Dans un rapport publié en mars 2025, le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU a recommandé au Canada d’abroger la disposition de son programme d’aide médicale à mourir (AMM) qui permet l’euthanasie des personnes dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible, qualifiant cette pratique de « capacitiste ».
Une critique internationale sans équivoque
Le Comité des Nations Unies a exprimé une « préoccupation extrême » concernant la législation canadienne qui autorise l’euthanasie pour les personnes sans perspective de mort naturelle imminente. Cette disposition, connue sous le nom de « Voie 2 » de l’AMM, a été introduite en mars 2021 lorsque le gouvernement canadien a supprimé l’exigence qu’une personne soit en phase terminale pour être admissible à l’euthanasie.
Dans ses observations finales publiées suite à son examen des 10 et 11 mars 2025, le Comité a affirmé que cette disposition est « fondée sur des perceptions négatives et capacitistes de la qualité et de la valeur de la vie des personnes handicapées ». Le rapport soutient également que la loi perpétue l’idée erronée que « la souffrance est intrinsèque au handicap plutôt que le fait que l’inégalité et la discrimination causent et aggravent la souffrance des personnes handicapées ».
Des recommandations précises
Le Comité a formulé plusieurs recommandations claires au gouvernement canadien, notamment:
- Abroger la Voie 2 de l’aide médicale à mourir, y compris l’expansion prévue en 2027 pour les personnes dont le seul problème médical est une maladie mentale
- Ne pas soutenir les propositions d’élargissement de l’AMM aux « mineurs matures » et aux demandes anticipées
- Investir significativement dans des mesures globales pour s’assurer que les défaillances systémiques liées aux déterminants sociaux de la santé sont prises en compte (réduction de la pauvreté, logement accessible, prévention du sans-abrisme, etc)
- Renforcer les processus de consultation avec les peuples autochtones
- Mettre en place un mécanisme fédéral de surveillance indépendant pour contrôler et traiter les plaintes relatives à l’AMM
Un contexte d’expansion controversée
Cette intervention de l’ONU survient dans un contexte où le Canada a considérablement élargi son programme d’AMM depuis sa légalisation en 2016. Selon les statistiques officielles, l’euthanasie représentait 4,1% des décès au Canada en 2023, avec une augmentation de 34% des cas de « Voie 2 » par rapport à l’année précédente.
Krista Carr, PDG d’Inclusion Canada, a déclaré devant le Comité: « La voie 2 de l’AMM, le suicide assisté, relève de l’eugénisme et perpétue des préjugés capacitistes dangereux selon lesquels la vie en situation de handicap ne vaut pas la peine d’être vécue. Les propres données du gouvernement montrent une hausse persistante et alarmante du nombre de cas de voie 2. Depuis que la voie 2 est devenue légale, le Canada a mis fin à la vie d’au moins une personne en situation de handicap chaque jour ».
Des opinions publiques divisées
Malgré les critiques internationales, les sondages montrent que le soutien public à l’AMM reste élevé au Canada. Selon un sondage Ipsos réalisé en 2024, 84% des Canadiens continuent de soutenir la décision Carter v. Canada qui a introduit la législation sur l’aide médicale à mourir. De même, 78% des Canadiens, y compris 78% des personnes handicapées, soutiennent la suppression de l’exigence de « mort raisonnablement prévisible ».
Cependant, d’autres sondages révèlent des préoccupations concernant l’application de la loi. Une enquête de l’Institut Angus Reid a constaté que trois Canadiens sur cinq (62%) s’inquiètent que des personnes socialement et financièrement vulnérables puissent se tourner vers l’AMM en raison d’un manque d’accès à des soins adéquats.
Une étude publiée dans le BMJ Open a également révélé que bien que 73,3% des Canadiens soutiennent la loi sur l’AMM en général, le soutien diminue considérablement dans les scénarios impliquant un refus de traitement ou un manque d’accès aux soins. Plus troublant encore, seulement 12,1% des répondants ont correctement répondu à au moins 4 des 5 questions de connaissance sur la loi, suggérant un écart important entre le soutien public et la compréhension de la loi.