Vendredi, mai 9, 2025

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Quand l’omniprésence étatique condamne au symbolisme

Les raisons sont nombreuses pour critiquer l’ampleur du mammouth gouvernemental québécois, impôt trop élevé, inefficacité, perte de contrôle des projets d’infrastructures numériques autant que physiques, mais une justification souvent écartée est le fait que l’omniprésence et la prétention d’omnipotence condamnent à l’action symbolique. Le dernier exemple en liste ? L’interdiction des cellulaires à l’école et l’obligation du vouvoiement en classe.

Indépendamment de ce que l’on pense de cette mesure, force est de constater que ce sont des gestes symboliques dont la portée réelle sera négligeable, et ce, pour plusieurs raisons.

Une interdiction théorique qui n’aura pas l’effet espéré.

Tout d’abord, quelles sont les raisons qui justifient l’interdiction des cellulaires à l’école alors que ceux-ci étaient déjà interdits en classe ? Elles sont dans les faits assez nombreuses.

Il n’est pas difficile d’observer que les liens sociaux et affectifs sont altérés par la présence de ces bébelles électroniques. Les téléphones intelligents ont malheureusement la capacité d’héberger des applications bâties autour de l’anxiété de ratage telles que les jeux mobiles ou certains réseaux sociaux. Ces applications viennent gruger une part importante de la capacité d’attention des jeunes. En fait, leur cerveau est si sensible que le retrait de ces appareils génère chez plusieurs un effet de manque similaire à celui de n’importe quelle autre dépendance moderne. Le dérèglement que l’accès à ces applications génère au niveau du système dopaminergique est à lui seul suffisant pour justifier une augmentation des diagnostics de TDA. Je vous invite à lire l’excellent livre « Génération Anxieuse » de Jonathan Haidt pour plus d’informations.

De plus, les textos, les appels audio et même les appels vidéos, aussi utiles peuvent-ils être, ne donnent pas la même interaction ni le partage d’interaction d’une conversation en personne. Ces conversations numériques n’ont pas le même impact sur le développement de la lecture sociale et des habiletés de communication. Et compte tenu que les habiletés sociales sont dans plusieurs cas de meilleurs prédicteurs du succès des futurs adultes que le résultat scolaire en lui-même, ça a un impact non négligeable.

Cependant, en pratique, comment va-t-on implanter cette mesure ? Quels seront les moyens de contrôle afin de valider l’absence de téléphone dans l’école ? À qui sera confiée la surveillance ? Quels seront les budgets accordés ? Je vous laisse deviner l’armée de surveillant d’élèves nécessaires pour arpenter les corridors. Poussons l’exagération au maximum, on va installer des détecteurs à l’entrée de l’école comme certaines écoles américaines le font pour les armes à feu ? Ou installer des casiers à cellulaire à l’entrée avec un surveillant t’obligeant à vider toutes les poches ? Ces surveillants feront quoi si un enfant cache le cellulaire dans ses sous-vêtements ?

Je vous laisse présager le bordel de gestion qu’on ajoute aux établissements avec cette mesure…

Quand le gouvernement se prend pour votre mère

Ça ne date pas d’hier que le gouvernement a la fâcheuse tendance de vouloir se substituer à l’autorité parentale, ou pire, qu’il croit que la population n’est pas en mesure de prendre soin d’elle-même. Que ce soit par une attitude moralisatrice avec les substances enivrantes ou, comme dans le cas actuel, en voulant faire l’éducation des enfants à la place des parents.

Après tout, est-ce vraiment le rôle du bureau du ministre d’imposer la politesse élémentaire ? Je ne suis pas contre le principe, bien au contraire. Je désire que les jeunes s’adressant à ma conjointe enseignante soient respectueux. De l’autre côté, en tant que futur père de famille l’idée de voir le gouvernement s’arroge ma responsabilité parentale d’apprendre à mon enfant les bases élémentaires du savoir-vivre m’insulte au plus haut point. Je suis de ceux qui croient que la création même du ministère de l’Éducation a été le pas le plus important dans la déresponsabilisation institutionnalisée.

