De la joute verbale aux balles mortelles
Mercredi 10 septembre 2025, sur le campus tranquille de l’Utah Valley University, la parole s’est trouvée confrontée à la plus brutale des censures : une balle. Charlie Kirk, influenceur conservateur américain et cofondateur de l’organisation Turning Point USA, tenait une séance de questions-réponses avec des étudiants lorsqu’un coup de feu a claqué en plein milieu du débat. La scène, filmée par des témoins, a de quoi glacer le sang : après un fort détonement, l’orateur porte brièvement la main à son cou avant de s’effondrer de sa chaise, semant la panique dans la foule. Pris pour cible en plein échange d’idées, l’agitateur de 31 ans a été immédiatement évacué par ses gardes du corps, mais il succombe malheureusement à ses blessures peu après son arrivée à l’hôpital.
Que s’est-il passé dans l’esprit du tireur ? Quelques instants plus tôt, Charlie Kirk répondait posément, et sans doute avec son aplomb habituel, à une question sur les tireurs transgenres et les fusillades de masse, sujet hautement polémique abordé par un étudiant. Était-ce là une pensée interdite de trop pour celui qui guettait dans l’ombre, doigt sur la détente ? Le fait est qu’au cœur d’une institution censée célébrer le choc des idées, on a répondu à un argument… par un projectile. La joute oratoire s’est muée en assassinat.
Les réactions à chaud ont reflété la gravité du geste. Sur les réseaux, même les adversaires politiques de Kirk ont condamné l’attaque sans ambiguïté. « La violence politique n’est JAMAIS acceptable », a martelé Hakeem Jeffries, leader démocrate à la Chambre des représentants. De son côté, Donald Trump a exhorté ses abonnés à prier pour lui, qualifiant Kirk de « type formidable » et implorant Dieu de le bénir. Voir ainsi un conférencier abattu en plein discours a provoqué une onde de choc qui dépasse les clivages partisans : c’est la liberté d’expression elle-même qui semblait avoir été prise pour cible, sous le feu des balles.
Occident anesthésié, liberté anéantie
Ce drame américain n’est pas un fait divers isolé, mais le symptôme extrême d’une époque où la civilisation occidentale confortable ne tolère plus la dissonance. À force de rechercher le bien-être et l’harmonie à tout prix, nos sociétés post-modernes ont développé une allergie au conflit, au point de préférer le silence à la cacophonie des opinions. Le résultat ? Une anesthésie générale du débat public. On bannit les idées qui dérangent comme on éteint une alarme importune, sans réaliser qu’on se prive par là même de signes vitaux. Le confort étouffe le courage : mieux vaut censurer une parole dérangeante que risquer la moindre secousse dans notre quiétude feutrée.
Il suffit d’observer l’université moderne, temple du savoir devenu jardin d’enfants craintif. Sur de nombreux campus, on cancel les conférenciers controversés pour éviter de “blesser” les étudiants, on instaure des zones sécurisées où aucune opinion dissonante ne doit venir troubler la quiétude morale. L’absurde confine au tragique : récemment, une université canadienne a même rejeté la tenue d’une conférence sur la liberté d’expression par crainte de “réactions émotionnelles imprévisibles” parmi les étudiants en sciences sociales. Le message sous-jacent est limpide : le confort psychologique prime sur le débat. Mieux vaut museler un orateur que voir quelques âmes s’agiter.
Cette censure douce, souvent applaudie au nom du bien-être collectif, prépare en sous-main le terrain de violences bien réelles. Car à force d’étouffer la parole par peur du désordre, on finit par dresser les esprits les uns contre les autres. Ce que l’on refuse de discuter, certains finiront par l’imposer par la force. Lorsque toute contestation verbale est diabolisée, traitée de « haine » ou d’« extrémisme » avant même d’être entendue, comment s’étonner que les plus fanatisés en viennent à justifier l’agression physique pour faire taire l’adversaire honni ? Notre confort occidental, en fardant la dissidence d’infamie plutôt que de la confronter, engendre une rage froide qui tôt ou tard sort du bois, armée et dangereuse.
Il y a dans ce paradoxe de quoi secouer les esprits les plus blasés : jamais l’Occident n’a été aussi paisible et prospère, et jamais la liberté d’expression n’y a semblé si fragile. Protégés de tout, nous nous indignons d’un rien. Habitués à la satisfaction immédiate, nous ne supportons plus la contrariété d’une opinion contraire. Les mots nous terrifient plus que les actes, si bien que nous en venons à voir des « violences symboliques » partout, tout en fermant les yeux sur la véritable violence qui, elle, se déchaîne lorsque la parole est muselée. Le terrorisme intellectuel que constitue la cancel culture ouvre la voie, inéluctablement, à un terrorisme tout court. L’assassinat de Charlie Kirk est le sinistre écho de toutes ces fois où l’on a voulu faire taire plutôt que débattre.
Liberté d’expression : des victimes bien réelles
Les événements récents révèlent une cascade de faits tragiques illustrant la mise à mort, parfois littérale, de la liberté d’expression dans nos sociétés qui se croyaient à l’abri :
France : Un professeur, Samuel Paty, est décapité par un extrémiste islamiste pour avoir montré à ses élèves des caricatures lors d’un cours sur la liberté d’expression. Il a été « tué pour avoir enseigné la liberté d’expression à des enfants », comme l’a rappelé le président Macron après ce meurtre. Dans le pays de Voltaire et de Charlie Hebdo, on assassine un enseignant qui faisait exactement ce que notre civilisation prétend valoriser.
