Mercredi, mars 12, 2025

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Les Forces armées canadiennes s’ouvrent davantage à la diversité… et suscitent des questions

Les Forces armées canadiennes (FAC) affichent, depuis quelques mois, un virage majeur dans leurs politiques de recrutement. Parmi les mesures phares : l’assouplissement des normes pour les candidats présentant certaines conditions de santé mentale (TDAH, anxiété, dépression stabilisée, etc.) et une volonté accrue d’inclusion et de diversité. Si ce changement est salué par plusieurs, il soulève toutefois des inquiétudes quant à la qualité opérationnelle de l’armée en situation de conflit.

L’élargissement du bassin de recrutement ou un virage inclusif?

Nous sommes conscients que la composition des Forces armées canadiennes doit refléter la diversité de notre pays.

Général Wayne Eyre, chef d’état-major de la Défense

Depuis la fin de l’année 2022, les FAC ont multiplié les annonces et les initiatives pour élargir le bassin de recrutement. Cela se traduit par :

  • L’ouverture du recrutement aux résidents permanents, autrefois réservé presque exclusivement aux citoyens canadiens.
  • L’adaptation des normes médicales, notamment en ce qui concerne les troubles de santé mentale ou l’usage de certains médicaments.
  • Des règles de tenue plus souples (coiffures, tatouages, etc.) et un accent sur l’inclusion des minorités visibles, des Autochtones et des membres de la communauté LGBTQ2+.

Cette mesure nous permettra de puiser dans un bassin de talents plus large, tout en répondant aux besoins changeants de notre institution.

Général Wayne Eyre

Un signal positif pour les personnes anciennement jugées inaptes

Dans le passé, un diagnostic de TDAH ou d’anxiété entraînait souvent une inaptitude immédiate. Désormais, l’évaluation se fait au cas par cas :

  1. Stabilité de la condition : Les candidats doivent prouver que leur trouble est sous contrôle depuis un certain temps (un ou deux ans, selon l’évaluation).
  2. Traitement : Les médecins militaires vérifient si la médication est compatible avec les éventuels déploiements.
  3. Capacité opérationnelle : Au-delà du diagnostic, l’armée évalue la capacité du candidat à fonctionner sous stress et à remplir les tâches critiques.

Des professionnels de la santé mentale soutiennent cette approche. « Rejeter un candidat uniquement en raison d’un diagnostic, sans tenir compte des progrès thérapeutiques et de la stabilité, serait dommage », a expliqué la Dre Heather Prime, psychologue basée à Toronto, dans une entrevue au Toronto Star. « Les protocoles de soin et la pharmacologie ont considérablement évolué. Un trouble comme l’anxiété peut être très bien contrôlé, même dans des contextes exigeants. »

Les risques potentiels pour la qualité opérationnelle

Si l’élargissement des critères d’admission est salué pour son humanisme et sa modernité, plusieurs observateurs expriment des réserves. L’une des préoccupations majeures réside dans la capacité des nouvelles recrues à faire face à des situations de combat ou de grande tension.

« Le métier de soldat n’est pas un travail ordinaire, » a déclaré le major-général (à la retraite) Lewis MacKenzie dans une entrevue au Globe and Mail (édition du 15 janvier 2023). « Même pour quelqu’un dont le trouble est sous contrôle, un déploiement en zone de conflit peut déclencher des facteurs de stress inattendus. Nous devons être certains de préserver l’efficacité opérationnelle. »

Enjeux soulevés :

« Si un soldat ne peut plus gérer son trouble faute de ressources, cela risque de compromettre sa sécurité et celle de ses camarades, »

Major-Général MacKenzie.
  • Gestion de la médication en terrain hostile :
    • Les soldats en mission prolongée peuvent être coupés de certaines ressources médicales spécialisées.
    • Un traitement interrompu ou mal suivi risque de déstabiliser le militaire.
  • Stress de combat :
    • Des troubles comme le TDAH ou l’anxiété, même « stables » en contexte civil, pourraient s’exacerber face à la pression d’un théâtre d’opérations.
    • Cela pourrait influencer la cohésion de l’unité et la sécurité de tous si la personne n’est plus en mesure de réagir adéquatement.
  • Uniformité des normes :
    • Certains redoutent que, malgré une évaluation médicale au cas par cas, la nécessité de recruter rapidement ne se traduise par des admissions moins strictes.
    • On craint une baisse des standards dans le but de remplir les effectifs.

« Les forces spéciales, par exemple, ne peuvent pas se permettre de défaillance sur le terrain. Il y a des limites à l’accommodement, »

Major-Général MacKenzie

Les FAC misent sur la formation et le suivi

Face à ces interrogations, l’état-major se veut rassurant. Les responsables du programme affirment que les nouvelles recrues, quelles que soient leurs conditions médicales, suivent un entraînement intensif et bénéficient d’un suivi continu. De plus, les Forces armées canadiennes insistent sur le fait que le processus de sélection reste exigeant :

  • Les examens médicaux restent approfondis.
  • Les tests de condition physique (Test FORCE) et la formation de base ne sont pas assouplis.
  • Les enquêtes de sécurité et les évaluations psychologiques demeurent strictes.

« Nos critères demeurent exigeants, tant sur le plan de la condition physique que de la résilience psychologique. Nous faisons simplement en sorte de mieux évaluer chaque candidat, plutôt que de l’exclure sur la seule base d’un diagnostic. »

Général Wayne Eyre a indiqué, dans une conférence de presse diffusée par CBC News le 19 janvier 2023

Conclusion

Alors que les Forces armées canadiennes poursuivent leur stratégie d’augmentation des effectifs, la question reste de savoir jusqu’où cet assouplissement pourra aller et quels en seront les effets réels sur la qualité de l’armée en situation de conflit. Pour l’heure, l’approche semble réjouir bon nombre de candidats potentiels, mais elle soulève aussi des débats légitimes sur la capacité de l’institution militaire à gérer des conditions de santé mentale dans des contextes à haut risque.

Dans un monde où la main-d’œuvre militaire doit être à la fois compétente, adaptable et diversifiée, le défi pour les FAC sera de trouver le juste équilibre entre l’ouverture nécessaire et le maintien des exigences incontournables d’une force de combat. Seul l’avenir dira si cette réforme se soldera par un succès, un échec ou par des ajustements supplémentaires.

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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