Je ne suis pas contre l’instruction publique, au contraire, mais justement, le rôle du gouvernement devrait être d’assurer l’accessibilité et l’universalité de l’instruction. Ça ne devrait pas consister à éduquer les enfants à la place des parents. La responsabilité de l’éducation revient d’abord et avant tout aux parents et l’école doit avoir un rôle complémentaire, au même titre que la société civile. Pardonnez-moi cet excès de conservatisme, mais je considère que la communauté entourant l’enfant est encore aujourd’hui un facteur important dans son développement. Il n’est pas rare d’entendre un jeune adulte reconnaître la contribution qu’a eue sur son développement un adulte autre que ses parents. Que ce soit un enseignant, un entraîneur sportif, un professeur de musique ou un sensei au karaté. Malheureusement, l’attribution du rôle de l’éducation à l’école québécoise vient éliminer l’effet communautaire.

Mais au-delà de l’aspect philosophique, concrètement, l’effet de cette mesure est une atteinte à l’autonomie et au jugement professionnel de l’enseignant. Si ce dernier considère que d’instaurer un climat de confiance entre les élèves et lui passe par un ton un peu plus familier de temps à autre, où est le problème ? Est-ce que l’on va sacrifier le bienfait d’une confiance accrue envers l’autorité au profit symbolique du vouvoiement ? Je dis symbolique parce qu’on ne peut pas forcer le respect par une mesure de politesse imposée par le gouvernement. Parce qu’il faut appeler un chat un chat, le vouvoiement n’est pas une marque de respect, mais de politesse. Cette dernière va de soi alors que le premier se mérite.

Par exemple, est-ce que l’on va pénaliser un élève et un enseignant ayant une discussion dans le corridor à propos d’un comportement déplacé se faisant dans la familiarité ? Ce genre de discussion informelle est importante et le fait de laisser tomber les masques peut aider à établir une relation avec l’élève qui sera bénéfique sur le long terme.

Pour ma part, le fait de laisser tomber mon grade l’espace de quelques instants alors que j’étais cadre dans les cadets m’a permis d’entendre plusieurs confidences qui m’ont permis de mieux comprendre le comportement déplacé et même dans certains cas, d’aider une victime dans son épreuve. Utilisée avec parcimonie, cette familiarité peut aider à bâtir un sentiment de confiance envers l’autorité plutôt qu’un sentiment de crainte. Alors, on veut vraiment substituer le jugement professionnel d’un enseignant à celui d’un ministre voulant gagner des points dans les sondages d’opinion ?

Quand la lourdeur condamne à l’inaction

C’est un secret de polichinelle, l’état québécois est sclérosé de lourdeur bureaucratique. Il est presque impossible de faire une action sans demander la permission à quelqu’un, quelque part, et c’est aussi vrai pour les politiciens. Bon, okay, dans plusieurs cas, c’est mieux que ceux-ci ne puissent pas faire grand-chose.

Mais dans les faits, pourquoi sont-ils rendus à faire des actions qui relèvent de la gestion de classe de l’enseignant à partir du cabinet du ministre ? Serait-ce parce que le ministre réalise qu’il a très peu de pouvoirs d’actions sur l’efficacité de la machine bureaucratique parce que Léviathan est trop lourd ? (Sans rappeler qu’il veut séduire le vote des personnes âgées pour qui le vouvoiement est important)

Il ne faut pas oublier que le politicien est particulièrement fragile face au biais d’action. On le blâmera qu’il fasse quelque chose ou non, mais certains lui pardonneront d’avoir commis une erreur en « agissant au meilleur de ses connaissances ». Au moins, il aura essayé… Après tout, qui aurait fait mieux ?

En réalité, ça laisse l’impression d’un aveu d’échec. À défaut d’être en mesure de réformer le système d’éducation, le ministre se contente de faire un acte symbolique. Pour des nationalistes, le symbolisme est à la base de sa réflexion. Aucune surprise qu’ils en abusent.

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Francis Hamelin
Francis Hamelin
Francis Hamelin, #MakeThePLQLiberalAgain, est membre des Trois Afueras et écrivain amateur. Technicien en génie mécanique et industriel, il s'intéresse particulièrement aux politiques publiques, l'économie et à la productivité des entreprises et des individus.

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