Réseaux sociaux : Des voix dissidentes sont régulièrement bannies ou réduites au silence sur les grandes plateformes numériques pour des délits d’opinion flous. Le tribunal invisible des modérateurs de Silicon Valley condamne sans procès tout écart au discours approuvé, rendant certaines idées impossibles à exprimer publiquement sans risque de disparition numérique.
Médias et politique : Le glissement sémantique fait le reste du travail : on étiquette d’« extrême » ou de « haineux » tout discours non conformiste, de sorte à disqualifier son auteur d’avance. Une fois voué aux gémonies, l’opposant idéologique n’est plus un être humain à convaincre, mais un monstre à abattre symboliquement, sinon physiquement. La normalisation de ces anathèmes délétères crée un climat où, dans l’esprit de certains, frapper un « fasciste » devient un acte de légitime défense.
Ces exemples, parmi tant d’autres, dressent le constat accablant d’une époque qui perd pied. Le confort matérialiste et l’obsession de la sécurité émotionnelle ont engendré une génération qui confond être offensé et être opprimé. On ne voit plus la différence entre une parole qui dérange et une agression tangible. Dès lors, l’ultime tabou, la violence physique, finit par tomber. Puisque les mots seraient des “armes”, pourquoi ne pas répondre aux mots par de vraies armes ? Telle est la sinistre logique qui s’est immiscée chez les esprits les plus fanatisés.
Redéfinir la liberté pour ne pas la perdre
Face à ces dérives, notre civilisation contemporaine n’a jamais eu autant besoin de redéfinir la notion de liberté, et en premier lieu celle de la liberté d’expression. Redéfinir, c’est-à-dire redécouvrir. Nous devons rappeler, haut et fort, ce qu’est et n’est pas la liberté d’expression dans une société qui se dit libre.
La liberté d’expression, ce n’est pas le confort d’entendre uniquement des propos qui flattent nos certitudes. Ce n’est pas la garantie d’une conversation inodore et sans heurts. Au contraire, c’est le droit, et même le devoir, de tolérer le discours qui nous déplaît, de confronter des idées opposées, d’accepter la polémique comme un mal nécessaire au progrès intellectuel. Comme l’écrivait si bien George Orwell, « Si la liberté signifie quelque chose, c’est d’avoir le droit de dire aux gens ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre. »
Il est urgent de faire comprendre, surtout aux générations élevées sous cloche, que les mots ne sont pas des balles. Une opinion adversaire ne vous tue pas, mais la supprimer pourrait bien tuer la démocratie. Redéfinir la liberté d’expression, c’est réapprendre à débattre sans diaboliser. C’est restaurer la distinction fondamentale entre l’argument et l’agression, entre l’offense et l’oppression. Dans une société adulte et résiliente, on ne confond pas une contradiction avec un traumatisme. On répond à la parole par la parole, jamais par la violence.
Il faudra sans doute beaucoup de courage pour opérer ce revirement culturel. Cela implique de sortir de notre léthargie confortable, d’accepter d’être bousculés dans nos convictions sans réclamer un baillon pour l’autre. Cela implique aussi d’exiger de nos institutions, écoles, universités, médias, qu’elles assument pleinement leur rôle de garantes du débat ouvert, au lieu de capituler devant chaque menace de chahut. Il en va de la santé de notre démocratie. Un peuple qui renonce à la liberté d’exprimer des idées impopulaires se condamne à l’asphyxie intellectuelle, puis à l’escalade de la coercition.
L’assassinat de Charlie Kirk est un sinistre signal d’alarme. Il nous rappelle que la censure, fût-elle motivée par les meilleures intentions du monde, mène à la catastrophe. À force de ne pas laisser parler ceux qui pensent de travers, on finit par faire parler la poudre. Notre Occident repu doit choisir : le confort du silence ou la vitalité bruyante de la liberté. Il n’y a pas de troisième voie. L’histoire récente, du professeur assassiné en France au conférencier abattu en Amérique, nous enseigne que la liberté d’expression ne survit que là où l’on accepte d’être dérangé, provoqué, contredit.
Il est temps de renouer avec l’esprit de Voltaire, « Je ne suis pas d’accord avec vos idées, mais je me battrai pour que vous puissiez les exprimer », avant que la confortable apathie ne nous fasse tout perdre. La liberté d’expression est un colosse aux pieds d’argile : il ne tient debout que si chacun de nous refuse de le déboulonner à la moindre anicroche. Réapprenons à aimer la joute des idées et à détester la violence qui la tue. Sinon, d’autres voix tomberont, et avec elles un peu plus de ce qui fait l’âme même de notre civilisation.
En définitive, la véritable liberté n’est pas de vivre sans jamais être offensé, c’est de pouvoir affronter l’offense sans avoir peur. C’est d’écouter l’autre, fût-il radicalement opposé, et de lui répondre par des mots et non par des coups. À l’ombre de cet assassinat, l’Occident doit sortir de sa torpeur douillette. Il en va de la survie de ce qui reste de libre en lui. Si nous n’y parvenons pas, alors nos sociétés confortables deviendront le théâtre d’une tragédie annoncée, celle d’une liberté d’expression sacrifiée sur l’autel de la peur, laissant place aux cris, puis au silence.
Et dans ce silence, il sera trop tard pour pleurer la liberté perdue.