Mercredi, mars 12, 2025

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Vincent Geloso, professeur d’économie à l’Université George Mason et économiste senior à l’Institut économique de Montréal, lance un pavé dans la mare avec son récent article qui propose une approche radicale: abolir unilatéralement tous les tarifs douaniers canadiens, peu importe ce que font nos partenaires commerciaux. Cette proposition intervient dans un contexte de tensions commerciales croissantes et pourrait représenter une solution surprenante aux défis économiques actuels du pays.

Une hypocrisie commerciale bien canadienne

Le gouvernement canadien se présente volontiers comme un champion du libre-échange, déclarant que la libéralisation des échanges commerciaux a été un stimulant important pour la croissance économique et la prospérité. Pourtant, la réalité est tout autre. Le Canada impose des tarifs douaniers parmi les plus élevés du monde industrialisé, particulièrement dans certains secteurs protégés.

Le portrait dressé par Geloso est saisissant: des tarifs de 205,7% sur les produits laitiers, 27,2% sur les animaux vivants et la viande, ainsi que 17,3% sur les vêtements. Ces chiffres placent le Canada au quatrième rang mondial en matière de tarifs douaniers, tandis qu’il occupe le 47e rang concernant les barrières non tarifaires et le 28e pour les obstacles à la libre prestation de services. « Le Canada est donc considérablement protectionniste, mais d’une manière qui n’est pas souvent discutée », souligne l’économiste.

Cette situation est d’autant plus ironique que le pays se plaint régulièrement des barrières commerciales imposées par ses partenaires.

Une proposition audacieuse: faire cavalier seul

Face à cette situation, Geloso propose une approche radicale: la libéralisation unilatérale des échanges. En termes simples, il s’agit d’éliminer tous nos tarifs douaniers sans attendre de réciprocité de la part de nos partenaires commerciaux. Une idée qui pourrait faire sursauter plus d’un politicien à Ottawa.

Contrairement à la croyance populaire, cette approche n’est pas sans précédent historique. « La grande majorité des réductions tarifaires depuis le début du XIXe siècle sont intervenues sans réciprocité », rappelle Geloso. L’exemple le plus célèbre demeure l’abolition des « Corn Laws » en Grande-Bretagne au XIXe siècle, qui a considérablement réduit le coût des denrées alimentaires pour les plus démunis.

Plus récemment, la Suisse a aboli en 2024 la totalité de ses taxes à l’importation sur les produits industriels, tandis que Hong Kong et Singapour fonctionnent depuis longtemps comme des ports francs pratiquement sans tarifs douaniers. Ces exemples démontrent la viabilité de cette approche, même dans notre économie mondialisée actuelle.

Les contre-tarifs: un remède pire que le mal

Si les tarifs douaniers sont déjà problématiques, les contre-tarifs – ces mesures de rétorsion imposées en réponse aux tarifs étrangers – représentent un véritable poison économique. L’analyse de Geloso est sans appel sur ce point.

Les tarifs d’importation font déjà grimper les coûts de production des entreprises qui dépendent d’intrants étrangers, réduisant leur compétitivité sur les marchés mondiaux. Mais lorsqu’on y ajoute des contre-tarifs, c’est l’ensemble de l’économie qui se retrouve prise en otage dans une spirale inflationniste.

« Des taxes à l’importation plus élevées réduisent également l’offre de devises sur les marchés des changes, ce qui fait grimper les taux de change et affaiblit davantage la compétitivité des exportations », explique Geloso. En période d’inflation galopante comme celle que nous connaissons, imposer des contre-tarifs revient essentiellement à jeter de l’huile sur le feu.

Des bénéfices concrets et mesurables

Les simulations économiques citées par Geloso sont éloquentes: une libéralisation unilatérale des échanges pourrait augmenter le PIB canadien de 1,67% tout en réduisant le niveau des prix de 1,51%. Dans le contexte économique actuel, ces chiffres représentent une bouffée d’oxygène pour les ménages canadiens.

L’expérience historique canadienne semble confirmer ces projections. Dans les années 1830, lorsque tous les produits agricoles américains pouvaient entrer librement au pays, les gains de revenus ont été estimés entre 1,42% et 7,44%. Ces chiffres ne sont pas négligeables, surtout pour les familles à revenus modestes qui consacrent une part importante de leur budget à l’alimentation et aux biens de première nécessité.

Sortir du plat de spaghetti réglementaire

Un autre avantage de la libéralisation unilatérale serait d’échapper à ce que Geloso appelle « l’assiette de spaghetti » – cette complexité née du chevauchement de multiples accords commerciaux bilatéraux qui forment un enchevêtrement de règles, tel une assiette de spaghetti. Cette fragmentation réglementaire perturbe les flux commerciaux en poussant les entreprises à prendre des décisions fondées sur des failles réglementaires plutôt que sur l’efficience économique.

« Comme la libéralisation multilatérale n’est plus à l’ordre du jour, la seule voie possible est la libéralisation unilatérale par l’élimination totale des tarifs douaniers en vigueur et un plan concret de démantèlement des barrières non tarifaires », conclut Geloso. Une approche qui permettrait au Canada de simplifier drastiquement son cadre réglementaire commercial.

Une opportunité pour le Canada?

Dans un monde où les tensions commerciales s’exacerbent, particulièrement avec notre voisin américain, la proposition de Geloso mérite d’être considérée sérieusement. Plutôt que de s’engager dans une guerre tarifaire vouée à l’échec, le Canada pourrait faire preuve d’audace en abolissant unilatéralement ses barrières commerciales.

Cette approche ne ferait pas que réduire les prix à la consommation et stimuler la compétitivité des entreprises canadiennes. Elle positionnerait également le Canada comme un leader mondial du libre-échange véritable, renforçant sa réputation sur la scène internationale.

Ça serait pas mal moins pire que de se tirer dans le pied avec des contre-tarifs.

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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