Jeudi, Décembre 11, 2025

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Guillaume Dulude et le grand cirque du consensus mou

Dans la dernière semaine, l’entrevue de Mathieu Bock-Côté à « Tout le monde en parle » a fait couler beaucoup d’encre et creuser un fossé entre « les clans ». Dulude lui-même le concède : « ça a augmenté, évidemment, la division sociale, le clan de la droite et le clan de la gauche ». Mais au lieu d’alimenter le débat, ce pourfendeur de la polémique a choisi la voie la plus « sage » qui soit : édulcorer chaque controverse. Son jugement? Avant tout, ne pas fâcher. Résultat? Un commentaire d’une mollesse confondante, bardé de la novlangue du « pas de vague ».

L’analyse sans aspérité de Dulude

Guillaume Dulude n’est pas venu pour en découdre. Dès le début, il prévient qu’il redoute les débordements : « je ne favorise pas la polarisation ou la division sociale ». Autrement dit, basta les grands mots et les vrais enjeux. Questionné sur un sujet brûlant, il se rabat sur une thermos de consensus tiède. Il « joue de mot » pour ne froisser personne, répète qu’il ne verra pas l’intérêt de discuter, et promet de ne pas mettre « l’emphase sur l’aspect politique ». Plus explicite encore, il dit tout net : le vif du sujet, « je ne le mettrai pas… je ne reviendrai pas » dessus. L’homme renonce donc d’avance à prendre position ; comme s’il fallait protéger le Québec fragile de la moindre réflexion qui pique.

Un autre exemple de sa langue de coton : pourtant averti que l’émission risquait de devenir un pugilat, Dulude bénit l’effet « pacificateur » de l’équipe en coulisses. Son mantra? Encourager des « arguments qui font du sens des deux côtés » afin d’« inhiber les dérapages, la polarisation ». Sauf que sur le plateau, bingo : c’est tout le contraire qui se produit. Plutôt que d’affronter la controverse, les animateurs se jettent dans l’humour et les poncifs. Dulude s’en inquiète comme si c’était un tour de passe-passe programmé : « une personne qui a peur de la conversation… va vouloir ralentir la conversation ». Son idéal? Qu’aucun intervenant ne dépasse les bornes. Son plan d’action? Trier les mots au cadmium pour ne surtout pas heurter. Bref, on zappe le vif du sujet. Comme il l’affirme sans honte : « Je ne souhaite pas ça, je souhaite qu’il y ait une vraie conversation » (c’est-à-dire, du débat, mais très soft).

Le consensus mou, ou l’art de ne surtout rien choisir

Cet exercice d’équilibriste plaît bien à Dulude. Car en arrière-plan, on devine sa véritable conviction : toute friction lui donne de l’urticaire. Il répète en boucle qu’il « n’en voit pas la pertinence » de prendre parti, tant ça « va augmenter la polarisation ». En gros, il préfère se pavaner en conciliateur insipide qu’en penseur engagé. Par sa posture, il incarne cette « culture du consensus mou » où l’on préfère la diplomatie aseptisée à la courageuse confrontation des idées. Rien ne doit déplaire, surtout pas l’opinion de quelqu’un.

Résultat : le débat public québécois en prend un sérieux coup de jeune… en moins. Plus de bourdonnement poli que de true clash. Même la question du Grand Remplacement ou de l’« islamophobie » (débats explosifs ailleurs) devient ici un sujet traité à la louche et renvoyé aux calendes (Dulude confesse d’ailleurs benoîtement qu’il ne juge pas utile de réactiver ces vieilles questions, préférant dire qu’il « ne considère pas [que le terme Grand Remplacement] soit tellement usé… qu’il n’est plus utilisable aujourd’hui »). Pour citer Facal, ce sont des « arguments très faibles » qui circulent chez ces joueurs du chacun-son-mot.

Le pompon : pour Dulude, même l’émission elle-même aurait dû rester dans cet esprit faussement apaisant. Comme s’il était inquiet de déplaire, il louange un mécanisme « qui inhibe… la polarisation » et regrette que cette mécanique-là « n’ait pas eu lieu ». En substance, il plaide pour qu’aucune voix ne soit trop haute, qu’aucun point de vue ne domine. Ironie cruelle : ce refus même du conflit transforme la TV publique en épisode d’ennui collectif. Les deux clans s’y observent en chien de faïence, chacun murmurant à l’oreille du Québec qu’il faut tous vivre heureux dans un pays tout rose. À ce jeu, Dulude se fait le plus fervent gardien de l’ambiance « chambrée sans drame », refusant de faire de vagues même quand il y aurait matière.

