Un zonage forestier qui fait des vagues
Au cœur de cette réforme se trouve un nouveau système de zonage qui divisera le territoire forestier public en trois catégories distinctes : les zones d’aménagement forestier prioritaire, les zones à usages multiples et les zones de conservation. Cette approche vise à simplifier la planification et à offrir une plus grande prévisibilité aux acteurs de l’industrie.
Ce nouveau zonage, conçu pour sécuriser l’approvisionnement industriel, suscite certaines inquiétudes de la part d’autres usagers du territoire. Dans les zones d’aménagement forestier prioritaire, rien ne pourra nuire aux activités de l’industrie forestière. Les pourvoiries, chalets et zones d’exploitation contrôlée (ZEC) y seront interdits. La ministre Blanchette Vézina a précisé que les chasseurs pourraient partiellement avoir accès à ces zones, mais seulement entre les saisons des coupes de bois.
La Fédération des pourvoiries du Québec a exprimé son désaccord avec certaines dispositions du projet de loi. « Nous dénonçons une réforme déséquilibrée, qui accorde toute la priorité à l’approvisionnement industriel, au détriment des autres vocations du territoire. Le silence de la loi 97 à propos des pourvoiries n’est pas un oubli technique : c’est un recul historique », a déclaré Dominic Dugré, directeur général de la fédération.
Des inquiétudes environnementales
La Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec) a exprimé de vives préoccupations concernant les impacts potentiels de cette réforme sur la conservation. L’organisation dénonce notamment l’interdiction de créer des aires protégées sur une grande partie du territoire et la possibilité de récolter du bois dans des zones de conservation.
« Le nouveau régime forestier proposé nous ramène à une époque où l’industrie forestière était maître chez nous et pourrait sérieusement compromettre les objectifs de protection du territoire s’il est adopté ainsi », a déclaré Alain Branchaud, directeur général de la SNAP Québec.
Des appuis municipaux encourageants
L’Union des municipalités du Québec (UMQ) a accueilli favorablement le dépôt du projet de loi, soulignant que plusieurs de ses demandes ont été entendues. « La forêt constitue un levier économique fondamental pour le Québec. Qu’il s’agisse de la biomasse, essentielle à notre transition énergétique, ou du bois d’œuvre, pilier de l’industrie de la construction, elle joue un rôle central dans la vitalité et l’autonomie de nos communautés. Plus qu’une ressource naturelle, la forêt est un moteur de développement durable et un secteur stratégique pour l’avenir de nos régions », a affirmé Benoit Lauzon, président du comité sur la forêt de l’UMQ et maire de Thurso.
La ministre Blanchette Vézina défend son projet comme l’aboutissement d’une longue démarche de réflexion avec les partenaires. « La modernisation du régime forestier est essentielle pour assurer la pérennité de la filière forestière partout au Québec et protéger les communautés qui en dépendent. Il nous faut un régime forestier plus agile, plus souple et plus prévisible qui prend mieux en compte les réalités régionales », a-t-elle déclaré.
Le projet de loi 97 sera maintenant soumis à l’étude en commission parlementaire, où les différents acteurs pourront faire valoir leurs points de vue et proposer des amendements. Cette réforme promet donc de relancer un débat houleux sur l’avenir des forêts publiques au Québec.