Lundi, mars 24, 2025

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Les Guerriers du Lazy Boy

En regardant le discours sur l’état de l’Union prononcé par Donald Trump, un passage a particulièrement retenu mon attention. Il parle alors de l’aide militaire offerte à l’Ukraine depuis trois ans, sous les applaudissements des membres démocrates du Congrès, visiblement fiers de leur bilan. Il ajoute : « Voulez-vous que cela continue encore cinq ans ? »

La salle devient alors silencieuse, et tout le monde cesse d’applaudir. Tout le monde, sauf Elizabeth Warren, la sénatrice démocrate du Massachusetts, qui applaudit encore en hochant du bonnet.

Qu’on soit d’accord ou non avec l’approche géopolitique de Trump ou avec celle que le président surnomme « Pocahontas » n’est pas spécialement important ici. Ce qui m’importe, c’est ce que révèle la position en apparence héroïque de la sénatrice.

Contrairement au « méchant » Trump, ELLE ne laissera pas tomber l’Ukraine. Mais en quoi consiste ce soutien au juste ?

  • D’une part, à subventionner le gouvernement et l’armée ukrainienne avec l’argent des autres. Ce qui n’a rien de particulièrement héroïque, on en conviendra.
  • D’autre part, à refuser tout processus de paix qui pourrait concéder un quelconque gain à la Russie, en se campant dans une position idéaliste qui a peu, voire aucune, chance de se réaliser.

En étant moins généreux, on pourrait également déduire de cette position d’une frange du Parti démocrate qu’elle correspond à une volonté d’instrumentaliser cette guerre afin d’affaiblir durablement la Russie. Ce qui n’est pas un objectif mauvais en soi, mais compte tenu des milliers et des milliers de morts que cela implique, il me semble moralement très discutable.

Ensuite vient l’évidence. Compte tenu de son poste, de son âge, de ses capacités et du fait que les États-Unis n’entreront pas en guerre ouverte avec la Russie, madame Warren ne sera ni déployée au front, ni en deuil d’un mari ou d’un fils envoyé à l’abattoir.

Certaines estimations portent le nombre de morts et de blessés dans cette guerre à plus d’un million. Peut-être même bien plus. Quiconque n’est pas dans une démarche de paix et cherche à étirer cette boucherie depuis le confort de son salon ou de son bureau de politicien commet, à mon avis, une faute morale épouvantable.

Deux scénarios se présentent.

Ou bien l’Occident s’engage dans une guerre totale avec la Russie, et son objectif de voir l’Ukraine revenir à ses frontières de 2021 (voire 2014) devient réaliste en cas de victoire. Ce scénario serait purement irresponsable, vu le risque imminent d’escalade nucléaire.

Ou bien l’Occident ne s’engage pas directement dans cette guerre et cherche une voie de sortie, ce qui implique des concessions et une négociation. Ce scénario correspond plus ou moins à celui de l’administration américaine.

Une chose est certaine. Le scénario actuel, où les pays occidentaux subventionnent la défense ukrainienne avec l’espoir d’épuiser Poutine et de le forcer à se retirer du Donbass, de la Crimée et autres territoires occupés, est illusoire. Il pouvait avoir un certain sens durant quelques mois, tant que l’état réel des forces en présence restait incertain. On pouvait également imaginer qu’un membre du régime russe, souhaitant devenir calife à la place du calife, fomente un coup d’État contre Poutine pour mettre fin à la guerre. Or, hormis la tentative encore nébuleuse de Prigojine, le baron du groupe Wagner, en 2023, rien de tout cela ne s’est produit. On pouvait également espérer que les sanctions économiques imposées à la Russie soient fatales à son économie et force Poutine à reculer. Ça ne s’est pas produit. 

Il ne nous reste donc que l’option de la paix. Certains diront que la parole d’un salaud ne vaut rien et que Poutine est un menteur et un criminel.

Bravo, vous venez de découvrir qu’on ne fait pas la paix avec ses amis, mais avec ses ennemis.

Il faudrait peut-être commencer à faire preuve de créativité et proposer, par exemple, que les deux parties s’engagent à respecter les résultats d’un référendum dans lequel les habitants des régions occupées pourraient voter. Souhaitent-ils appartenir à la Russie ? À l’Ukraine ? Devenir un pays indépendant ?

Par contre, les référendums tenus dans le Donbass en 2014 ont été accusés d’avoir été manipulés par la Russie, et il est fort possible qu’on ne soit pas à même de garantir l’intégrité d’un tel processus. 

Il est également hautement probable qu’il ne sera pas possible de restituer les territoires occupés depuis 2022. Du moins, pas totalement. 

Il faut tout de même trouver un moyen de convaincre Zelensky et Poutine que cette entente serait mutuellement plus bénéfique qu’une guerre qui s’éternise, ou pire d’une guerre qui escalade. Cela passe probablement par des ententes économiques qui feront frémir les bonnes âmes, mais c’est le prix à payer. 

Cela dit, le cul bien encastré dans leur Lazy Boy, les guerriers du Net avec leur drapeau de l’Ukraine, tout comme les trolls russes, ne semblent avoir aucun problème à voir les massacres se poursuivre durant des mois, voire des années.

À défaut de pouvoir les envoyer au front, il faudrait peut-être arrêter de les écouter.

Frank.

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Frank
Frank
Titulaire d’une maîtrise en philosophie, François Fournier, alias Frank, est Chroniqueur et Animateur du podcast Ian & Frank. Il est aussi l'auteur de l'Arnaque décroissante et Live Free and Die. Il est possible de le suivre sur X (Twitter), YouTube et Patreon.

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