Les voix tranchantes : antidote au politiquement correct

À l’opposé, certains n’hésitent pas à attiser le débat. Richard Martineau, animateur polémiste bien connu, se décrit lui-même sans détour : « Sans peur, sans pitié… c’est l’opinion tranchante qui bouscule les bien-pensants et réveille les endormis ». C’est peu dire : Martineau se moque du « tu peux le dire? » et balance son blabla sec comme coups de balai. De même, l’irascible Dr Pierre Mailloux jadis sur les ondes (le « Doc Mailloux ») n’était pas du genre à sucer les Anges. Jean-Luc Mongrain, autre héritier de la presse à la hargne, aurait raillé les bonnes âmes trop polies qui « n’osent pas » chambouler les convenances. Ces trublions comme Martineau, Mongrain, Mailloux font bonne figure quand il s’agit de jeter un pavé dans la mare des faux-semblants, quitte à rameuter la controverse. Ils préfèrent clairement un clash franc à un obscur consensus larvaire.

Pendant ce temps, Dulude apparaît comme un automate du politiquement correct. Il aurait pu s’insurger en hurlant contre la pensée molle de Joseph Facal ou colporter ses propres uppercuts ; au lieu de cela, il berce ses spectateurs d’un soupçon de coussin sonore. Ses propos coulent comme de la gélatine, sans réelle consistance. On cherche en vain dans son discours quelque piquant, une flèche, une position tranchante. Rien que des « peut-être », « il faudrait » et des digressions creuses sur la communication interpersonnelle. Résultat : on n’a plus affaire à un commentaire d’opinion, mais à une bouillie consensuelle. Faudrait-il lui rappeler le slogan martien : « Tu veux du tiède? Passe ton chemin », parce qu’ici on nage dans l’ennui tiède?

Nécessité de l’irrévérence et de la tension démocratique

On peut trouver ce pacifisme de salon sympathique jusqu’à ce qu’il étouffe le dialogue. Car une démocratie qui refuse le clash devient une morgue culturelle. Il est vital d’avoir des débats vifs, où l’on se réveille un peu de son coma collectif. Dulude lui-même réclame la « vraie conversation » ; or la vraie conversation, elle bourdonne aussi de désaccord et de défi. Sans dent, cette prétendue « conversation » se mue en monotone rapport de réunion de condo.

La critique mordante, l’irrévérence, la provocation intellectuelle ne sont pas de sales maux : ce sont le sel et le poivre d’une démocratie vivante. Oser dire « je ne suis pas d’accord », oser heurter, bousculer les idées reçues voilà ce qui fait progresser la pensée publique. Des figures comme Martineau ou même des humoristes grinçants s’en servent comme d’un carburant : ils ne craignent pas de déplaire pour mieux piquer les consciences endormies. En cela, ils rendent service au débat collectif.

Clamons-nous l’insolence !

Guillaume Dulude aurait sans doute préféré finir sur un bilan optimiste. Nous, on a vu dans son commentaire sur Facebook l’illustration triste d’un consensus mou : prudence maximaliste, débat bâillonné, peur de la moindre étincelle. À trop craindre la discorde, il offre un spectacle lénifiant où l’on n’apprend rien et où personne n’est dérangé. Le Québec mérite mieux que ce déo-dorant discours sans relief. Qu’on emprisonne un temps la trouille de déplaire : la démocratie québécoise réclame du tonus, de l’irrévérence et du vrai débat. Que cesse enfin ce « festival de la pensée molle ». Debout, briquons la dialectique, ravivons les idées! L’avenir se construit à l’ombre des micros allumés, pas dans le confort tiède des conciliabules.

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Samuel Rasmussen
Samuel Rasmussen
Samuel Rasmussen, alias Le Blond Modéré, est membre des Trois Afueras et collaborateur du podcast Ian & Frank. Titulaire d'une formation en relations internationales à l'Université de Sherbrooke, il s'intéresse particulièrement à la géopolitique, aux zones d'influence et aux différentes formes de pouvoir.

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