La propagande idéologique se cache derrière un masque de bienveillance.
La fiction […] est l’un des moyens d’imposer le retour d’un ordre moral : véhiculer un nouveau code de conduite (tu ne mégenreras point, tu haïras la police, les hommes, …
Dans Woke Fiction, Samuel Fitoussi se livre à une critique acerbe et documentée de l’idéologie woke et de son influence sur les représentations culturelles, sociales et politiques. Divisé en chapitres thématiques, l’ouvrage explore les croyances fondamentales de ce courant et leur traduction dans la fiction contemporaine, des séries télévisées aux grands classiques réécrits. Avec une plume provocatrice, Fitoussi dénonce ce qu’il perçoit comme une tentative de réimposer un ordre moral sous couvert de progrès social, en mêlant observations sociologiques, références culturelles et réflexions philosophiques.
Définir le wokisme
Fitoussi commence par poser les bases de son analyse en définissant le wokisme comme une idéologie qui considère que « le racisme, la misogynie, la transphobie […] sont omniprésents en Occident, même si leurs manifestations sont parfois subtiles, voire invisibles. » Cette pensée, selon lui, repose sur des prémisses spécifiques :
- L’universalisme est rejeté comme une hypocrisie.
- La vie privée est politisée, car « le libre arbitre n’existe pas. »
- Les disparités statistiques sont interprétées comme des preuves de domination systémique.
Pour Fitoussi, cette vision du monde impose une hiérarchisation des identités où les individus ne sont plus perçus comme des êtres singuliers, mais comme des représentants de groupes. Il critique ainsi ce qu’il appelle une obsession identitaire, soulignant l’importance donnée à la subjectivité des minorités dites opprimées.
Le retour à l’ordre moral
L’un des arguments centraux de Fitoussi est que le wokisme réintroduit un ordre moral strict, mais sous une forme inversée. « La fiction […] est l’un des moyens d’imposer le retour d’un ordre moral : véhiculer un nouveau code de conduite (tu ne mégenreras point, tu haïras la police, les hommes, …), » écrit-il.
Il dénonce la tendance des wokes à vouloir contrôler les normes culturelles tout en se positionnant comme des dissidents. Pour Fitoussi, cette posture est une contradiction majeure : « Les wokes se veulent dissidents tout en étant décideurs. » Ainsi, il voit dans le wokisme un conformisme déguisé en subversion.
Tes héros seront vertueux
L’auteur explore l’impact du wokisme sur la création fictionnelle, en particulier la réécriture des œuvres classiques pour les conformer à une morale contemporaine. Fitoussi cite les révisions des romans de Roald Dahl par des « consultants en inclusivité » (bienvenue en 1984…) comme un exemple frappant. Il critique cette approche en affirmant : « Asservir la fiction à la morale revient à exiger d’elle qu’elle renforce le consensus idéologique du moment. »
Il oppose deux visions de la fiction :
- La vision tragique, qui accepte que l’homme soit imparfait et que la fiction reflète cette réalité.
- La vision candide, selon laquelle la fiction doit représenter ce que l’homme devrait être, en conformité avec des valeurs idéales. Pour Fitoussi, la pensée woke adhère exclusivement à cette dernière, réduisant ainsi la richesse et la complexité des récits.
Tes minorités seront discriminées
Fitoussi examine ici le fameux concept de racisme systémique, qui, selon les wokes, est une vérité objective. Il critique ce qu’il appelle un « complot sans comploteur », où même l’absence de preuves directes de racisme est interprétée comme une confirmation de son existence. Il écrit :
« Tout peut être racisme, même la dénonciation du racisme. »
L’auteur alerte sur les conséquences psychologiques de cette posture, citant une étude du Pew Research Center (2020) : « 56 % des femmes progressistes âgées de 18 à 29 ans déclaraient avoir déjà souffert de troubles mentaux, contre 28 % et 27 % chez les centristes et les conservatrices. » Pour Fitoussi, cette statistique pourrait illustrer le poids émotionnel de cette vision paranoïaque du monde.
Tu ne pratiqueras pas l’appropriation culturelle
L’appropriation culturelle est décrite comme une forme de « mini-colonialisme » par les wokes, une idée que Fitoussi rejette vigoureusement. Il cite l’exemple du scandale autour de Miley Cyrus et le twerk, utilisé comme un symbole de domination culturelle inconsciente.
Fitoussi ironise sur les contradictions du wokisme :
« On humilie les gens qui portent les signes distinctifs d’autres cultures tout en célébrant les hommes qui deviennent des femmes par simple déclaration. »
Pour lui, cette dissonance révèle les incohérences d’une pensée qu’il qualifie de réactionnaire, car elle ramène l’individu au tribalisme.
Tu haïras les hommes
L’un des chapitres les plus provocateurs (et les plus délicieux) du livre est consacré à ce que Fitoussi appelle la misandrie systémique du wokisme. Il dénonce un biais culturel qui valorise les femmes pour leurs réussites tout en réduisant les hommes à leurs échecs. Il écrit :
« Lorsqu’une femme gagne un Nobel, toutes les femmes sont concernées. Lorsqu’un homme tue ou viole, il représente alors la masculinité toxique. »
Fitoussi critique également l’irréfutabilité des théories wokes :
« Si les gens sont racistes, c’est la preuve que le racisme systémique existe. S’ils ne le sont pas, le racisme systémique existe quand même, car les gens sont inconscients de leurs biais. »
Un peu de résistance
Fitoussi salue les œuvres qui échappent aux dogmes du wokisme, comme White Lotus et quelques autres. Il loue leur capacité à offrir des récits complexes et authentiques, sans céder aux impératifs idéologiques dominants.
L’auteur termine son ouvrage sur une note stratégique : il appelle à exposer le wokisme pour ce qu’il est, c’est-à-dire une idéologie qui se prétend neutre et bienveillante, mais qui agit comme une propagande.
« Déjà d’avoir trouvé un mot, wokisme, pour la nommer, c’est un immense pas dans la bonne direction, » affirme-t-il.
Pour en savoir plus sur ce livre, j’invite les lecteurs à visionner l’entrevue que nous avons réalisé avec lui, l’an dernier.